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Les Amis de la Forêt du Gâvre

Dossier Eoliennes
DOSSIER :
COUP D’ARRÊT PREFECTORAL A UN PROJET EOLIEN DELIRANT

Tous les détails ci-dessous
Chronologie du projet
Le contexte
Un projet bien improbable
Du greenwashing
Trois exemples
Exemple n° 1
Exemple n° 2

Parc éolien

Texte intégral

Parc éolien

Cartes

Cliquez sur les photos pour les agrandir

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La zone des 5 éoliennes en 30 clichés, du secteur 1 au secteur 5 (Emplacement précis indiqué sur un cliché de chaque série). Hauteur de mât : 114 mètres / Diamètre du rotor : 131 mètres (soit 65,5 mètres de long pour chaque pale d’éolienne) / Hauteur totale des éoliennes : 180 mètres.

C’était un projet véritablement délirant, qu’il fallait absolument arrêter… et qui l’a été (normalement pour de bon, sous réserve d’un quelconque rebondissement malvenu qui, logiquement, devrait dès lors connaître le même sort).

 

Il faut bien admettre que ce n’est pas tous les jours que, sur le front de la défense de l’environnement et de la Nature, il y a lieu de se féliciter – et même quasiment sans réserves – de la décision prise par une préfecture, autrement dit d’un arrêté préfectoral. Et donc de se féliciter du travail effectué, sans faiblir, en puisant l’information aux meilleures sources et en tenant un raisonnement juridique imparable, par les services préfectoraux et les personnels directement concernés par l’instruction de ce dossier au niveau de la préfecture comme des diverses administrations. Ils méritent d’être salués pour ce coup d’arrêt.

 

 

Chronologie du projet

 

21/04/17 : création de la Société SAS Parc Eolien de la Chèvrerie.

13/05/20 : dépôt de la demande d’autorisation environnementale.

10/07/20 : avis de la DDTM de Loire-Atlantique sur 1re version du dossier.

27/07/20 : demande de compléments à la société.

25/01/22 : compléments fournis par la société.

25/02/22 : avis défavorable de la DDTM de Loire-Atlantique sur version complétée.

07/04/22 : rapport de la DREAL (chargée de l’inspection des ICPE).

19/07/22 : notification à la société du projet d’arrêté rejetant sa demande.

28/07/22 : réponse de la société.

08/08/22 : arrêté préfectoral de rejet de l’autorisation environnementale unique

 

 

Le contexte : une litanie sans fin de projets sans conscience écologique

 

Trop souvent, hélas, tous ceux qui s’efforcent de défendre la Nature, l’environnement, les animaux et les plantes, se trouvent confrontés à des acteurs (juridictions, gouvernements, administrations, collectivités, entreprises, particuliers, lobbies en tout genre) qui, selon les cas, voient les choses uniquement du petit bout de leur lorgnette, font la part trop belle à leur angle d’approche habituel, à leurs modes opératoires classiques, à leurs propres intérêts, à des intérêts particuliers, ou encore pensent qu’il suffit de s’en tenir à une approche faite de petits pas – laquelle se révèle être largement inadaptée et inopérante au regard de l’importance du changement climatique et de l’effondrement de la biodiversité. Sans parler des attentes (trop souvent déçues) du plus grand nombre afin qu’advienne une gouvernance  citoyenne exigeante, évoluée et mature.

 

Pour mémoire, ne nous dit-on pas (ex. : article du Monde du 03/12/22) que l’année 2022 a été « l’année la plus chaude jamais enregistrée dans le pays » et que « cette année hors normes deviendra la règle en 2050 » ?!

 

Gageons que trop de gens, d’entités, d’instances n’ont manifestement pas encore intégré « dans leurs logiciels » l’urgence de la situation, le fait qu’il n’est plus possible de « continuer comme avant ». Ou alors, ceux-ci prétendent avoir pris la pleine mesure des problèmes, mais se bornent en réalité à ne faire que du « greenwashing ».

 

Comment expliquer, sinon, que certains esprits en viennent encore à élaborer des projets à l‘évidence aussi décalés que scandaleux, qu’ils osent trouver quelque légitimité à les promouvoir et qu’ils parviennent encore à trouver des relais et des alliés auprès d’élus (souvent locaux, mais pas seulement, lesquels ont une tendance certaine à ne pas vouloir perdre la face et se dédire…) ?

 

Pour nous en tenir à notre seule région immédiate et à quelques exemples dans une invraisemblable litanie de projets qui ont rapidement avortés, n’ont été abandonnés qu’au terme de luttes acharnées ou qui, au contraire, bougent encore, dans « un état de fraîcheur » variable : un méthaniseur XXL (Herbauges), une centrale d’enrobage (enrobés routiers, Puceul), un surf park avec des vagues artificielles à 10 km de la mer (Saint-Père-en- Retz), un port de plaisance (Brétignolles-sur-Mer, en Vendée, projet définitivement recalé par le Tribunal administratif le 08/11/22 après 20 ans de lutte), une extension de sablières pour le maraichage industriel (Saint-Colomban), etc., etc.

 

Il y a évidemment l’histoire d’un certain aéroport qui ne verra finalement jamais le jour (face auquel, pourtant, un bocage résiduel ne semblait pas pouvoir peser bien lourd), un projet qui, tel celui du Larzac, a désormais gagné sa place dans le panthéon des grandes luttes environnementales qui auront marqué l’histoire d’une société et d‘une époque. A quelque quinze kilomètres à peine de notre forêt du Gâvre.

 

Difficile de ne pas relever que l’on trouve souvent à la manœuvre, derrière ces projets contestables et contestés, des groupes de travaux publics, et que ceux-ci ont une appétence certaine pour les carrières, qu’il s’agisse de créations, d’extensions ou même de réactivations.

 

Tel est le cas du projet de la carrière du Tahun, que le groupe Pigeon (qui en a encore la propriété) aimerait rouvrir, y compris, outre l’extraction de matériaux, pour y enfouir des déchets, ce qui ne va pas sans nourrir de grandes inquiétudes pour la nappe phréatique.

 

Ce projet ne peut que susciter notre légitime attention dans la mesure où :

a) cette carrière se situe à tout juste 3 km au nord de la forêt domaniale du Gâvre, sur Guénouvry ;

b) il entraînerait immanquablement un trafic soutenu de camions sources de nuisances pour la forêt, les animaux et plantes qui y vivent et tous ceux qui la fréquente ;

c) en l’espace d’une trentaine d’années, cette carrière est largement retournée à la Nature, s’est revégétalisée et constitue une démonstration éclatante de la vitalité de l’arbre. Résineux et autres essences ont repris possession des lieux partout où un minimum de substrat le permettait. Le résultat : un site magnifique, avec son plan d’eau et ses grès oxydés qui, lorsque les rayons du soleil se font complices, vous projettent dans un paysage digne de l’Ouest américain !

Détruire un tel lieu serait véritablement un non-sens (pour découvrir le site et tout comprendre : https://www.youtube.com/watch?v=_lG1Ndg7w8o).

 

Et pourquoi ne pas rappeler aussi l’interminable « feuilleton » de cet autre projet (nettement plus steam-punk qu’écolo…), dans une certaine carrière nantaise, qui ambitionnait (ambitionne toujours ?) d’y acclimater, dans un arbre fort peu naturel, des hérons qui, convenons-en, ont davantage leur place – et bien vivants – dans l’estuaire de la Loire ou au lac de Grand-Lieu (et, soit dit en passant, quid du devoir de mémoire, que l’on est si prompt à invoquer par ailleurs, pour ces centaines, probablement ces milliers d’hommes, femmes, enfants, vieillards, fusillés en ce lieu précis et jetés dans la Loire en 1793-94 au terme d’un épouvantable parcours de souffrances ?)…

 

Un sigle a même été créé pour désigner tous ces projets dont on nous « bassine » jusqu’à plus soif, bien que si peu en phase avec les nécessités du temps et les aspirations et besoins profonds des populations concernées et, plus largement, de l’humanité : les GP2I – pour Grands [et moins grands] Projets Inutiles et Imposés.

 

Un projet bien improbable

 

L’on trouve à la manœuvre la filiale française – P&T Technologie – d’un groupe allemand dénommé Energiquelle (que l’on peut traduire par « source d’énergie »). Le développement du groupe en France s’opère à travers trois implantations, l’une se situant à Rennes, plus précisément à Vern-sur-Seiche, dans l’agglomération rennaise. C’est là que se trouve le siège social de la société créée pour les nécessités du projet de la Chèvrerie (SAS Parc Eolien La Chèvrerie). Chaque parc éolien donnant lieu à la création d’une société distincte, les deux directeurs généraux de P&T Technologie se retrouvent à  gérer chacun, au stade actuel, une trentaine de parcs, soit autant de sociétés.

 

L’on peut vraiment se demander pourquoi donc (et par le biais de quels initiateurs, relais, propriétaires locaux ?) un tel groupe spécialisé dans les énergies nouvelles/renouvelables, aussi important et aussi expérimenté dans la création et la gestion de parcs éoliens et photovoltaïques implantés un peu partout en France et en Allemagne, en est venu, à travers sa filiale française, à jeter son dévolu sur ce secteur précis de la Chèvrerie ?!

