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Les Amis de la Forêt du Gâvre

Du constat à l'action : les AFG

Du constat à l'action : les AFG

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Nous avons créé l’association des Amis de la Forêt du Gâvre (AFG) suite à un certain nombre de constats effectués en forêt ces dernières années.

 

Notre objectif est d’agir, dans un esprit constructif, afin que les évolutions particulièrement négatives que nous observons et dénonçons prennent un tout autre cours, plus conforme aux attentes actuelles des populations et aux impératifs d’un changement climatique bien réel comme d’un appauvrissement majeur de la biodiversité lui aussi bien réel. Il est d’une impérieuse nécessité que l’on revienne à une gestion nettement plus équilibrée qui, seule, permettra de mieux prendre en compte les intérêts à long terme du massif forestier et de ses différents usagers, et tout particulièrement de ceux qui sont de très loin les plus nombreux : tous ces citoyens que nous sommes et qui, ensemble, forment le grand public. Que nous habitions les communes les plus proches du massif, la grande métropole nantaise, les autres communes de Loire-Atlantique ou que nous venions de plus loin encore, y compris de l'étranger, nous avons tous le souhait d'exercer des activités de loisir et de détente dans un cadre forestier de qualité, dans une vraie forêt où la Nature est respectée et sa biodiversité préservée dans toute sa richesse.

 

Nul besoin, en vérité, de fréquenter assidument la forêt du Gâvre, voire même de la connaître, pour s’y intéresser et vouloir la défendre : la forêt est l’affaire de tous, a fortiori s’agissant d’une forêt domaniale.

 

Nous ne sommes pas en lutte contre l’ONF en soi, mais contre ses dérives, contre ce que cet EPIC (Etablissement Public à caractère Industriel et Commercial) est devenu et ce qu’il tend à devenir, glissant toujours plus ouvertement vers une privatisation de la forêt publique que dénoncent d’ailleurs nombre de ses agents, en particulier de terrain, qui reconnaissent de moins en moins leur métier et leurs missions. Ces personnels partagent à juste titre nos inquiétudes et nous partageons les leurs.

 

La Forêt du Gâvre n'est évidemment pas le seul massif à connaître une évolution « productiviste » de sa gestion. Il y a désormais suffisamment d’études, de rapports, d’articles, de livres, d’émissions, de vidéos, de films pour que tout le monde sache ce qui se passe et soit au courant de cette situation désastreuse. Une masse d’informations qui ne cesse de croître, pour une prise de conscience toujours plus large et éclairée, pour une volonté toujours plus déterminée de changer le cours des choses.  

 

L’on peut citer, à titre d’exemple, ce passage tiré de l’introduction du très éclairant livre de Gaspard d’Allens, Main basse sur nos forêts :

 

« Pendant mes reportages, ce que j'ai vu, ce sont des machines tout droit sorties de films de science-fiction qui arrachent les arbres en quelques secondes et les taillent au scalpel. Des scientifiques qui testent des arbres génétiquement modifiés. Tout un système industriel s'est greffé sur le secteur sans qu'on y prenne garde.

 

Et les forêts ont subi, avec quelques années de retard, les mêmes dérives que l'agriculture productiviste. Elles se sont métamorphosées en champs d'arbres que l'on moissonne comme du blé, en monoculture, avec un sol labouré, sous perfusion d'engrais et de produits phytosanitaires ».

 

Si bien des forêts françaises, y compris domaniales, subissent plus durement que la Forêt du Gâvre les effets désastreux du productivisme forestier (notamment dans l’Est), ce n’est pas une raison pour, ici, ne rien faire et attendre que les choses empirent encore.

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Les AFG entendent être une force de proposition soucieuse de l’intérêt général et, à ce titre, particulièrement vigilante en matière de gestion forestière et de biodiversité, au bénéfice de tous.

BRAME DU CERF ET DOUBLE DISCOURS

A propos du communiqué de presse ONF de septembre 2023

« Période de brame : respect et quiétude sont de rigueur en forêt ! »

 

 

Difficile, à première vue, de ne pas se féliciter de voir l’Office national des forêts « se fendre » d’un communiqué pour rappeler les bons comportements à adopter à tous les usagers de la forêt et principalement au grand public, à ces « nombreux curieux et passionnés [qui] se pressent en forêt » lorsque revient avec l’automne le temps du brame.

 

Un communiqué qui désormais, tel un rituel automnal, revient avec la même régularité que l’engouement passager qu’il est censé juguler, du moins dans ses débordements les plus préjudiciables, en opérant simplement quelques variations dans le texte et la mise en page (exemple de 2020 : https://www.onf.fr/espace-presse/+/80b::periode-de-brame-respect-et-quietude-sont-de-rigueur.html  ; version nationale 2023 :  https://www.onf.fr/vivre-la-foret/+/faa::le-brame-du-cerf-des-regles-de-prudence-simposent.html).

Un communiqué bientôt suivi, n’en doutons pas, par celui qui, de façon tout aussi prévisible, va s’efforcer de canaliser les hordes de cueilleurs de champignons prêts à débouler en forêt…

 

Comment, en effet, ne pas se satisfaire d’un ONF s’érigeant ainsi en défenseur attentif de la biodiversité en forêt (voire en défenseur sourcilleux – entre application stricte des règles et rigorisme un tantinet autoritariste, la frontière peut parfois paraître bien ténue…) et affichant, finalement, une belle sollicitude à l’égard du cerf ?

 

On nous l’assure haut et fort, il s’agit bien pour l’ONF « par ses actions en faveur des grands mammifères », d’« assurer la biodiversité biologique présente en forêt », et de « préserver les richesses faunistiques des massifs forestiers ». Qu’on se le dise, « la période du brame est « éprouvante pour les cerfs, et sensible à tout dérangement » [enfin, ce sont surtout les cerfs qui sont sensibles…].

 

Respecter le brame, oui, mais…

 

Mais nous voilà bien vite assaillis de quelques gros doutes, que certains seront probablement tentés d’évacuer comme relevant d’une propension de notre part à faire du mauvais esprit…

 

Il y a déjà le fait que toutes ces mises en garde pour respecter le brame interviennent alors que « la chasse à courre, à cor et à cri » repart de plus belle dès le 15 septembre. Une concomitance tout de même un peu gênante aux entournures, car, enfin, si les amateurs d’hallalis promettent, certes, en principe, de ne pas toucher aux plus beaux spécimens avant la fin du brame, ils mettent tout de même un sacré chambard en forêt, et cela va durer jusqu’au 31 mars.

 

Il y a surtout le fait que, si l’on y réfléchit bien, si l’on veut bien dépasser le discours (convenu) du communicant, il est difficile de ne pas se rappeler combien l’ONF fait, en vérité, peu de cas du sort du cerf (et des autres cervidés), à quel point celui-ci est considéré comme l’indésirable, le nuisible à réguler impitoyablement.

 

L’ONF n’en fait d’ailleurs pas mystère, dans d’autres communications et publications.  Il s’agit avant tout de préserver la ressource future en bois que l’on pourra couper sans traîner et vendre au meilleur prix. L’enjeu n’est-il pas de sauver la forêt française face au changement climatique ? 

Accessoirement pour la biodiversité et le reste, mais surtout pour avoir de quoi vendre, rester un acteur de la filière, se maintenir à flot…

 

Je dérange, tu déranges, il dérange…

 

Il peut bien y avoir quelques accommodements pendant le brame, en début de saison de chasse, de la part des forestiers et des chasseurs. Mais cela est bien peu de chose par rapport à tout ce que doivent subir les populations de cervidés, sans parler du dérangement (euphémisme) généralisé pour tous les hôtes de la forêt.

 

Et la situation n’est pas facile non plus pour les chasseurs eux-mêmes !  Ici ou ailleurs, ceux-ci se plaignent assez de se voir imposer par l’ONF des plans de chasse qu’ils sont souvent bien en peine de pouvoir satisfaire, tant les objectifs de chasse de l’ONF sont élevés. Après tout, il est assez normal de vouloir avoir quelque chose à chasser, à se mettre sous la dent (ou le fusil), lorsqu’on doit payer, fort cher, des droits de chasse, des lots où les chasseurs escomptent tout de même ne pas être les dindons de la farce.

 

Sans compter que, désormais, si la réalisation du plan de chasse laisse par trop à désirer, l’ONF peut toujours retirer le lot de chasse et menacer de passer en régie, en quelque sorte sur le mode de la battue administrative. Après tout, si la pratique devait tendre à se généraliser, du moins l’ONF devrait assumer plus ouvertement ses fortes exigences de régulation et afficher encore plus clairement sa dépendance à la chasse. Plus difficile, alors, de dire combien l’on aime les cervidés, et qu’il ne faut surtout pas « perturber le cycle des grands cervidés » !

 

Car, enfin, qui perturbe le plus, sinon les exploitants forestiers et les chasseurs eux-mêmes ?! Des dérangements d’évidence sans commune mesure avec les dérangements que peuvent occasionner les amateurs de brame, de champignons et de nature (et quid, par exemple, de cette battue au sanglier fin mai 2023 en forêt, en pleine période de reproduction de la faune et de naissance des faons ?).

 

Les travaux de régénération, d’éclaircie, de coupe se poursuivent imperturbablement dans les parcelles prévues pour l’année dans l’Aménagement forestier qui court sur vingt ans (en l’occurrence jusqu’en 2027) et les chasseurs sont à l’œuvre quasiment tous les jours de longs mois durant (alors que deux jours par semaine, ce devrait être un maximum). Les forestiers, les engins, les chasseurs, les chiens, les fusils… Qui dérange le plus les cerfs, le public ? Décidément, l’on peut « repasser » pour la quiétude des promeneurs et des animaux ! L’on nous dit pourtant, s’agissant de ces pauvres cerfs, si « réceptifs aux odeurs, bruits et déplacements », que « le moindre dérangement peut en effet perturber leur comportement »…

 

D’ailleurs, pas si bêtes, ces animaux ont volontiers tendance à s’exfiltrer du massif (comme à Tronçais et comme un peu partout où la pression de chasse est parfaitement déraisonnable, soit… à peu près partout !) pour se mettre davantage à l’abri dans les bois et couverts des alentours et y retrouver une relative quiétude. D’autant qu’il n’est pas fait grand-chose (en particulier en matière de points d’eau) pour les retenir davantage en forêt.

 

Rappelons tout de même au passage que les cerfs, comme nombre de mammifères, n’avaient pas à l’origine de moeurs particulièrement crépusculaires ou nocturnes et fréquentaient plutôt les milieux ouverts (prairies et savanes tempérées). Nécessité faisant loi, leurs comportements actuels résultent pour une large part de la pression des activités humaines, si souvent dérangeantes et prédatrices.

 

Le cerf, cet ennemi de toujours

 

Alors, oui, le mieux est sans doute encore de participer à des « sorties Brame organisées chaque année et encadrées par des spécialistes » pour limiter « tout risque de dérangement pour l’animal. »

 

Mais il faudrait surtout que l’ONF cesse de voir le cerf comme une simple variable d’ajustement, un agent perturbateur qui n’a de cesse de mettre à mal ses plantations de régénération, d’abroutir sans vergogne en jetant son dévolu sur bourgeons et jeunes pousses, de rendre problématique un passage censément plus volontariste à la futaie irrégulière…

 

Pour l’heure, le vrai discours de l’ONF, le voici :

(https://www.onf.fr/onf/+/b78::la-chasse-un-prerequis-pour-planter-les-forets-de-demain.html 08/09/22)

Un petit florilège, à commencer par le titre :

La chasse, un prérequis pour planter les forêts de demain

sans chasse, ces jeunes plants risquent d’être la proie des dents des cerfs, des chevreuils et d’autres sangliers en surabondance dans les forêts.

Car, oui ! Ces animaux sauvages sont trop nombreux en France : 50 % des surfaces des forêts domaniales présentent même un déséquilibre forêt-ongulés…

Face au déséquilibre forêt-ongulés, il est urgent d’agir

La chasse, seul moyen durable de rétablir l’équilibre

La chasse, seule solution envisageable pour les plantations

Seule la diminution des populations d’ongulés par la chasse permettra de résorber les situations de déséquilibre sylvo-cynégétique.

Vers un encadrement direct de la chasse par l’ONF

…réduire de 50% les surfaces forestières domaniales en déséquilibre forêt-ongulés. Comment faire ? […] augmenter les plans de chasse dans les territoires en déséquilibre.

 

La démonstration se veut imparable, marquée du sceau de la raison et du bon sens. Mais, en vérité, cet exercice est parfaitement biaisé. Il ne fait que s’évertuer à remettre au goût du jour de vieilles lunes sous couvert de vouloir « sauver la forêt de demain et la biodiversité ».