 

Même si les projets sont souvent longs à se concrétiser et les oppositions nombreuses, il est d’évidence des lieux plus propices, et ceux-ci ne manquent tout de même pas (même s’il est avancé que les contraintes, notamment d’éloignement des zones habitées, font que 12 % seulement du territoire départemental est utilisable).

 

Les études des porteurs du projet font valoir un choix de site judicieux, en un point relativement élevé, où le vent serait au rendez-vous d’éoliennes de 180 m de haut, sans gêne particulière de la part des arbres du massif forestier. Mais pourquoi donc s’évertuer à choisir des sites dont l’intérêt paysager et environnemental élevé se trouverait nécessairement fortement impacté, de sorte que, de façon tout aussi prévisible, les oppositions ne peuvent que se manifester avec force ?

 

Que l’on pense aux projets sur Bouvron, dans la vallée du Don, à Vay, qui ont connu/connaissent les soucis et les oppositions que l’on sait…

 

Il n’est sans doute pas inutile de bien préciser ici qu’il n’est pas dans notre propos de nous positionner pour ou contre l’éolien, qu’il soit d’ailleurs terrestre ou maritime. Un éolien dont il nous est même dit (en sous-titre d’un article du Monde du 03/12/22) : « L’année 2022 pourrait marquer un tournant dans le lent développement de l’éolien et du solaire [en France] ». Si chaque type d’éoliennes – terrestres, offshore fixes ou flottantes – présente des avantages et des inconvénients, et que l’éolien flottant, quoique moins utilisé pour l’instant, apparaît être la technique qui a le plus d’avenir (les hydroliennes étant utilisables dans les grands fonds, qui offrent des vents forts et plus réguliers, mais sont trop profonds pour l’offshore fixe), il est clair que sur terre, mais aussi jusqu’à l’horizon côtier, cette technique de production d’énergie renouvelable fait souvent courir un risque d’atteinte prononcée, voire catastrophique, au paysage, élément majeur de la qualité environnementale, voire patrimoniale, d’un cadre de vie. C’est là évidemment l’une des principales raisons de la lenteur de concrétisation des projets (montage et instruction des dossiers, études, enquêtes) et surtout de l’opposition forte que ces projets suscitent fréquemment de la part des populations, et singulièrement des riverains, en particulier à travers les actions des associations, en justice comme sur le terrain.

 

Il va de soi que, dans le cas d’espèce, l’on est bien dans ce cas de figure d’un site qui serait défiguré par la dégradation paysagère majeure que le projet porterait à la forêt domaniale du Gâvre et tout particulièrement à son approche et son accès par le secteur sud-ouest. Ce qui est amplement suffisant pour amener les AFG à s’opposer farouchement à pareil projet.

 

Mais cet aspect paysager n’est qu’une partie de ce qui pose problème. Il y a aussi tout ce qui touche à la biodiversité et à la protection des espèces, à commencer par celles qui, justement, sont protégées. C’est d’ailleurs cet angle d’approche qui a été privilégié à juste titre par la Préfecture de Loire-Atlantique. Les éléments ainsi avancés sont on ne peut plus solides, juridiquement parlant.

 

 

Du greenwashing pour un projet qui dépasse l’entendement

 

L’on a peine à croire qu’un tel projet ait pu germer et cheminer, que des tas de paperasses et de dossiers ont été générés à cet effet, que l’implantation de cinq éoliennes de 180 m de haut dans la forêt du Gâvre a pu être considérée comme pouvant passer presque comme une lettre à la poste (selon l’expression consacrée, même si les lettres se font de plus en plus rares...).

 

Alors, bien sûr, lesdites éoliennes ne se trouvent pas exactement dans la forêt, mais franchement cela revient (quasiment) au même, puisque l’on se trouve à la lisière de la forêt ou, si l’on préfère, à proximité immédiate de celle-ci.

 

Comme l’on pouvait s’y attendre – encore que l’on puisse dire que cela dépasse toutes les « espérances » –, le discours des porteurs du projet est particulièrement spécieux et manie à loisir des éléments de langage et des argumentaires qui signent une démarche caractéristique du greenwashing.

 

L’on parle d’écoblanchimentgreenwashing ») par analogie avec le blanchiment à la chaux (« whitewashing »). Greenwashing il y a lorsqu’on prétend « verdir » son action sans que cela soit avéré : l’on prétend commercialiser des produits, des services, ou développer des projets respectueux de l’environnement, qui sont présentés haut et fort comme tel en ne lésinant pas sur une communication et un marketing allant complètement dans ce sens. Les moyens ainsi déployés peuvent même parfois être plus importants que ce qui est réellement consacré aux actions proprement dites en faveur de l’environnement, du développement durable, de la transition énergétique.

 

Dans le cas présent, il est entendu a) que les entités à la manœuvre visent bien à assurer une énergie renouvelable – s’agissant, pour reprendre la formulation officielle, d’« une installation de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent regroupant 5 aérogénérateurs » –, b) qu’elles disposent d’une réelle expertise en matière d’éolien et de photovoltaïque, c) que ce savoir-faire est mobilisé pour mener à bien et exploiter un nombre tout à fait conséquent d’installations, et d) qu’en conséquence le groupe en question peut être considéré comme un acteur significatif, voire important, du secteur des énergies renouvelables.

 

Mais, que penser de tels entrepreneurs dès lors que, pour parvenir à ce noble objectif d’une planète plus verte, de plus en plus décarbonée grâce au renouvelable, et, plus prosaïquement, pour retirer les revenus et bénéfices attendus de ces activités, ils sont prêts (sinon à tout, du moins) à beaucoup pour concrétiser leurs projets, et tout particulièrement à saccager tel ou tel paysage, tel ou tel milieu ou écosystème ?

 

Ne faut-il pas considérer cela comme une autre forme de greenwashing : sous couvert d’œuvrer pour la bonne cause et d’apporter cette énergie renouvelable qui fait tant défaut, dont on n’a de cesse, désormais, de vouloir pousser les feux, voilà que l’on est prêt à dégrader, voire détruire, le cadre de vie des riverains et des populations locales comme de l’ensemble du vivant ainsi impacté, les animaux comme les plantes. Peu importe que le paysage se trouve ruiné et l’écosystème bouleversé !

 

Alors, bien sûr, l’on prétend donner toutes les garanties, le discours est bien rodé, les arguments calibrés au plus près du dossier. Les porteurs de projet ne ménagent pas leurs efforts pour faire apparaître leur parc d’éoliennes comme         « bien sous tous rapports ». C’est qu’il faut bien faire avec toutes ces dispositions législatives et réglementaires (que d’aucuns voudraient tant réduire, alléger, nécessité faisant loi…), toutes ces procédures jugées tatillonnes qui compliquent la donne, ralentissent la réalisation des projets soumis (normalement) à l’instruction scrupuleuse des services de l’Etat. Et puis il y a tous ces élus à rasséréner et à embarquer dans le projet, moyennant la perspective de séduisantes redevances, généralement sur trente ans (d’autant plus intéressantes que la commune est petite ou que les élus veulent inscrire leur action dans le sens d’un mieux-disant énergétique). Il y a enfin les populations – les riverains et, plus largement, les habitants de la commune concernée. Ceux qui ont peur pour la valeur de leurs biens, ceux qui ont peur pour leur cadre de vie, ceux qui ont peur pour la planète, tout simplement. Et là, cela commence vraiment à faire beaucoup de monde à convaincre et à rassurer… à endormir !

 

C’est ainsi que de manière parfaitement prévisible, le projet est systématiquement présenté sous son jour le plus favorable (littéralement comme ces acteurs qui proposent toujours au photographe leur visage du côté le plus photogénique). Dans les dossiers, les documents mis à disposition, sur le site Internet, rien ne doit apparaître qui soit de nature à venir sérieusement troubler le tableau idyllique qui nous est proposé. Les aspects potentiellement les plus problématiques, gênants, sont soigneusement gommés, ou à tout le moins édulcorés. Fruit d’une longue pratique, la rhétorique mise en oeuvre se doit d’avoir réponse à tout, de sorte que ce qui devrait apparaître comme un problème, un point négatif, devient un élément mineur, négligeable, voire un avantage !

 

Malheureusement, ou plutôt heureusement, cela ne marche pas à tous les coups ! Car il y a  loin de la coupe aux lèvres, entre ce que l’on nous vend et la réalité… sans quoi la décision préfectorale n’aurait pas été (aussi) défavorable ! C’est que les ficelles employées sont (devenues) un peu trop visibles, non seulement pour les spécialistes, mais aussi pour un public de mieux en mieux informé et avisé.

 

Ceci étant, il n’apparaît plus nécessaire, désormais (sauf nouveaux développements), de nous appliquer ici à dénoncer et démonter point par point les argumentaires d’un projet qui n’est plus.

 

Néanmoins, maintenant que le projet a été officiellement rejeté, c’est justement l’exercice de style que constitue la forme de « greenwashing » à l’œuvre dans ce dossier qui mérite de retenir encore un peu notre attention à travers la mise en évidence de quelques éléments parmi les plus exemplaires d’une méthode maniant et mariant allègrement savoir-faire et expertise, roublardise et culot. Une manière de faire typique en cela de ce qui est trop souvent pratiqué pour faire passer pour vertueux et désirables des projets qui sont contraires à l’intérêt général et ne sont en fait que des écocides.