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Bref, sans pousser davantage ici la mise en coupe réglée de cet argumentaire éculé, le cervidé est l’ennemi de toujours de l’ONF. Les mêmes méthodes de gestion produisant les mêmes effets, les cervidés apparaissent toujours, tôt ou tard, en surnombre, et les chasseurs corvéables à merci. Les « forêts de demain » en question ne seront jamais, comme aujourd’hui, que des plantations, pas de véritables forêts, sans quoi pareil déséquilibre ne prospèrerait pas et ne serait pas ainsi monté en épingle. Mais comme l’injonction, même dans les forêts domaniales, est de faire pousser, de récolter et de vendre du bois…

 

Et de passer sous silence, bien sûr, que le moyen le plus simple et efficace comme le moins coûteux de préserver les chances de la forêt publique actuelle pour l’avenir, face au réchauffement climatique, serait déjà de commencer par la « laisser tranquille », de permettre aux arbres d’un même peuplement, d’un même massif, de demeurer suffisamment denses, diversifiés et communicants entre eux pour qu’ils puissent jouer à plein de leurs capacités d’adaptation afin de pouvoir maintenir leurs bienfaits, notamment en termes de microclimat et de rétention de carbone.

 

Mais il est tellement plus facile et rassurant de vouloir planter par dizaines de millions des arbres qui seront forcément « mieux adaptés au climat futur » – sous-entendu, dont il est escompté qu’ils permettent encore, sous le climat des années 2050 ou 2100, de vendre du bois (et encore plus de bois si possible) et de continuer à faire du business avec la forêt publique française.

 

Tous ces décideurs, gestionnaires et autres techniciens ou scientifiques acquis à la bonne pensée du moment semblent bien confiants dans leurs certitudes et bien oublieux des leçons du passé. Que n’avait-on dit, par exemple, des bienfaits du remembrement, qui cochait alors toutes les cases de ce qu’il fallait faire, passage obligé de la modernisation de l’agriculture, systématisé au-delà de toute mesure, érigé en axiome indépassable, au nom duquel tant et tant de haies, qui nous manquent cruellement aujourd’hui, ont été sacrifiées. Le balancier est désormais reparti dans l’autre sens, et il convient aujourd’hui de replanter des haies et d’inciter à le faire, mais il est bien tard pour faire amende honorable – et même maintenant certains continuent de détruire des haies* !

 

Cet aimable argumentaire officiel est notamment repris dans un article du 21/11/21 intitulé Quand l’ONF prend la défense des chasseurs (https://www.action-agricole-picarde.com/quand-lonf-prend-la-defense-des-chasseurs), mais cette fois en faisant valoir, et sans trop s’en laisser compter (« l’arbre qui cache la forêt »), le point de vue du chasseur. Car, si l’ONF prend la défense des chasseurs, « ses clients » qui paient le droit de chasser dans les forêts publiques, la seule idée qu’il a vraiment en tête, c’est d’assurer « une chasse de régulation contre les dégâts de la faune sauvage sur les jeunes peuplements forestiers », et de recourir pour ce faire, en tant que de besoin et donc de plus en plus, à la chasse en régie. Une perspective vraiment fort peu réjouissante pour les chasseurs !

 

Et cet autre article du Chasseur français d’enfoncer le clou (n° du 25/07/22 https://www.lechasseurfrancais.com/chasse/chasse-foret-domaniale-adjudications-question-74986.html) (extrait) :

« Dans son communiqué, l’établissement public annonce que tout est question d’équilibre : « Trouver l’équilibre entre forêt et présence des grands ongulés devient urgent avec l’accélération du réchauffement climatique. En forêt domaniale, l’ONF est le détenteur du droit de chasse et mène une gestion cynégétique exigeante en partenariat avec les acteurs de la chasse. Ainsi, il évalue chaque année l’impact des animaux sur les milieux forestiers et intervient pour prendre les mesures adaptées.

Pour les chasseurs en adjudication, cette profession de foi n’est pas forcément aussi idyllique. Entre le chasseur payeur en quête d’un territoire et l’établissement public tenu d’être rentable, les liaisons s’avèrent parfois tendues. L’enjeu cynégétique rejoint les impératifs économiques. En hausse, le prix des adjudications s’accompagne quelquefois de plans de chasse élevés et d’une régulation quasi excessive des cervidés. Pour l’ONF, environ 40 % des forêts domaniales sont actuellement en situation de surpopulation de grand gibier. Leur trop grande consommation de graines forestières, de jeunes pousses, de plants et de végétaux compromet la régénération naturelle des forêts et la biodiversité des espèces. Pour autant, la location des forêts passe par l’investissement financier des actionnaires, qui sont ainsi en droit de vouloir trouver du gibier, en lien avec la difficulté pour l’ONF de résoudre l’équation de l’équilibre agro-sylvo-cynégétique et d’une gestion durable des forêts publiques. En parallèle, le renouvellement des actionnaires tend à baisser, dans un contexte économique délicat où le prix représente un frein majeur. À cela s’ajoute la difficulté grandissante d’arriver à recruter des actionnaires au sein des équipes de chasse. »

 

Idées reçues et réalité

 

Et pour couronner le tout, voilà que l’on apprend des dernières recherches scientifiques qu’il est clairement démontré (et ce sont des chasseurs qui le disent !) qu’« il n’y a pas de lien direct entre densité des ongulés, régénération et biodiversité » !!!

« Ces études démontrent que les effets d’une densité faible d’ongulés chiffrée à 15 kg/100 ha peuvent être équivalents à ceux d’une densité élevée de 10 300 kg/100 ha. »

« Même sans l’influence des herbivores et des souris, 2/3 des pousses d’arbres disparaissent. »

« Même si de l’abroutissement de jeunes arbres est constaté en lisière de forêt, il n’y a aucun déficit de régénération ni baisse de diversité des pousses. »

« Sur une longue période de temps, la biodiversité augmente en cas de présence d’ongulés. L’explication principale est la lumière au sol que procurent cerfs et chevreuils. Seuls les grands buissons (surtout les ronciers) profitent de l’exclusion des ongulés. »

Et l’article de conclure : « En forêt comme en paysage ouvert, les ongulés ruminants jouent un rôle déterminant dans le maintien de la biodiversité à une époque de fort appauvrissement des espèces animales et végétales. Pour qui s’inquiète de la régression galopante de la biodiversité, le premier devoir de protection de la nature est d’assurer des aires de survie des espèces, y compris dans les forêts d’exploitation. »

 

Autrement dit, où  l’on comprend combien ce perpétuel délire, qui va même s’accentuant, de régulation-éradication du cervidé n’est rien d’autre que la triste expression des ravages de la pensée unique, cette même pensée unique, bardée de toutes ses complaisantes certitudes, au nom de laquelle furent naguère, entre autres, arasés par dizaines de milliers de kilomètres haies et talus au nom du « progrès ». Comme le dit fort bien le titre de cet article (http://fdc67.fr/wp-content/uploads/2022/04/IC67-N97.pdf, Infos Chasse 67, mai-juin 2022, pp.18-22, traduction d’un article du n° 12/2021 de Wild und Hund https://www.wildes-bayern.de/wp-content/uploads/2021/07/012_018_verbiss_reh_1221_1.pdf) : « Idées reçues et réalités ».

 

L’avant-propos de l’article précise d’ailleurs que son objet est bien de « diffuser l’information, informer les élus, et faire bénéficier les chasseurs d’arguments sérieux lorsqu’ils sont confrontés aux dogmes de l’ONF et des Administrations. »

 

Et le président des chasseurs du Bas-Rhin de faire ce constat lucide dans son édito : « Mais la « naturalité » est guidée par le PIB : une forêt de rendement avec une exploitation de 9m3/ha/an de bois alors que la moyenne nationale se situe à quelques 3m3/ha/an, n’est sans doute plus en mesure de nourrir le cerf élaphe. Pour beaucoup d’exploitants de la forêt, le cerf est un animal indésirable. Pourtant, d’un point de vue écologique, le cerf a son rôle à jouer dans la chaîne du vivant : il a été démontré que la biodiversité est plus grande en présence du cerf qu’en son absence. »

 

De quoi, décidément, s’il en était besoin, porter un regard plus que dubitatif et songeur sur cette affirmation assénée par le communiqué de l’ONF : « les animaux sauvages sont trop nombreux en France ». Voilà qui est dit, et c’est l’ONF qui vous le dit !

 

De quoi, aussi, regarder d’un autre œil la petite intro poétisante du communiqué « brame » : « De septembre et [?] mi-octobre, un cri profond résonne en forêt… Il s’agit du brame du cerf qui annonce la saison des amours. Tête haute et dressée, le cerf brame pour signaler sa présence… »

Où l’on se rend compte que la sollicitude affichée à l’égard des cerfs relève largement d’une posture qui n’est rien d’autre, en définitive, qu’une forme de greenwashing !

 

Rappelons ici au passage, ce bel épisode local de double discours que fut l’opération Un œil en forêt (07/10 – 08/11/20) : 14 portraits grand format d’animaux disposés en plein air pour célébrer la défense de la biodiversité par l’ONF. Le lieu choisi, en rien anodin : le Parcours de santé, précisément, sur cette parcelle 120 que l’ONF entend toujours exploiter en totalité, en abattant ce qui reste des hautes tiges qui font tout le charme de ce lieu pourtant très apprécié du public (voir notre dossier Parcours de santé https://www.amisforetgavre.com/infos). C’est sûrement ça, l’accueil du public !

 

Loup y es-tu ?

 

Et que dire de ce paragraphe du texte du 08/09/22 où l’ONF en vient pratiquement à déplorer qu’il n’y ait pas assez de loups, sans quoi l’ONF n’aurait pas autant besoin de s’appuyer, contrainte et forcée, sur la chasse érigée en prérequis d’une bonne gestion sylvicole, car ce grand prédateur par excellence ferait une grande partie du travail :

 

« A ce jour, la présence de grands prédateurs demeure insuffisante pour réguler les populations de grands ongulés et protéger les plantations qui aideront les forêts contre le changement climatique. La France comptait  620 loups sur son territoire à la sortie de l'hiver 2020-2021, selon les derniers relevés de l'Office français de la biodiversité (OFB). »

 

Par delà le fait que les effectifs du loup ont d’ores et déjà quasiment doublé (1104), cette défense à bon compte du loup ne doit pas nous bercer d’illusions quant au fait que l’ONF pourrait « se contenter » du loup, s’il faisait son grand retour généralisé, et lâcherait sérieusement les intérêts de la chasse, face à des chasseurs dépités devant désormais partager le gibier avec un redoutable concurrent. Il n’y  qu’à voir le tohu-bohu que provoquent déjà un peu partout des éleveurs (de la FNSEA ou de la Coordination rurale), notamment en Bretagne pour un ou (peut-être) plusieurs individus, les lamentables outrances exterminatrices des chasseurs de la Drôme (heureusement non suivis par le préfet !) (https://reporterre.net/Loup-les-chasseurs-dromois-veulent-sa-peau), un président de la FNSEA qui déclare ne vouloir pas plus de 500 loups pour toute la France, ou encore la litanie des plans loup, nationaux ou départementaux.

 

Le loup doit pouvoir reprendre toute sa place dans les écosystèmes, notamment forestiers. Mais les pouvoirs publics se montrent déjà extraordinairement complaisants à l’égard de tous ceux qui « crient au loup » et retrouvent bien vite les réflexes faciles de l’hystérie anti-loup d’autrefois**. De sorte qu’il est permis de douter que l’ONF aille bien loin au-delà d’une défense de façade de ce superprédateur, malgré le bénéfice qu’il peut escompter de ce retour en termes de régulation des ongulés.

 

Pour une gouvernance qui respecte réellement le citoyen

 

En définitive, ce que l’on est en droit d’attendre de l’ONF, c’est qu’il respecte réellement le citoyen en appliquant une gouvernance réellement à la hauteur des valeurs qu’il prône et réellement transparente. Lorsqu’on veut mieux accueillir le public, y compris par la mise en place d’un schéma ad hoc, l’on se doit de tout faire – dans une forêt domaniale, publique, dont la fonctionnalité suburbaine doit être reconnue et assumée – pour prioriser la biodiversité, l’ancienneté des arbres, la qualité paysagère, la rétention du carbone, pour que le grand public ait quelque chance d’apercevoir des cerfs ou des biches.

 

Une bonne gouvernance respectueuse du citoyen – ce citoyen qui, décidément, ne comprend rien aux impératifs de gestion et de chasse, à cette « réalité parfois incomprise du grand public » selon la formule euphémisante de rigueur, complaisamment appliquée  à l’endroit de ce pauvre public toujours disqualifié pour cause de sensiblerie et d’incompétence –  c’est aussi en finir avec l’entre-soi ONF-chasseurs, avec l’incroyable manque de transparence officielle sur les chiffres et les montants (comme pour les coupes et les ventes où le secret des affaires et l’argument sanitaire ont bon dos…). Est-il normal, par exemple, dans une démocratie où l’on prétend respecter le citoyen et où l’on prône l’open data, de ne pas/plus rendre publics les dates et lieux des chasses à courre ? L’on comprend bien la logique de la chose, la volonté d’éviter les actions de harcèlement de certains et les incidents graves, mais, en dépit des risques, le droit d’information du public doit primer dans une démocratie de plein exercice où les administrations, pouvoirs publics, gouvernements ont une tendance aussi lourde que délétère à opter trop souvent pour l’infantilisation de ses citoyens et pour une rétention d’information dont la légalité même n’est pas toujours avérée.