 

 

Trois exemples caractérisés de greenwashing

 

Chacun pourra parfaire son opinion ou son jugement en naviguant sur :

- le site dédié au projet : http://lachevrerie.energiedemain.fr/  (tant que ces pages dédiées sont maintenues en ligne après rejet du projet)

- le site de P&T Technologie : https://www.pt-technologie.fr/

- le site du groupe Energiequelle : https://www.energiequelle.de/fr/

 

A noter que, s’agissant de pages dont les éléments sont valables pour tous les parcs du groupe, les pages « L’énergie éolienne » et « Qui sommes-nous » sont utilisées pour chaque projet éolien, lachevrerie.energiedemain.fr étant à considérer en pratique comme un « sous-domaine » du nom de domaine principal pour l’éolien, energiedemain.fr.

Nous allons nous en tenir ici à trois « exemples » pour démontrer le caractère particulièrement fallacieux et biaisé des textes comme des images utilisés pour nous convaincre du bien-fondé d’un projet décidément « bien sous tous   rapports » !

 

 

Exemple n° 1 : biodiversité et environnement

 

« Un environnement naturel riche : la Forêt du Gâvre

Une attention particulière est portée à la prise en compte du contexte environnemental flore et faune (notamment les oiseaux) de la Forêt du Gâvre. »

 

Les porteurs du projet ont beau faire de leur mieux, il ne leur est tout de même pas possible, malgré leurs meilleurs efforts en ce sens, de faire complètement comme si la forêt du Gâvre n’existait pas !

Il est donc quand même nécessaire d’en parler un peu. Autant, dès lors, donner l’impression de jouer franc jeu, avec sincérité et transparence, et d’y aller à fond :

 

- Oui, c’est vrai, l’on est bien à proximité d’un environnement naturel riche, et il s’agit d’une forêt.

- Mais que l’on se rassure tout de suite : une attention particulière est portée à la prise en compte du contexte environnemental flore et faune (notamment les oiseaux) de la Forêt du Gâvre. 

 

Tout va bien alors, nous voilà rassurés !

Mais, au fait, que faut-il donc comprendre par « une attention particulière » ? De quoi s’agit-il ?

 

De ceci :

« Les suivis environnementaux réalisés sur site de mai 2015 à octobre 2018, à raison d’une vingtaine de passages, nous ont permis de s’assurer que le projet n’aura aucune incidence sur les espèces et les habitats ayant conduit à la désignation des sites Natura 2000 ou ZPS (Zone de Protection Spéciale). »

 

Voilà qui est proclamé haut et fort avec une belle assurance ! De quoi nous rassurer ?

Eh bien, pas vraiment, et même pas du tout !

Voici pourquoi :

 

- L’on ne nous dit rien de la manière dont il a été procédé, des modes opératoires appliqués. Vingt et quelques passages sur zone en trois ans, ce n’est pas rien, mais ce n’est pas non plus très intense comme prospection.

 

- P&T Technologie travaille avec deux bureaux d’études. L’un, EREA Ingénierie, réalise les études acoustiques. L’autre, AEPE Gingko, assure « les analyses paysagères, les inventaires faunistiques et floristiques, la cartographie SIG, les dossiers réglementaires ».

 

- De manière très classique et prévisible, l’on nous dit qu’il s’agit de bureaux d’études indépendants. Dont acte, si ce n’est que nous sommes évidemment dans une relation commerciale et que ces sociétés ont une tendance plus que naturelle à aller dans le sens de ce que souhaite leurs clients. Sans quoi plus de marchés, plus de clients ! Cela ne veut pas dire faire les choses de manière foncièrement malhonnête, simplement, au minimum, qu’il est très difficile d’éviter un biais dans les études, et, plus encore, dans leur présentation, leur exploitation.

 

- S’il est une chose bien partagée parmi les personnels des bureaux d’études spécialisés dans les études d’impact et environnementales en tout genre, c’est bien un mal-être certain : après des études poussées, choisies par intérêt, voire passion, pour la Nature, l’écologie, la biodiversité, les voilà qui ne tardent pas à déchanter, confrontés à la loi d’airain du marché qui pousse souvent à faire les études à la va-vite, avec des moyens insuffisants, pour la forme, en faisant primer ce que veut le client sur la réalité du terrain, laquelle peut encore se révéler, parfois, si l’on sait lire entre les lignes des rapports.

Cette réalité du métier, forcément mal vécue, notamment par de nombreux ingénieurs ou techniciens écologues, se retrouve évidemment dans d’autres secteurs, comme dans diverses administrations et instances nationales et territoriales, et tout particulièrement chez de nombreux fonctionnaires du ministère désormais dénommé de la Transition écologique, et chez de nombreux fonctionnaires forestiers de l’ONF, avec les conséquences dramatiques que l’on sait…

 

- Une très bonne illustration de ce « phénomène » (qui se traduit par un porteur de projet qui dit au final que toutes les études, tous les suivis ont été faits dans les règles, qu’il est « dans les clous » en matière d’obligations environnementales, et que, si nécessaire, des inflexions et surtout des mesures compensatoires pourront être prises autant que de besoin… ) – un phénomène qui justifie amplement la nécessaire méfiance de rigueur à l’égard de ces études et, encore une fois, plus encore à l’égard de leur présentation – est donnée par ce qui s’est passé dans le dossier de l’aéroport projeté à Notre-Dame-des-Landes.

 

- Que s’est-il donc passé à NDDL ? Le collectif des Naturalistes en Lutte, constitué de naturalistes professionnels (d’associations, universités, bureaux d’études, etc.) ou amateurs (chevronnés et moins chevronnés, toutes les bonnes volontés étaient les bienvenues) a refait pendant trois ans (et le suivi du bocage continue…) tous les inventaires réalisés par Biotope, le gros bureau d’études mandaté par Vinci (et, de fait, par les diverses administrations). Le résultat a été un tableau beaucoup plus approfondi, approchant de l’exhaustif, de la richesse d’un bocage dont la destruction avait été actée, de l’ensemble des espèces présentes, faune et flore, qui forment un écosystème d’une richesse extraordinaire. Un inventaire sans commune mesure, en tout cas, avec ce qu’avait trouvé Biotope ; avec, par exemple, des espèces repérées pour la première fois en Loire-Atlantique, ou en Pays de la Loire, voire en France (pour telle ou telle espèce d’insectes…) et au moins une espèce protégée de petits mammifères qui avait été laissée de côté, ce qui nécessita de faire une nouvelle procédure réglementaire avant de prendre un arrêté spécifique. Le plus emblématique fut probablement l’importance tout à fait remarquable des populations de grenouilles agiles, de tritons marbrés, de tritons crêtés et autres lézards vivipares, et la mise en évidence de l’existence d’un bocage résiduel, tel qu’il n’en existe plus guère de cette qualité et de cette taille, fort de ses milieux humides et tout particulièrement de son réseau de prairies oligotrophes (non amendées et non drainées) et de son réseau dense de mares, dûment répertoriées (comme tous les linéaires de haies), dont le nombre fut quasiment doublé ! Jamais un bocage – du moins d’une telle superficie –n’avait été aussi intensément étudié (ces travaux, qui ont donné du « grain à moudre » pour les recours juridiques, ont été restitués dans le numéro double 223-224 - 04/2016 de la revue de Bretagne Vivante, Penn ar Bed, accessible et téléchargeable ICI [pp. 1-63], ICI [pp. 64-97), et ICI [pp. 1-140, intégralité des articles, accessibles séparément, pp. 98-140 comprises]).

 

- Ceci pour dire qu’il ne faut surtout pas s’en laisser compter par les résultats de telles études conduites pour « faire passer » tel ou tel projet, et surtout instrumentalisées de façon à montrer que toutes les obligations environnementales ont été ou seront respectées !

Pas plus qu’il ne faut s’en laisser compter par la quantité des données et informations communiquées ! Si souvent l’information reste sommaire, incomplète, parfois au contraire c’est le trop-plein, tactique menée à dessein – par delà les obligations légales – pour noyer le lecteur, le citoyen, le militant, pour le démotiver, le décourager, pour lui faire admettre qu’une quelconque remise en cause n’est pas de mise. Comment donc s’y retrouver, comment trouver dans pareille masse ce qui ne va pas, comment oser remettre en cause le discours du sachant ?!

Pour NDDL, les documents officiels (pour déroger à la réglementation sur les espèces protégées, etc., etc.) représentaient des centaines et des centaines de pages, avec moult clichés et cartes en tout genre !

Le plus incroyable et potentiellement le plus dangereux était sans doute ce qui était tenté à travers plusieurs dossiers : la mise en place d’un système complexe de mesures compensatoires, dont les mérites étaient vantés haut et fort, mais qui n’était qu’une véritable usine à gaz que l’on ne manquerait pas de réutiliser ailleurs si jamais il était validé pour cet aéroport vendu comme étant de « haute qualité environnementale (HQE) », alors qu’il ne serait rentable qu’avec les revenus escomptés de ses parkings et que l’on était prêt à rayer de la carte un bocage remarquablement préservé ! 

 

- De plus, un point à ne jamais oublier, s’agissant des mesures compensatoires, est que celles-ci ne peuvent valoir que par le suivi scientifique qui peut en être fait sur le long terme, un suivi bien hypothétique, ne serait-ce que par les moyens financiers à allouer à un tel processus (pour en savoir plus, lire par ex. le numéro 213 - 04/2013 de Penn ar Bed, accessible/téléchargeable ICI). Tout le monde comprend bien, pour en revenir à notre forêt (mais les haies bocagères sont aussi de la forêt sous une autre forme…), ce que la mesure compensatoire consistant à planter un jeune arbre pour compenser la coupe d’un arbre ancien de 100, 200 ans ou plus peut avoir de spécieux, pour ne pas dire de malhonnête, un vrai marché de dupe (voir notamment Francis Hallé, spécialiste mondial des forêts primaires, sur le sujet) !

 

Voilà de quoi regarder de manière passablement dubitative les paragraphes suivants que la SAS Parc Eolien de la Chèvrerie, alias P&T Technologie, alias Energiequelle, nous propose pour prouver combien tout cela est d’un vert certifié éclatant !

 

« D’autres enjeux écologiques

Pour assurer la protection des espèces présentes sur le site, des inventaires écologiques sont réalisés sur une année (4 saisons) conformément au protocole exigé par la DREAL (service de l’État). Cette étude, réalisée par des experts indépendants sur la base de nombreuses visites d’observation, porte sur :

  • toutes les espèces d’oiseaux

  • les chiroptères (chauve-souris)

  • les insectes

  • les mammifères

  • les reptiles et les amphibiens

  • la flore (toutes espèces)

A proximité des zones d’études, plusieurs enjeux ont été identifiés :

  • zone Natura 2000 forêt du Gâvre

  • des mares, des étangs et cours d’eau

A partir de l’analyse de ces enjeux, la localisation des éoliennes peut être définie en évitant les zones d’intérêts faunistiques et floristiques. »

 

Et d’ajouter encore, sur une autre page du site :

« Les études environnementales

Un bureau d’études indépendant a réalisé l’ensemble des expertises de terrain sur la faune et la flore.

Un inventaire des espèces animales et végétales a été réalisé sur le site et ses abords. Ce diagnostic a permis d’identifier les enjeux environnementaux au sein de la zone d’étude et d’évaluer la compatibilité du projet avec les milieux.»

 

Puisqu’on voue le dit ! On a fait le diagnostic, on a suivi le protocole, on a fait tout ce qu’il fallait, tous les enjeux ont été identifiés et, surprise, le projet est COM-PA-TI-BLE avec les milieux. Ouf, y plus qu’à… !!!

 

 

Exemple n° 2 : photos et photomontages

 

Comme l’on pouvait s’y attendre, un soin tout particulier a été apporté au choix et à la présentation des photographies illustrant le projet, naturellement dans le sens de son acceptabilité et de la qualité de son intégration paysagère. Autrement dit, tout est fait pour gommer, atténuer, minorer la présence et la visibilité de la forêt domaniale du Gâvre, pour ne pas ressentir l’incongruité de se retrouver avec des éoliennes de 180 m de haut, implantées à seulement quelques dizaines de mètres de la lisière de la forêt et de la canopée des arbres.

 

Les Amis de la Forêt du Gâvre ont évidemment une excellente connaissance de ce secteur pour l’avoir fréquenté depuis de très longues années, arpenté maintes et maintes fois en toutes saisons, et nous sommes donc très bien placés pour savoir, entre autres choses, qu’il s’agit là de l’un des axes les plus fréquentés pour accéder à la forêt, que ce soit pour s’y promener à proximité immédiate ou pour pénétrer dans la profondeur du massif, ne serait-ce que jusqu’au rond-point principal, dit de l’Etoile (tous les principaux axes de la forêt s’en éloignant en étoile). Cet accès s’effectue, à pied, par l’Allée forestière de Plessé à Blain, et en voiture par la Route forestière de la Hubiais. Il est, bien sûr, également possible d’accéder au massif par les différents accès (allées et petites aires de stationnement) situés route de Redon (Départementale 164).

 

Les différentes parcelles situées en lisière de forêt entre la D15 (départementale traversant la forêt depuis Blain) et la D164 (vers Redon) sont les suivantes :

177 – 180 – 185 – 192 – 193 – 202 – 203 – 204 – 205 – 206 – 207

 

Sans parler de la zone située de l’autre côté de la route de Redon (La Hubiais, etc.), nécessairement également impactée, le secteur concerné se déploie en forme d’angle ou de triangle. Il  inclut le hameau/village de la Chaussée (sur la D164), terme qui atteste de l’existence du passage en ce lieu d’une voie romaine qui longeait la partie sud du massif (avant de se dédoubler en deux axes, peu après cet autre témoignage de la présence romaine, les ruines des thermes de Curun, dans cette même partie sud de la forêt) et qui avait été fouillée et reconnue par notre grand érudit blinois Louis Bizeul (1785 - 1861), lequel mena, des années durant, de longues investigations sur les voies romaines. Cette zone triangulaire inclut également les fermes de Sainte-Marie et de la Chèvrerie (d’où le nom du projet).

 

Il ne s’agit donc pas d’un secteur « perdu », mais bien d’une zone assidument fréquentée tout au long de l’année, et en particulier au printemps et à l’automne (notamment en période de cueillette des champignons), en même temps que, s’agissant des parcelles bocagères, d’une zone vouée à l’agriculture et plus particulièrement à l’élevage.

 

- L’on est « fixé » dès la page d’accueil du site puisqu’il nous est donné à voir une grande photo de campagne couvrant toute la largeur de la page : un tableau de verdure bucolique, centré sur une petite voie vicinale en forme d’invitation, qui nous indique le chemin à suivre (celui du parc éolien !) ; avec, de part et d’autre, des haies assez arborées, une prairie d’un côté, un champ labouré de l’autre ; et aussi, tout de même, mais en arrière-plan, quasiment dans le lointain, la lisière de la forêt.

 

- Les pages Le Projet, Concertation, Contact font appel à un autre cliché, d’aspect printanier : un vaste champ de céréales déjà assez hautes, mais encore bien vertes, délimité à l’arrière-plan et sur le côté droit (on devine un chemin que cache un talus qui se perd dans le paysage) par la linéarité arborée qui signe l’existence d’un terroir bocager (ou plutôt ce qu’il en reste) censément compatible avec la présence d’aussi grandes parcelles cultivées.

 

- Le site propose une partie « Le projet en images » pour se rendre compte de l’impact visuel des éoliennes, en les incluant en photomontage lorsqu’elles sont censées être visibles depuis l’angle de prise de vue, non sans préciser que ces « photomontages sont normés et sont également présentés aux services de l’Etat lors de l’instruction du dossier ».

« Un photomontage est une insertion d’éoliennes aux paramètres géométriques et d’implantation connus dans une photographie du paysage. On obtient alors une image réaliste des éoliennes d’un point de vue paysager.

Les éoliennes représentées dans les photomontages ont les caractéristiques dimensionnelles suivantes :

  • Hauteur de mât : 114 mètres

  • Diamètre du rotor : 131 mètres (soit 65,5 mètres de long pour chaque pale d’éolienne)

  • Hauteur totale des éoliennes : 180 mètres »

 

Neuf points de vue ont été sélectionnés et sont cliquables sur la carte proposée (la numérotation des présentations détaillées – de 1 à 15 – implique qu’il a été renoncé à présenter les clichés/photomontages 7, 8, 9, 11, 12, 13, 14). La présentation détaillée est également accessible en cliquant, sous la carte, sur neuf petits clichés correspondant à ces points :

 

Hameau de la Chèvrerie

Hameau de Sainte-Marie

RD164, hameau du Champ Fleury

RD164, sortie ouest de Blain

Chemin d’accès au château de la Groulais

RN171, entrée sud de Blain

RD164, nord-ouest de la forêt du Gâvre

Route forestière de la Hubiais

Hameau de la Chaussée, Blain

 

Comme l’on peut s’y attendre, les sites et angles de prise de vue ont été soigneusement choisis à dessein, de façon à présenter un impact visuel le plus minoré possible.

 

Les habitants ou habitués de la région de Blain auront, cependant, vite compris que les cliqués 6, 10, 10 bis, 15 ne présentent strictement aucun intérêt, et les 3 et 5 guère plus (puisqu’il ne s’agit tout de même pas ici d’un projet digne de la hauteur de la Tour Bretagne ou du Sillon de Bretagne !). Il s’agit donc bien de « noyer le poisson », en faisant contrepoint aux trois clichés les plus problématiques – les porteurs de projet ne pouvaient quand même pas s’exonérer complètement de rendre visibles leurs éoliennes !

Il va sans dire que quantité d’autres angles de prise de vue auraient pu être choisis, qui auraient donné une vision du projet bien différente, ne serait-ce qu’en faisant un usage moins avantageusement opportuniste des haies bocagères (y compris d’arbres ou de haies qui, un jour, ne seront peut-être plus là pour cacher ces éoliennes…).

 

Soulignons également combien photographies et photomontages, aussi précis et réalistes soient-ils, ne peuvent restituer que très imparfaitement la (triste) réalité de ce qui serait vécu en approchant de ce parc ou en se tenant à proximité de celui-ci, sur les lieux des clichés 1 à 3. Car l’on appréhenderait alors l’espace dans sa globalité tridimensionnelle, sans que le regard ne soit plus bridé par les contraintes et les biais de la photographie.