 

Avoir le réel souci de bien accueillir le public, c’est aussi savoir respecter ses attentes et ses valeurs. Alors que l’on sait très bien qu’une écrasante majorité de Français, et nécessairement d’usagers de la forêt, rejette la pratique cruelle*** et hors d’âge de la chasse à courre, l’ONF s’honorerait de respecter, toutes affaires cessantes, cette volonté citoyenne en mettant un terme à ce mode de chasse dans les forêts domaniales, singulièrement dans une forêt telle que la forêt du Gâvre. D’autant que les quelques équipages concernés sont extérieurs au département et que l’ONF ne se grandit pas en s’abritant derrière le pauvre argument légaliste d’une chasse encore autorisée pour faire quelques sous et se ménager, encore et toujours, les chasseurs.

 

Pour se faire le chantre de la biodiversité, il ne suffit pas de protéger les populations forestières de chauve-souris (comme dans les blockhaus et quais de l’ancien dépôt de munitions de la forêt du Gâvre, avec le concours expert et bienvenu du GMB - Groupement Mammologique Breton), de sauvegarder quelques arbres dits « bios » ou « habitats », de conserver des ilots de vieillissement ou de sénescence sur quelques malheureux hectares. Il faut changer les modes de sylviculture et de gestion, et arrêter le double discours – se faire valoir en voulant donner systématiquement auprès du grand public l’image du meilleur défenseur de la faune, de la biodiversité, de la Nature (comme s'évertuent à le faire les chasseurs, en somme), alors que la réalité qui prime est tout autre, celle d’une forêt usine à bois où le cerf n’a, tout simplement, pas sa place. Une réalité où, à coup d’euphémismes, on prélève, on régule, on fait des actions de chasse !

 

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* https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/06/25/dans-les-exploitations-agricoles-le-declin-sans-fin-des-haies-entre-deux-parcelles-j-ai-du-faire-de-la-place_6179127_3244.html

 

** Pour tout comprendre de cette irrépressible frénésie éradicatrice, il faut se plonger dans l’abondante matière que propose le numéro quatorze, spécial Loup, entre Brière et forêt du Gâvre, de la très documentée et très érudite revue Coislin, chroniques d’un pays (celui de Campbon – Sillon de Bretagne), qui nous ramène au temps où les histoires de loups-garous avaient libre cours et où le piètre bétail, essentiellement ovin, des pauvres populations locales était constamment la proie des loups, finalement exterminés sans vergogne jusqu’au dernier.

https://assohistocambon.wixsite.com/campbon/publications

 

*** Les actes de cruauté ou de maltraitance envers les animaux peuvent être sanctionnés par une peine de prison pouvant aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement et une amende de 45 000 €, voire cinq ans et 75 000 € en cas de décès (Code pénal ; le Code rural  sanctionne également le manque d’alimentation et de soins et les mauvais traitements). Mais comme le législateur fait bien les choses, cela ne vaut que pour les animaux domestiques, apprivoisés ou captifs (donc pas pour la chasse à courre ou la corrida)…

Cerf élaphe  irrévérencieux - 3.jpg
Brame du cerf et double discours
Panneau Chantier maillardais - 1.jpg

TRAVAUX FORESTIERS EN FORÊT DU GÂVRE

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PAS D’ECLAIRCIE SUR LE FRONT DES COUPES

 

 

Plusieurs sociétés prestatrices de travaux forestiers interviennent régulièrement dans le cadre de l’exploitation forestière de la forêt du Gâvre, en fonction des marchés obtenus et des contrats passés avec l’ONF.

 

I

Ces chantiers doivent naturellement suivre et respecter un certain nombre de règles et s’opèrent dans un cadre réglementaire spécifique que rappellent en particulier, et fort utilement, les deux documents synthétiques suivants établis, pour le premier, par l’Inspection du Travail des Hauts-de-France (rappelons au passage que les DIREECTE sont devenues les DREETS…) et, pour le second, par l’ONF lui-même (documents également référencés en page Se Documenter) :

 

Hygiène et sécurité sur chantiers forestiers et sylvicoles – Direccte Hauts-de-France, Ministère du Travail – Janvier 2019 (PDF 8 p. téléchargeable)

https://hauts-de-france.dreets.gouv.fr/sites/hauts-de-france.dreets.gouv.fr/IMG/pdf/plaquette_chantiers_forestiers_2019-3.pdf

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Cahier national des prescriptions des travaux et services forestiers (CNPTSF) – ONF (parution 2020, PDF téléchargeable 60 p.)

https://www.onf.fr/produits-services/+/640::cahier-national-des-prescriptions-des-travaux-et-services-forestiers-cnptsf.html

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Ces documents méritent naturellement la plus grande attention, tout particulièrement de la part des professionnels du bois concernés, qui doivent être d’autant plus informés et sensibilisés que ces personnels exercent des métiers à risques, particulièrement sujets aux accidents du travail.

 

 

II

Ceci étant dit, nous vous proposons ci-dessous, à titre d’exemple, le suivi photographique d’un chantier parmi d’autres (dans le secteur de la Maillardais, parcelle 82). Un chantier que l’on peut qualifier de très classique et d’une ampleur relativement modeste. Celui-ci est d’autant plus révélateur de « ce qui ne va pas » dans des travaux de ce type, en l’occurrence des coupes d’éclaircie. En tout cas, ce qui ne va pas dans le cas d’espèce, car la particularité du secteur est d’être traversé par une petite rivière que la route D35 franchit par un pont qui conjugue utilité et pittoresque (avant que la route ne passe devant l’aire de stationnement de la Maillardais où se trouvait jadis la petite gare du même nom, puis ne sorte de la forêt à deux pas de la bien nommée Auberge de la Forêt).

 

Comme en attestent les nombreux clichés pris à intervalles réguliers entre la 2e quinzaine d’octobre 2021 et la mi-septembre 2022, le moins que l’on puisse dire est que l’entreprise concernée (la société Sylva Ouest, sise à Trémorel, dans les Côtes-d’Armor) a fait bien peu de cas du cours d’eau en question et a, ce faisant, occasionné des dérangements et des perturbations d’une ampleur tout à fait significative, qu’il s’agisse de l’aspect paysager, de l’aspect écosystémique ou de l'aspect hydrologique.

 

Il convient également de constater combien le sous-bois harmonieux, où promeneurs et animaux forestiers pouvaient aller et venir sans difficulté particulière, est devenu un véritable champ de bataille ou un cimetière (c’est selon), où l’on ne compte plus les amas et enchevêtrements de branches et de troncs laissés là à leur triste sort mois après mois, et pour très longtemps.

 

L’on notera également que, très classiquement, les mentions figurant sur l’affichage réglementaire du chantier sont des plus minimalistes (et de plus en plus au fil des mois…).