 

D’autant que les clichés, présentés en mode dit « filaire à 120 ° » (traçage de toutes les arêtes et lignes des éoliennes, mais aucune surface) ou en mode dit « réaliste à 120 ° », apparaissent surtout comme panoramiques, une bande tout en  longueur et réduite en hauteur, ce qui a pour effet d’offrir très peu de ciel et donc de minimiser la hauteur et l’effet dimensionnel des éoliennes.

 

C’est Google Earth qui a été mis à contribution pour la carte utilisée, centrée sur le secteur blinois. Si l’on reste dans le mode plan proposé par défaut, les points de prise de vue sont indiqués sur une carte physique. Seules les personnes qui auront la curiosité de cliquer sur le mode satellite pourront accéder à ces mêmes points présentés sur une vraie photo, ce qui est évidemment aussitôt beaucoup plus parlant puisqu’on y voit nettement la végétation et le parcellaire des champs et de la forêt.  

 

D’un clic sur le point souhaité et la miniature qui l’accompagne, l’on accède alors à une présentation détaillée du photomontage (photo sur toute la largeur de la page avec parc repérable par survol, champ visuel en degrés d'angle, distance avec l’éolienne la plus proche, carré détaillé de carte topographique, avec mode loupe) et surtout aux               « commentaires paysagers » précisant ce qu’il y a lieu de penser, c’est-à-dire que l’impact visuel est naturellement… nul, insignifiant, négligeable, acceptable !

 

Nous ne résistons pas au « plaisir » de restituer ci-dessous l'intégralité du texte de ces petites notules de                     « commentaires ». S’y déploie l’art consommé des communicants à la manœuvre pour « faire prendre des vessies pour des lanternes », faire passer sans vergogne un désavantage pour un avantage, et parer ces cinq éoliennes de toutes les vertus paysagères, au point qur la forêt devient tout juste un simple faire-valoir de ces éoliennes. L’on édulcore sans faiblir, l’on est vraiment prêt à toutes les formules (creuses) pour trouver l’habillage qui fera l’affaire, et nous voici quasiment projetés dans une… réalité parallèle. Oui, décidément, le paysage serait tellement mieux avec ces éoliennes !

 

Il en va ainsi de ce premier cliché où l’on est fort aise de voir les éoliennes apparaître « bien groupées ce qui permet une bonne lecture du parc dans son ensemble », d’autant que, grâce à leur présence, l’on va (enfin) pouvoir bénéficier d’ « un changement des échelles de ce paysage de lisière de forêt » (sic). Quelle chance !

 

Et le reste de se poursuivre dans la même veine, aussi drolatique qu’atterrante…

 

1 - Route forestière de la Hubiais

Ce photomontage montre la perception du parc de La Chèvrerie depuis la route forestière de la Hubiais, à la sortie de la forêt du Gâvre, à environ 280m de l’éolienne E2. Dans cette vue au pied du parc, les cinq éoliennes sont perçues dans un angle restreint du champ visuel ; les éoliennes apparaissent bien groupées ce qui permet une bonne lecture du parc dans son ensemble. La proximité des éoliennes génère un changement des échelles de ce paysage de lisière de forêt.

 

2 - Hameau de la Chèvrerie

Cette perception montre une vue franche du projet depuis l’ouest. On distingue l’implantation en une ligne de trois et une ligne de deux éoliennes. Malgré la proximité des éoliennes, le parc occupe une emprise visuelle horizontale relativement contenue ce qui facilite la lecture du parc éolien dans le paysage bocager.

 

3 - Hameau de Sainte-Marie

Depuis le sud du hameau de Sainte-Marie, les éoliennes sont visibles en arrière-plan de la haie bocagère, dont la présence atténue la prégnance du motif du parc éolien dans cette vue. L’implantation n’est pas clairement lisible et simple sur ce photomontage, les éoliennes sont superposées avec un effet de brouillage. Néanmoins, le faible nombre d’éoliennes et la portion réduite du champ visuel occupé par le parc projeté lui permet de rester discret dans le paysage depuis ce point de vue. Les éoliennes n’engendrent pas de contraste d’échelle notable.

 

4 - RD164, hameau du Champ Fleury

Ce photomontage montre la perception la plus proche du parc de la Chèvrerie depuis la RD164 au sud du projet. Les cinq éoliennes sont perceptibles, de manière plus ou moins dissimulée par la végétation bocagère. Il y a un léger contraste d’échelle dû à la taille apparente des éoliennes qui dépasse celle des arbres. La lisière de la forêt du Gâvre reste lisible en arrière-plan du parc.

 

5 - Hameau de la Chaussée, Blain

Depuis le coeur du hameau de la Chaussée à Blain, le parc projeté est effectivement visible. Certaines des éoliennes, à savoir E2, E1 et E5, sont perceptibles en covisibilité avec le bâti pavillonnaire du hameau. La présence des éoliennes apporte donc un motif nouveau perçu dans le paysage de ce groupement d’habitations. Les rotors ou les pales des éoliennes sont visibles, le reste du parc est camouflé par les autres éléments paysagers, le paysage étant assez fermé. Il n’y a pas d’effet de domination ou d’écrasement de la taille des éoliennes par rapport au bâti et pas de sensation de trop grande prégnance du motif éolien depuis ce point de vue.

 

6 - RD164, sortie ouest de Blain

Depuis la sortie de Blain via la RD164 en direction du projet, le parc de La Chèvrerie est perçu de manière peu prégnante. Seules les pales des éoliennes sont visibles derrière la végétation arborée, principalement E4 et E5 dont les rotors sont perçus. La présence du parc ajoute donc un nouveau motif qui reste discret dans ce paysage très arboré.

 

10 - Chemin d’accès au château de la Groulais

Il n’y a pas de perception possible du parc depuis ce point de vue, le parc n’est pas localisé dans la fenêtre visuelle laissée par la végétation, et la taille apparente des éoliennes est trop faible à cette distance pour qu’elles soient visibles.

 

10 bis - RN171, entrée sud de Blain

Il n’y a pas de perception possible du parc depuis ce point de vue, la taille apparente des éoliennes est trop faible à cette distance pour qu’elles soient visibles derrière la végétation bocagère.

 

15 - RD164, nord-ouest de la forêt du Gâvre

Seules les extrémités des pales des éoliennes sont visibles depuis ce point de vue à environ 5 km du
projet de la Chèvrerie. Il s’agit donc d’une perception très peu prégnante du parc, dont la présence
ne perturbe pas la perception de la masse boisée de la forêt du Gâvre depuis ce point.

 

 

Exemple n° 3 : concertation préalable

 

Le lecteur intéressé pourra se plonger dans le détail de trois fichiers PDF fournis par les porteurs du projet en raison de la mise en œuvre d’une concertation préalable :

- Dossier de la concertation du 29 novembre au 16 décembre 2019

- Bilan de la concertation préalable du 29 novembre 2019 au 2 janvier 2020

- Réponses de P&T Technologie aux questions émises lors de la concertation préalable

 

Le Dossier de concertation se divise, après la page de titre et le sommaire, en une page d’introduction, 10 pages de résumé du projet (avec 7 cartes à l’appui), une partie présentant « Le projet en images » sur 10 pages, deux pages sur l’énergie éolienne (dont un schéma temporel de développement de projet et 5 questions-réponses) et deux pages de présentation de l’entreprise porteuse du projet (« Qui sommes-nous ? »), avant le rappel des adresses physique et Internet en page de conclusion.

 

Rien que de très classique et logique dans ce dossier où il est évidemment inutile d’escompter trouver la moindre trace de quelque doute ou critique que ce soit à l’égard du projet et plus généralement de l’éolien. C’est comme si les questions que pose l’éolien, ses solutions et ses évolutions technologiques, ses rendements comme ses coûts, et plus encore comme si les débats enfiévrés, houleux et récurrents autour de projets de parcs ici ou là n’existaient pas. Pourtant, il n’y a pas bien loin à aller pour trouver des projets contestés, des interrogations, des oppositions : à Nozay/Puceul/Saffré, à Vay, à Guéméné, à Bouvron… !

 

L’élément qui interpelle finalement le plus, à ce stade de notre examen des données du projet, tient (dans l’Introduction) au fait qu’il n’était alloué à cette concertation qu’une fenêtre de temps des plus réduites, tout juste 18 jours (et encore, à une époque de l’année où les journées ne sont ni les plus longues ni les plus chaudes – du 29/11 au 16/12) !

 

Certes, il ne s’agit pas encore de l’enquête publique, mais d’une simple concertation préalable que « nous organisons, à notre initiative », mais tout de même !

Et cela « après plusieurs années de réflexions et d’études débutées en hiver 2014-2015 ».

« Nous avons rencontré et consulté les élus, les propriétaires fonciers et les exploitants agricoles. »

« Les habitants de Blain, Plessé, Vay, Bouvron, Le Gavre, Fay-de-Bretagne, Guenrouet » étaient invités à participer en consultant ledit dossier de concertation et en s’exprimant de trois manières possibles : sur le site Internet, par courrier postal ou en mairie de Blain.

 

En dépit de tout cela, le moins que l’on puisse dire est que l’ensemble de ce processus est resté bien confidentiel, à telle enseigne que, lorsque nous évoquâmes ce sujet lors du Comité de massif de novembre 2022, personne ne connaissait non seulement l’arrêté préfectoral rejetant la demande d’autorisation environnementale, mais également (quasiment personne) l’existence même du projet !!!