 

Il est urgent d’intervenir sur le site afin que le cours d’eau soit enfin dégagé et qu’il puisse retrouver son flux normal, dépourvu d’obstacles, d’amas, de troncs et de branches abandonnés là avec une condamnable désinvolture.

 

Notons en particulier que des branchages avaient évidemment fini par s’accumuler au point de passage de la rivière sous le pont routier. Ceux-ci (et ceux-ci seulement) ont tout de même fini par être enlevés, mais bien tardivement, avant la fin de l’été, en anticipation des travaux de consolidation opérés courant septembre 2022 sur la maçonnerie entourant le pont.

 

La sécheresse estivale qui a sévi cet été et a mis à sec le lit de l’ensemble des ruisseaux et des rivières de la forêt (hormis quelques rares mares ou flaques) a justement permis de prendre mieux encore toute la mesure du grave trouble ainsi apporté au cours de cette rivière par les coupes d’éclaircie pratiquées dans ce secteur – lesquelles, au vu du résultat, doivent être jugées avec toute la sévérité qui s’impose.

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Panneau Chantier maillardais - 2.jpg

Pont en bois

Pont routier

Lit encombré de la rivière

Lit asséché de la rivière

Sous-bois

38- Mi-janvier 22 - Chantier Maillardais.jpg
Chantier Maillardais
Forêt du Gâvre - Allée du Pont de Curun.jpg

La Transgâvraise

 

 

Ce n’est pas encore la Transamazonienne, mais ça commence diablement à y ressembler !

 

Il y a de quoi en douter, mais vous êtes bien sur ce qui est censé être une allée forestière, en pleine forêt du Gâvre. Il s’agit en l’occurrence de l’allée forestière du Pont de Curun, dans le secteur sud-ouest du massif du Gâvre.

 

Les mauvaises langues diront que cette chaussée est un tantinet déplacée et surdimensionnée pour une forêt – certes la plus grande de l’Ouest – qui ne fait que 4500 hectares. Et les esprits chagrins s’étonneront que l’on ait pu laisser faire un pareil projet de travaux publics dans une forêt domaniale, publique donc. D’autant que c’est la seule forêt domaniale du département et que (comme expliqué par ailleurs) il est plus que temps d’en finir avec la priorité donnée à l’exploitation forestière dans ce massif, alors que les vraies priorités sont ailleurs et que la métropole de Nantes-Saint-Nazaire et ses plus de 800 000 habitants se trouvent à tout juste 30-40 km de là.

 

Un changement de paradigme et une nouvelle donne sont dans l’ordre des choses pour ce qu’il faudra bien désormais considérer comme une forêt suburbaine et gérer comme telle.

 

Mais que nenni ! Il ne faut pas hésiter, n’est-ce pas, à mettre le paquet lorsqu’on est décidé à faire droit à toutes les outrances de la sylviculture industrielle et que de l’argent public est disponible et mobilisable pour un si louable dessein. Il faut bien que ça dépote sans perte de temps et sans risques pour le matériel, que les lourds engins abattent leur ouvrage et que les grumiers emportent leurs victimes avec toute l’efficacité attendue de l’exploitation moderne d’une usine à bois.

 

Voilà qui mérite bien de mettre ici résolument en sourdine les enjeux liés à la biodiversité forestière et à l’accueil du public, aussi prégnants et cruciaux soient-ils !

 

Ne doutons pas, en tout cas, que les citoyens, négociants et légionnaires qui fréquentaient à l’époque gallo-romaine les petits thermes de Curun (Curin)* étaient loin d’imaginer qu’un jour un tel travail de Romain serait engagé quasiment en ce même lieu pour la construction d’une Transgâvraise dont le caractère rectiligne est assurément digne d’une voie romaine. Une voie qui nous laisse aussi pantois que consternés.

 

Et d’autant plus inquiets qu’un projet largement similaire apparaît programmé pour le secteur du Pilier où le massacre a déjà commencé et où l’on trouve – pour combien de temps encore ? – une grande partie des arbres les plus vieux et les plus majestueux du massif, lesquels sont déjà bien peu nombreux (« carence en desserte relevée sur le canton du Pilier qui nécessiterait la réalisation d’un accès grumier ainsi que l’augmentation de la surface de stockage », « les dépenses d’infrastructure devront être revues à la hausse compte tenu du besoin sur le canton du Pilier »).

 

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* Ce sont les recherches de terrain de notre grand érudit blinois Louis Bizeul (1785-1861) et de son digne émule Léon Maître (1840-1926) qui ont permis de (re)découvrir que, jusqu’au déclin de l’Empire romain, Blain fut un nœud de communications important où se rejoignaient pas moins de dix routes (selon un axe sud > nord et un axe est > ouest), gages d’une prospérité commerciale certaine. Leurs travaux vinrent à point nommé, alors même que nombre d’éléments anciens allaient  bientôt disparaître à jamais ou être irrémédiablement abîmés et oubliés (si ce n'était pas déjà le cas) sous les coups de la modernisation de l’agriculture et des moyens de communication.

 

La voie impériale qui menait d’Angers (Juliomagus) (par Ancenis > Nort > Blain) à Brest (Gesocribate) en passant par Vannes (Dartoritum) se calqua largement sur l’antique voie celtique, de sorte que jusqu’à la pointe sud du massif forestier elle ne faisait qu’un avec la route qui conduisait à Port-Navalo et au golfe du Morbihan (en Blain : actuelle rue Bizeul > La Paudais > La Croix-Morin > La Chaussée > L’Abbaye (L’Abbouie) > Curin [RN 164]). Cette chaussée unique traversait la lisière de la forêt dans le secteur de Curin (Curun) et en ressortait un peu au-dessus de la ligne (route forestière) de Careil (Carheil), après quoi elle se divisait en deux voies :

 

- la route qui passait par : Rozet (Rozay, en Plessé) > Pont de Beaumont (ruisseau de Beaumont) > Beauvallon > Fégréac (landes entre château/moulin du Dréneuc [de Dreneuc] et village de Fégréac) > Rieux (Duretie, franchissement de la Vilaine et passage au pied du château) > Allaire > Vannes ;

 

- la route qui passait par : Landes des Jarriais (Jariais, en Blain, au nord de La Touche, lieudit situé au bord de l’Isac) > moulins du Breil (Le Breil) > Landes de Peslan > Pont-Noé (Pont-Nozay) > Notre-Dame-des-Grâces (Grâces/Grâce, en Guenrouët) > Saint-Gildas-des-Bois (à l’ouest de l’abbaye) > Missillac > Ferel (Férel, passage de la Vilaine) > Port-Navalo (entrée est du golfe du Morbihan).