 

La partie « Résumé du projet » ne se prive évidemment pas d’insister sur le fait que tous les efforts nécessaires – compétences, temps passé, études… – ont été faits pour parvenir au projet le plus abouti possible, lequel retient un chiffre de cinq éoliennes, intègre « les enjeux locaux, agricoles, paysagers et environnementaux » et promet de contribuer utilement à l’objectif ô combien désirable de la transition énergétique.

 

Inutile de revenir ici en détail sur les éléments de langage environnementaux utilisés dans cette partie du dossier, largement similaires aux textes figurant sur le site Internet et donc déjà traités dans notre exemple n° 1.

 

Impossible, néanmoins, de ne pas rappeler ces quelques affirmations confondantes d’assurance et de certitude :

« Une attention particulière est portée à la prise en compte du contexte environnemental flore et faune (notamment les oiseaux) de la Forêt du Gâvre. »

« Des inventaires écologiques sont réalisés sur une année »

« Les suivis environnementaux (…) nous ont permis de s’assurer que le projet n’aura aucune incidence sur les espèces et les habitats ayant conduit à la désignation des sites Natura 2000 ou ZPS. »

« Ce diagnostic a permis d’identifier les enjeux environnementaux au sein de la zone d’étude et d’évaluer la compatibilité du projet avec les milieux. »

Un dossier qui tenait tellement bien la route sur le plan environnemental, et tout particulièrement des espèces protégées, que le préfet n’a eu d’autre choix que de prononcer, par l’article 1er de son arrêté, le « rejet de la demande d’autorisation environnementale unique » !!!

 

« Le projet en images » reprend, à raison d’une page par angle de prise de vue, les mêmes cartes, textes et photomontages évoqués dans notre exemple n° 2. Inutile donc d’y revenir ici.

 

La réponse à la question « Y aura-t-il un impact sur le prix de l’immobilier ? » (page sur l’énergie éolienne) insiste lourdement sur l’intérêt financier qu’un tel parc présente pour une commune, un territoire, sur tout ce qu’il sera possible de faire avec ces sommes mirifiques. Mais rien n’est dit, bien sûr, sur la dévalorisation immobilière qui a toute chance d’en découler dans le voisinage.

Le Bilan de la concertation est un dossier organisé comme suit :

Introduction / Les moyens d’information / Les moyens de participation / Synthèse des moyens mis en place / Fréquentation du site Internet / Analyse de la participation / Analyse des avis / Conclusion / Annexes

 

A relever en premier lieu, le fait que cette concertation organisée avec le concours de l’agence de concertation Quelia, mandatée à cet effet, s’est finalement déroulée du 29 novembre au 2 janvier, soit, « suite à un échange avec la mairie de Blain » (comprendre, à son insistance), une prolongation de 17 jours après le 16, jour de clôture initialement prévu, ce qui n’a guère plus permis aux populations de focaliser leur attention sur cette affaire en pleine période des fêtes de Noël et du Nouvel An.

 

La concertation elle-même fut précédée d’une période d’information de 14 jours (à compter du 15/11/19) qui se traduisit, outre le site Internet, par 9 000 tracts (distribués/mis à disposition) et un affichage municipal.

Tous ceux qui le souhaitaient purent ainsi s’exprimer…

 

P&T Technologie, naturellement soucieux de montrer que tout a été fait scrupuleusement dans les règles, là comme ailleurs, met en avant la qualité du travail d’information entrepris :

- une large zone de 7 communes (Blain, Plessé, Vay, Bouvron, Le Gâvre, Fay-de-Bretagne et Guenrouët), soit près de 30 000 habitants ;

- 9 000 tracts distribués dans les boîtes aux lettres par la filiale de la Poste Médiapost (non sans se couvrir par une note indiquant que cette « distribution ne garantit pas la réception par tous les habitants, notamment les boîtes comportant la mention « Stop Pub » ne sont pas distribuées » et que l’exhaustivité ne peut être garantie, l’important étant que l’information se diffuse).

- les municipalités ont été informées de cette concertation (et le projet détaillé ?) par un courriel (le 13 pour le 15/11), auquel étaient jointes (si l’on comprend bien, sous forme de fichiers) 3 affiches en A4 et A3 pour l’affichage municipal prévu. Aux mairies donc d’imprimer (ou pas, et en combien d’exemplaires ?), et à leurs frais, lesdites affiches. De toute façon, même par courrier, trois affiches, c’est bien peu pour une (large) diffusion sur les panneaux municipaux !

 

A souligner tout de même que ce tract-affiche, dans sa présentation, ses couleurs (surtout pas de rouge ou de jaune flashy !) et son texte, joue à fond la carte de la neutralité. Certes, l’essentiel est dit, mais de manière très anodine et banale, sur un mode passablement technico-administratif. Surtout ne pas déchaîner les passions (si seulement ce tract pouvait passer inaperçu…) !

 

Dans sa « Synthèse des moyens d’information et de concertation », P&T Technologie consacre une pleine page touffue aux éléments statistiques de fréquentation du site Internet mis sur pied pour la bonne cause, en sous-titrant   « Une fréquentation pendant la phase d’information » ou encore « Des visiteurs locaux et intéressés » (voilà qui est  très surprenant !), et en vient quasiment à déplorer le manque d’intérêt manifeste de la population locale pour son site Internet : à peine plus de 110 visiteurs entre le 11/11/19 et le 21/01/20, 1 seul la semaine de Noël, une misère ! Vraiment navrant après tous ces efforts, tous ces beaux photomontages…

 

Oui, vraiment de quoi verser de grosses larmes de crocodile, car il y a pire, puisqu’à la page suivante l’on nous apprend qu’il n’y a eu en tout et pour tout que… 15 avis reçus pour les quasi 30 000 habitants du coin (« 12 habitants, 2 exploitants agricoles et [un courrier] des représentants agricoles ») ! N’en doutons pas, l’opinion des porteurs du projet est désormais faite sur une population qui affiche à ce point son profond désintérêt pour la conduite de ses propres affaires…

 

Dans ces conditions, il ne reste plus qu’à positiver : il s’agit d’ « une participation faible », mais ces avis étaient             « structurés, détaillés, argumentés ». Nous voilà un peu rassurés.

Et ces avis ? 1 positif, 8 nuancés et 6 négatifs !

 

L’agence Quelia, en charge de l’exercice, restitue sur deux pages (en tentant de distinguer entre projet/éolien en général et enjeux locaux identifiés) les opinions exprimées en les regroupant par thème, avant de les reformuler de façon plus synthétique, en recommandant à « P&T Technologie de prendre en considération l’ensemble des questionnements et inquiétudes présentées dans les avis recueillis, et d’y apporter des réponses spécifiques ». Les opinions portent sur l’éolien (trois énoncés favorables), la concertation préalable, l’impact paysager, l’implantation, le développement éolien, les paramètres techniques, les enjeux écologiques, les enjeux économiques, l’impact sur les élevages et la santé, le diagnostic agricole initial, l’aspect géobiologique, l’impact sur la forêt domaniale du Gâvre.

 

Si les contributeurs furent peu nombreux, du moins leurs avis ont-ils largement couvert l’ensemble des  questionnements légitimes que l’on peut attendre d’un tel projet. A souligner tout particulièrement que les agriculteurs ne sont pas passés à côté de cette concertation et ont su se mobilisés – qu’il s’agisse des éleveurs directement impactés ou des organisations syndicales (Fédération Communautaire de Syndicats d’Exploitants Agricoles de Blain, Syndicat d’Exploitants Agricoles de Blain, Jeunes Agriculteurs du Canton de Blain) venues à la rescousse avec un long courrier motivé de trois pages (en annexe du bilan). Compte tenu notamment des gros problèmes qu’une ferme voisine du parc éolien de Saffré rencontre, ceux-ci se montrent très circonspects et exigent toutes les études et garanties (santé et viabilité des animaux et des hommes).

 

Nous retiendrons surtout ici ce qui relève le plus directement de l’objet même de notre association, autrement dit les avis ayant trait aux enjeux et préoccupations touchant à l’environnement, la faune, la flore, la forêt. L’occasion de relever avec grande satisfaction que certaines personnes ont bien évoqué ce qui, sous cet angle, n’allait pas (du tout) dans le projet.

 

A commencer par cette personne qui dit : « Le secteur du Gâvre est un magnifique territoire, le dénaturer par de telles constructions est irresponsable et irrespectueux face à la nature. »

L’on ne saurait mieux dire, et nous souscrivons sans réserve !

Oui également, lorsqu’il est dit :  « pourquoi placer des éoliennes juste à côté d'une forêt domaniale alors qu'il y a plein d'oiseaux ? ».

 

Et quid de l’impact sonore sur les cervidés et autres animaux, de l’effet des infrafréquences émises, des collisions des oiseaux avec les pales, des perturbations sur la faune de la forêt et le bétail, d’une étude géobiologique en bonne et due forme (et pas que pour l’élevage), et même d’une étude d’impact « sur la migration des bécasses pour laquelle la forêt du Gâvre est un lieu de repos conséquent lors de la période migratoire » ?

La bécasse a justement eu droit à son propre considérant dans l’arrêté préfectoral de rejet !!!

 

Bravo, enfin, à cette participante qui a eu bien raison de s’élever avec force et dans le détail contre une intégration paysagère qui n’en a que le nom, et de dénoncer le vocabulaire utilisé, notamment ces expressions de « sensibilité paysagère » (ex. impact paysager bien réel du mat de mesure installé) et de « sensibilité des lieux de vie » dont il est fait un usage plus que contestable, et même spécieux, et qui ont surtout à voir avec la densité des habitations/ habitants (ce qui revient à faire plus de cas de Blain même que du hameau de la Chaussée et de celui-ci que d’habitations plus isolées). Un travail plus fait en bureau, sur pièces, que sur le terrain (ex. de l’allée de Plessé à Blain qui n’est pas vraiment un « axe routier » puisque fermé à la circulation !). Et cette personne de s’interroger : « Vous êtes-vous réellement rendus sur les lieux ? »

 

Et l’agence Quelia de faire un bilan très convenu de la concertation dans sa conclusion, avant d’adresser au porteur du projet quelques recommandations tout aussi prévisibles. Même s’il s’agit de positiver sur l’utilité de l’exercice (ex. :        « Les participants ont pris le temps d’apporter des contributions structurées… », « La concertation préalable a permis de mettre en avant des enjeux locaux… »), difficile de ne pas admettre que « la concertation préalable se caractérise par une participation discrète » (que voilà un terme bien choisi !), mieux, qu’ « une très large majorité des habitants ne s’est pas exprimée… ». Curieusement, en dépit des critiques euphémisées en « enjeux locaux » (« proximité de la Forêt du Gâvre, intégration paysagère et impact sur la santé des élevages et des riverains, en lien avec la problématique connue du parc éolien des Quatre-Seigneurs, à 15 km de Blain »), il est simplement considéré que « les participants demandent au porteur du projet des garanties et des précisions. » Comme s’il n’y avait pas matière à ce qu’une opposition nette et définitive à ce projet, un rejet franc et massif puissent se manifester ! Les gens sont vraiment de bonne composition dans le Pays de Blain !

 

Dans les annexes de fin de dossier, l’on retrouve le tract distribué, le courrier d’information adressé à la Mairie de Blain (« …bien vouloir disposer l’affiche jointe à ce courrier, de préférence dans le grand format proposé, sur l’espace d’affichage municipal prévu à cet effet… ») et les trois pages du courrier adressé par les syndicalistes agricoles locaux qui, à raison, se montrent des plus circonspects et posent fermement leurs conditions, ayant été particulièrement échaudés par l’affaire des éoliennes de Nozay/Puceul/Saffré et ne pouvant qu’être inquiets face à la multiplication des projets en Loire-Atlantique.

 

P&T Technologie se fend d’un troisième dossier en lien avec la concertation préalable (organisée « à notre initiative » – Mais c'est au porteur du projet qu'il revient de la faire !), dans lequel il apporte ses réponses aux questions des participants à la concertation, résumées comme suit :

 

Enjeux énergétiques

La Forêt du Gâvre ne risque-t-elle pas de faire obstacle au vent ?

Quel est le rendement énergétique de l’éolien par rapport aux autres énergies renouvelables ?

Quelles sont les communes à proximité qui bénéficieront de l’énergie éolienne produite par le parc éolien La Chèvrerie ?

L’énergie éolienne est-elle plus écologie que l’énergie nucléaire ?

Enjeux paysagers

Pourquoi avoir indiqué une sensibilité « moyenne » depuis la route de la Hubiais alors que le mât de mesure est visible depuis le rond-point au milieu de la forêt ?

Pourquoi avoir indiqué que la route de la Hubiais est un axe routier alors que cette route est fermée à la circulation ?

Pourquoi la « sensibilité des lieux de vie » est « forte » dans les bourgs (Bourg de Blain et la Chaussée) alors qu’elle est « moyenne » dans les hameaux (par exemple La Hubiais) situés pourtant à la même distance des éoliennes ?

Enjeux techniques

Comment l’énergie produite par les éoliennes sera acheminée jusqu’au réseau électrique ?

Éolien et usagers du territoire

Quel est l’impact des éoliennes sur la santé des riverains et des animaux, dont les élevages bovins comme c’est le cas à Nozay, Puceul et Saffré ?

Y a-t-il un risque pour la santé lié aux ondes électromagnétiques qui peuvent être émises par les câbles de raccordement au réseau électrique, ou aux champs électromagnétiques produits par le rotor ?

Des études, notamment géobiologiques, ont-elles été menées pour connaitre les impacts du parc sur les élevages  locaux ?

Que se passe-t-il si des impacts négatifs sur les élevages apparaissent après l’implantation du parc éolien ? Qui en sera responsable ?

Implantation

Pourquoi implanter un parc éolien à côté d’une forêt, en campagne, impactant ainsi la qualité du cadre de vie ?

Un parc éolien serait en développement sur la route de Bouvron, N171, au lieu-dit « L’Hôtel de France. » Pourquoi implanter un autre parc sur la même commune, si proche ?

Un participant indique que la loi préconise une distance de recul de 200 mètres aux routes départementales pour des éoliennes d’une hauteur de 180 mètres en bout de pale. Qu’en est-il vraiment ? Est-ce le cas pour le parc éolien La Chèvrerie ?

Enjeux faune-flore

Quel est l’impact environnemental du parc éolien La Chèvrerie sur la forêt Forêt du Gâvre, classée en zone Natura     2000 ?

Les études environnementales ont-elles pris en compte la migration des bécasses qui se reposent en période migratoire dans la Forêt du Gâvre ?

L’impact sonore du parc éolien La Chèvrerie sur la faune et la flore qui fréquentent la forêt est-il étudié ? Y a-t-il eu des mesures acoustiques en forêt du Gâvre ?

Quel est l’impact des autres fréquences auxquelles peuvent être sensibles les animaux et certaines personnes (électrosensibles ou hyperacousiques) ?

Enjeux économiques

Quel est le coût global du parc éolien et comment sera-t-il financé ?

Quelle est la rentabilité économique du parc éolien La Chèvrerie ?

Information et concertation

Pourquoi prendre autant en compte les avis des personnes habitant dans un rayon de 6 km que ceux des riverains proches ?

Pourquoi la mairie a-t-elle annoncé une concertation citoyenne du 10 au 26 décembre alors que vous annoncez la vôtre du 29 novembre au 16 décembre 2019 ?

S’agit-il de l’enquête publique ?

 

Pour nous en tenir aux questions environnementales les plus directement liées à la forêt du Gâvre, force de constater l’incroyable (quoiqu’attendue) complaisance des porteurs du projet à l’égard de celui-ci.

 

- Impact paysager/proximité de la forêtsensibilité « moyenne » depuis la route de la Hubiais ») :

« Cet impact est modéré concernant les quelques vues depuis lesquelles l’observateur perçoit à la fois la forêt et les éoliennes depuis le territoire alentour. Depuis l’intérieur de la forêt, il existe un impact sur la vue depuis l’axe de l’allée forestière de la Hubiais. Une éolienne peut être perçue en vue très filtrée depuis la portion la plus éloignée, et sera perçue de manière prégnante juste à la sortie de la forêt par cet axe. Depuis le reste de l’espace forestier, les perceptions et donc les impacts sont nuls. »

« Les pales des éoliennes pourront être entre-aperçues dans les trouées de la végétation, sans doute de manière plus marquée en période défeuillée. » (!!!)

- « …route de la Hubiais, un axe routier alors que cette route est fermée à la circulation » : « Son caractère carrossable a conduit le bureau d’études à la qualifier d’axe routier même si elle revêt une sensibilité plus en lien avec une fréquentation pédestre, en lien avec la fréquentation de la forêt du Gâvre. » (!!!)

Décidément, jusqu’à quelles extrémités et circonvolutions dans l’expression faut-il donc aller pour donner l’impression de s’en sortir tout en apportant des réponses qui, très souvent, n’en sont pas vraiment ?!

Sauf que, dans le cas présent, la route forestière de la Hubiais peut tout à fait être parcourue en voiture ; c’est l’allée forestière de Plessé à Blain qui est fermée à la circulation… (pour mémoire, la critique était : « Vous avez considéré une route en "axe routier" alors que ça n’en est pas du tout un, elle est fermée ! Vous êtes-vous réellement rendus sur les lieux ? On se demande ! »)

 

- Enjeux faune-flore :

- Impact environnemental sur la forêt :

expertise naturaliste « concernant les incidences potentielles du projet sur les sites Natura 2000 recensés dans les aires d’étude rapprochée et éloignée de la zone d’implantation » par AEPE Gingko/méthodologie réglementaire « en s’appuyant sur les éléments écologiques ayant justifié la désignation du site Natura 2000 ».