 

Les thermes de Curun (Curin), d’ampleur modeste, mais néanmoins suffisamment importants pour être considérés comme publics, étaient fréquentés par la classe gallo-romaine de la petite agglomération blinoise de l’époque, laquelle pouvait également se restaurer dans une hôtellerie adjacente. L’on peut penser que le lieu fut également fréquenté par un petit contingent de légionnaires possiblement stationnés à la bifurcation stratégique susmentionnée (traces d’un périmètre triangulaire fortifié). N’est-il pas avancé que l’armée romaine, César lui-même à sa tête, traversa Blain lors de son expédition pour défaire les Vénètes et que ce secteur de Curun aurait parfaitement convenu à l’établissement d’un campement ?

 

De fait, la configuration des lieux – avec la confluence du ruisseau de la Fontaine Bily (Billy) et du ruisseau du Fresne, et un coteau exposé au sud, protégé des vents du nord et offrant un large point de vue jusqu’au Sillon de Bretagne –  se prêtait fort bien à l’établissement de ces thermes, à deux pas d’un axe de passage majeur et à quelques kilomètres seulement de Blain.   

Forêt du Gâvre - Allée du Pont de Curun - Gravier .jpg
Forêt du Gâvre - Allée du Pont de Curun - Gravier .jpg
La Transgâvraise
Lorsque la forêt du Gâvre...

C’est un bien triste constat en forme de plaidoyer que nous livre ci-dessous, au fil de ses réflexions et de son ressenti, l’un de nos membres, Dominique Cadorel, qui, comme tous nos adhérents et l’écrasante majorité de nos concitoyens, a mal à « sa » forêt, cette forêt qu’il aime tant et qui est devenue de plus en plus méconnaissable…

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PLAIDOYER POUR LA FORET DU GÂVRE

 

 

Depuis que j’habite Le Gâvre, j’ai appris à connaître et aimer davantage encore la forêt.

C’est en me promenant régulièrement en forêt que j’ai constaté le triste spectacle muet

des dégâts causés par l’exploitation de ses arbres, notamment des chênes.

Tout semble calme en forêt du Gâvre, de temps en temps des bruits de tronçonneuse sont perceptibles,

et puis à nouveau le calme.

Quand on repasse, on est surpris, il n’y a plus d’arbres...

Des chantiers soutenus d’abattage se sont accélérés d’année en année.

J’ai voulu savoir ce qui se cache derrière les arbres, tenter de discuter avec des bucherons.

D’où mon envie d’écrire ce plaidoyer et de le faire partager.

 

La forêt du Gâvre est le poumon vert de la Loire-Atlantique, un sanctuaire naturel préservé, en apparence du moins.

C’est l’endroit des promeneurs en tout genre, des familles venues, à la quiétude de ses arbres, se ressourcer, rêver, s’aérer, écouter le chant des oiseaux, tenter d’apercevoir quelques biches ou chevreuils. On y pratique aussi de la thérapie par les arbres, la rando lyrique.

On peut se dire que tout va bien dans le meilleur du monde.

 

La fonction première dévolue à cette forêt, comme à toute forêt domaniale, est de servir à l’exploitation du bois. Mais la priorité est désormais à la rentabilité immédiate, comme l’illustre bien la surexploitation du chêne. Une exploitation qui fait fi de toute autre considération. 

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Orchestration du dépeçage des bijoux de famille : le chêne

 

L’ONF est chargé de cette exploitation

Au cours de mes promenades, j’ai tenté de parler avec des bucherons quand ils n’étaient pas trop éloignés. Certains parlaient facilement, mais très peu.

Voilà ce qui en ressort.

 

Le chêne en voyage organisé en Chine

La mode est de prélever les chênes pour qu’ils soient expédiés dans les usines chinoises afin d’y être transformés en parquets...

Pas de panique, leur séjour touristique terminé, ils reviendront en Europe et en France, vendus dans des enseignes de bricolage.

Le tour-opérateur propose un voyage tout compris :

Un chêne abattu en forêt du Gâvre part en Chine : il reviendra en France transformé en parquet et trouvera sa place dans une maison gâvraise qui jouxte la forêt. C’est un cercle vertueux !

 

La fabrication de tonneaux pour la planète Vin

Le chêne français sert à la fabrication de tonneaux à vin pour la France et, avec la mondialisation,

pour les vins produits dans d’autres régions du monde, notamment aux Etats-Unis.

Le chêne américain ne délivrant pas les bons tanins, eh bien, on prend le chêne en France…

La France étant une patrie du vin au savoir-faire ancestral, le tonneau de chêne français est une garantie de luxe pour le vieillissement du vin.

Vendus très cher, les « troncs  de chêne » seront expédiés aux Etats-Unis, puis transformés sur place en tonneaux pour recevoir le précieux breuvage.

Au Portugal aussi, l’on déguste de bons vins rouges, sur l’arrière de l’étiquette est précisé « vieilli en fût de chêne français ».

 

Un tonneau en chêne pour le vin a une durée de vie de 4/5 ans maximum. Il faudra ensuite songer à le renouveler. Certes, on peut l’expédier en Ecosse et en Irlande pour le whisky où il pourra finir sa carrière de tonneau pendant encore cinq ans.

Voyons le ratio… Durée de vie 4/5 ans, alors qu’un chêne grandit en 150/200 ans...

Il va falloir continuer à abattre du chêne à un bon rythme pour fournir en tonneaux la planète vin...

 

Que faire pour remplacer les tonneaux en chêne pour l’élevage des vins de prestige ???

Je ne sais pas...

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L’ONF et la filière bois ont tout prévu

 

A ce rythme effréné, il n’y aura bientôt plus du tout de chênes en forêt du Gâvre comme dans toutes les forêts domaniales de notre belle France.

Il faut 200 ans environ au chêne pour qu’il soit exploitable en bois d’oeuvre, mais avec la pression de la demande, on les abat dorénavant à l’âge de 150 ans.

Nos forêts françaises de feuillus qui sont un bien commun sont en train de disparaître sous nos yeux.

Passer sur un chantier forestier d’abattage de chênes, c’est traverser un champ de bataille, tout un écosystème dévasté à jamais.

 

Quand on aura fini de dépecer ces beaux bijoux de famille, on n’attendra pas 150 ans pour retrouver une rentabilité, c’est beaucoup trop long.

 

Que faire pour remplacer le chêne ? La solution : la monoculture du résineux.

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LA TRANSITION « VERTUEUSE » : DU FEUILLU AU RÉSINEUX 

 

L’on chante

« Mon beau sapin, roi des forêts,

Que j’aime ta verdure !»,

Mais quel bien mauvais rôle fait-on jouer à ces pauvres sapins !

 

C’est du bois qui pousse vite et ça nous sert pour des constructions industrialisées, meubles et panneaux en agglomérés. Il est certain que cela répond à une demande très forte d’agglomérés,

 mais il ne faudra pas que le résineux remplace le chêne.

Nos forêts se transforment en stock de résineux prêts à l’emploi, au diamètre idéal de 30-40 cm pour les scieries modernes.

A ce rythme, dans cinq ans, restons optimiste, moins de dix ans, nos ancestrales forêts

de feuillus seront devenues des alignements de résineux, des supermarchés du bois, avec toute une biodiversité associée aux feuillus qui aura disparu, pas un chant d’oiseau, un manque de vie.

 

Les pays nordiques (Finlande, Suède et Norvège) produisent industriellement du résineux pour les scieries modernes. J’ai entendu dans un documentaire TV (« Le Temps des Forêts » me semble-t-il, sous réserve) que certains s’en alarment même.

« Laissez-nous produire du sapin dont la production est bien adaptée à nos contrées froides où

nous avons suffisamment d’espace et vous, gardez vos forêts de feuillus ».

Bon, c’est peut-être parce qu’ils veulent conserver le monopole sur le résineux…

 

Qu’allons-nous laisser à nous-mêmes et aux générations futures ?

 

Quand les médias abordent le sujet de la filière industrielle du bois, on entend dire que la forêt française se porterait bien et qu’elle recouvre même 1/3 du territoire. En réalité, ce sont les plantations de résineux qui augmentent et gangrènent le paysage. Les feuillus sont remplacés par de la monoculture de résineux. Il n’y a plus d’équilibre, c’est ce qu’on nomme « la mal-forestation ».

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PROMENONS-NOUS

EN

FORÊT DU GAVRE

(novembre 2021)

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La Croix du Chêne de la Messe

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Pour la déco, on a bien laissé quelques feuillus, mais tout autour ce n’est plus ça qui pousse.

 

On devrait la rebaptiser

« la Croix des [Sa]pins de Noël à la Messe ».

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Cet endroit était planté de chênes il y a quelques années.

Observez ce qui pousse à la place !

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Les chênes disparus sont remplacés par du résineux.

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Une belle allée que celle de la Maillardais.

Du moins, c’est ce qu’elle était !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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SORTIE DE CHANTIER

EXIT les poussettes, vélos, promeneurs !

L’ONF s’est empressé de la faire gravillonner avec du gros gravier gris inesthétique

pour faire passer des engins de débardage et des camions de chargement du bois.

Sans parler de l’impact environnemental, c’est aussi une pollution visuelle.

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Pendant le confinement de 2020

Un double discours

 

Interrogé par la presse (Ouest-France), l’ONF disait que la forêt a retrouvé son calme, les oiseaux sont paisibles, les animaux tranquilles, plus de promeneurs pour les perturber.

La nature reprend ses droits, que c’est chouette pour les chouettes qui y habitent… !

 

C’est occulter ce qui s’y passe dans certains endroits.

Tranquillement, loin des regards émotifs, tout un sous-bois de chêne est éclairci, débardé 

avec des engins bruyants et destructeurs.

 

A cet endroit, on a relevé le tracé de deux voies romaines antiques

endommagées par de gros engins d’exploitation du bois. C’est bien triste.

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Nous sommes sur la bonne voie…

 

Dans une émission de France-Inter du 07/09/21, j’ai entendu dire que la Chine,

notre usine à tout faire, a décidé de sanctuariser ses propres feuillus pour 99 ans…

avant qu’il ne soit trop tard.

Qu’attendons-nous pour faire de même ?

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Plaidoyer pour la forêt du Gâvre

LORSQUE LA FORÊT DU GÂVRE DEVIENT… LA SAVANE GÂVRAISE !

 

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En forêt du Gâvre, le paysage prend de plus en plus souvent des allures de savane africaine. La faute au changement climatique, encore et toujours ?

 

Non pas, mais la conséquence des méthodes de gestion forestière d’un ONF qui pratique sans ambages la coupe rase et la « régénération », lorsqu’il est jugé que l’heure de la récolte a sonné, puisqu’il s’agit bien d’exploiter une plantation d’arbres. Point ici de futaie irrégulière ou de forêt en libre évolution !

 

Et l’esprit, songeur face à pareil spectacle de vastes étendues rases « en pleine forêt », de dériver vers une vision de brousse autrefois lointaine, peuplée d’une faune assurément quelque peu différente de celle habituellement rencontrée sous nos cieux – une faune pour laquelle, hélas, les enjeux de biodiversité et de survie ne se posent pas avec moins d’acuité.  

 

C’en est (presque) fini, désormais, de pouvoir aller faire un tour « dans la forêt du Gâvre », il va falloir s’habituer à dire « dans la savane du Gâvre »… !

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- Cliché 1 : allée du Pont de Curun (parcelle 216)

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- Cliché 2 : allée du Puits au Chat (parcelle 142)

 

- Cliché 3 : allée du Pont de Curun (parcelle 216)

L'usine à bois en photos

(fin 2019-2021)

Allée du Soulier

Décembre 2021

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L'usine à bois en photos

Allée de la Roberdais

2019-20

Sur le sentier des Chételons, "ex" sentier pédagogique.

octobre 2019

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Allée de la Roberdais - 2019-20.jpg
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Un abattage "violent" qui laisse sur place, non seulement de grosses branches, mais aussi les morceaux de tronc blessés.

Parcelle 85, octobre 2019

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Les ornières se forment peu à peu dans les chemins artificiels tracés tous les 20 m par les engins de coupe et de transport qui interviennent non seulement dans les parcelles de pins, mais depuis 2 ans dans les parcelles de feuillus où les coupes d'éclaircies sont effectuées.

Parcelle 83, octobre 2019

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Des allées bordées de hauts murs de bois cisaillé, en longueur de 4 m, en attente d'enlèvement, pour finir en bois de chauffage.

Allée de La Magdeleine, octobre 2019

Les coupes rases sont destructrices de la biodiversité. Dans le Nord (forêt de Mormal) et l'Ile de France (Forêt de Senart et autres forêts franciliennes), l'ONF a cessé  les coupes rases. La futaie irrégulière ou jardinée est plus respectueuse de l'environnement.

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Le parcours de santé, des agrès qui s'écroulent et un chemin envahi par les ronces.

15 novembre 2019

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Des troncs sont abandonnés sur le terrain et disparaissent peu à peu sous la mousse, les ronces et les fougères.

Allée de Curun, 29 novembre 2019

Des machines surpuissantes simplifient le travail d'abattage, mais font subir à la faune et à la flore forestières des dommages collatéraux considérables.

Novembre 2019

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