De plus, les éléments d’intérêt européen pris en compte dans l’analyse des incidences doivent être « sensibles » au projet.  « Un inventaire de l’avifaune lors des périodes de migration prénuptiale, de nidification, de migration postnuptiale et d’hivernage a été réalisé sur la zone d’implantation ». Utilisation des « synthèses et bases de données inventoriant les espèces d’oiseaux à l’échelle départementale et communale ». « (ZPS désignée en raison de la présence de 10 espèces d’oiseaux d’intérêt communautaire) ». « L’évaluation des incidences porte sur les espèces d’oiseaux suivantes observées lors des inventaires : la Bondrée apivore, le Busard St-Martin, l’Engoulevent d’Europe, le Pic mar, le Pic noir et l’Alouette lulu. »

« Il en ressort que malgré la présence de la ZPS « Forêt du Gâvre » en lisière nord de la zone d’implantation du projet, le projet éolien La Chèvrerie n’aura pas d’incidence sur les populations d’Alouette lulu, de Bondrée apivore, de Busard Saint-Martin, d’Engoulevent d’Europe, de Pic mar et de Pic noir ayant servi à la désignation de ce site Natura 2000. »

- Et quid de la fameuse bécasse ? « Les inventaires réalisés sur le site ont effectivement permis aux écologues d’observer la Bécasse en halte migratoire sur le site. Dans la mesure où l’espèce n’est ni protégée, ni inscrite à l’annexe I de la directive Oiseaux, ni menacée sur les listes rouges France et Pays de la Loire, la bécasse ne présente pas d’enjeux sur le site. » (Bon, il y a bien 17 cas observés de mortalité par éolienne en Europe, mais            « aucun en France » - quel soulagement !)

- Impact sonore sur faune/flore : non étudié, non exigé ; des mesures au droit des habitations situées à proximité, c’est tout ce qui compte ; impact des autres fréquences/infrasons : des généralités pour une pseudo-réponse…

 

Fermez le ban de la concertation !

 

Mais trêve de langue de bois pour vendre ce beau projet : voici que l’arrêté préfectoral entre en scène – et il a tôt fait de remettre les pendules à l’heure !

L’arrêté

 

L’arrêté préfectoral doit se lire et se comprendre comme l’application de la législation et de la réglementation relatives aux ICPE – installations classées pour la protection de l’environnement (= installations pouvant présenter des risques/nuisances pour : riverains, santé, sécurité, salubrité publique, agriculture, protection de la nature et de l’environnement, conservation des sites et monuments). Le droit des ICPE est principalement régi par le Code de l’environnement dans ses livres I et V.

 

Il existe quatre régimes de classement : déclaration (+ déclaration avec contrôle périodique), enregistrement, autorisation (+ autorisation avec servitude d’utilité publique).

 

Simplification administrative oblige, une demande d’autorisation environnementale unique (permis unique) a été instaurée à compter du 01/03/17 pour les ICPE et les installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) relevant du régime de l'autorisation (avec obligation d’une étude d’impact environnemental pour les installations dites SEVESO ou relevant de la directive sur les émissions industrielles ; simple étude d’incidence nécessaire pour les autres ICPE soumises à autorisation).

 

Un parc éolien fait partie de la nomenclature répertoriant ces ICPE et relève du régime de l’autorisation.

 

Le texte intégral de l’arrêté préfectoral est accessible et téléchargeable ICI.

 

L’arrêté est constitué de quatre articles précédés de 12 visas (vu le code…, vu l’arrêté…, vu l’avis…) et de pas moins de 42 considérants. L’article 1er est naturellement le plus important :

« La demande d’autorisation environnementale (…) est rejetée. »

 

Les principaux points à retenir sont les suivants :

 

  • L’arrêté prend en compte :

 

       - Les enjeux liés à la forêt du Gâvre :

  • zones de protection spéciale (ZPS) (directive européenne 79/409/CEE dite directive « oiseaux »)

  • réservoir de biodiversité au schéma régional de cohérence écologique des Pays de la Loire

  • réservoir boisé principal

 

       - Les enjeux liés à la présence de haies et bosquets au sein de la zone d’implantation potentielle du projet :

  • éléments bocagers réservoirs

  • corridors de biodiversité secondaires à l’échelle locale

       - Les enjeux chiroptérologiques au sein de la zone d’implantation potentielle du projet :

  • 15 espèces de chiroptères [chauve-souris] ont été déterminées dans l’état initial :

    • 3 sont vulnérables

    • 6 sont quasi menacées (NT) sur la liste rouge Pays de la Loire.

    • Tous les chiroptères sont des espèces protégées.

  • Proximité immédiate du projet avec :

    • la forêt du Gâvre (bout des pales de l’éolienne E3 à 90 m de la lisière)

    • les haies (bout des pales des éoliennes E1, E2 et E5 à moins de 80 m de la canopée des haies arbustives surplombées)

 

  • L’obligation d’appliquer le principe « éviter, réduire, compenser » (selon ce qu'il est possible de faire, prendre des mesures d’évitement, sinon de réduction, sinon de compensation) n’a pas été mise en œuvre de manière correcte et convaincante (« à proximité d’une des seules forêts du département », « au sein d’un réservoir de biodiversité secondaire figurant dans la trame verte et bleue à l’échelle locale »).

 

  • Zone de Protection Spéciale (ZPS FR5212005 FORET DU GAVRE) :

    • située en limite de ZIP (Zone importante pour les plantes)

    • site Natura 2000 :

      • 7 espèces nicheuses d’intérêt communautaire (inscrites à l’Annexe I de la Directive Oiseaux) : Busard Saint-Martin, Bondrée apivore, Milan noir, Engoulevent d’Europe, Pic noir, Pic mar et Fauvette pitchou

      • 3 espèces présentes par le passé en Forêt du Gâvre : Busard cendré, Cigogne noire et Pic cendré [= susceptibles d'être réobservées].

 

  • Zone Naturelle d'Intérêt Écologique, Faunistique et Floristique (ZNIEFF 540006609 FORET DU GAVRE) :

    • située dans l’aire d’étude immédiate du projet

    • avifaune forestière nicheuse particulièrement riche (rapaces, pics, passereaux sylvicoles), comprenant plusieurs oiseaux peu répandus dans le département

    • espèces déterminantes de la ZNIEFF contactées dans l’aire d’étude : Busard Saint-Martin, Pic mar, Alouette lulu, Pouillot siffleur, Bécasse des bois.

  • Espèces spécifiques :

    • Bondrée apivore : espèce protégée/identifiée sur site/déterminante du site Natura 2000/à enjeu local fort au droit du projet/sensibilité forte aux éoliennes quelle que soit la période de l’année ;

    • Milan noir : espèce protégée/identifiée sur site/déterminante du site Natura 2000/à enjeu local fort au droit du projet/sensibilité forte aux éoliennes quelle que soit la période de l’année ;

    • Busard Saint-Martin : espèce protégée/déterminante du site Natura 2000 et de la ZNIEFF/à enjeu local fort au droit du projet/identifiée dans la ZIP/utilisation du site comme zone de migration/sensibilité moyenne (reproduction) à élevée (migration, hivernage) par rapport aux éoliennes ;

    • Alouette lulu : espèce protégée/déterminante du site Natura 2000 et de la ZNIEFF/à enjeu local fort au droit du projet/identifiée sur le site/sensibilité moyenne (reproduction) à élevée (migration, hivernage) par rapport aux éoliennes ;

    • Pic mar : espèce observée toute l’année sur le site (3-4 couples estimés dans aire d’étude et abords immédiats) ;

    • Pic noir : espèce observée toute l’année sur le site ;

    • Pouillot siffleur : espèce ayant un intérêt patrimonial modéré en période de reproduction/observation de mâles chanteurs dans la ZIP/nidification possible ;

    • Bécasse des bois : espèce observée en hivernage ;

    • Faucon crécerelle : espèce protégée/quasi menacée sur la liste rouge des oiseaux nicheurs de France métropolitaine/observée toute l’année en période de nidification et en chasse dans l’aire d’étude immédiate/une partie de la ZIP représente ses habitats potentiels d’alimentation/risque important de collision avec les pales des éoliennes lorsqu’il chasse ou lors de ses parades nuptiales ;

    • Roitelet huppé : espèce protégée/à enjeu local fort au droit du projet/observée à plusieurs reprises en période d’hivernage/sensibilité forte aux éoliennes en hivernage ;

    • Autour des palombes : espèce protégée/quasi menacée sur la liste rouge des oiseaux nicheurs en Pays de la Loire/observée en nidification/sensibilité élevée aux éoliennes en période de reproduction ;

    • Goéland argenté : espèce protégée/quasi menacée sur la liste rouge des oiseaux nicheurs de France métropolitaine et des Pays de la Loire/observée en vol à plusieurs reprises/peut régulièrement voler à hauteur de pales lors de ses déplacements pour rechercher de la nourriture - sensibilité forte aux éoliennes ;

    • Grive mauvis : espèce observée à plusieurs reprises (jusqu’à 50 individus)/non prise en compte dans l’évaluation des enjeux et impacts malgré intérêt patrimonial très élevé et sensibilité forte aux éoliennes en période d’hivernage et de migration ;

    • Héron cendré : espèce protégée/observée à plusieurs reprises en période d’hivernage/non prise en compte malgré intérêt patrimonial élevé et sensibilité forte aux éoliennes tout au long de l’année ;

 

  • Avifaune :

    • Risques d’effarouchement (en particulier en période de nidification)/risques de perturbation (risques de  collision) : pas de mesures spécifiques au regard de cette sensibilité et du positionnement du parc/bridage proposé : vise principalement à réduire la mortalité des chauves-souris, pas celle des oiseaux.

    • Sensibilité des espèces mentionnées : à considérer en conséquence comme non traitée/d’où risque de mortalité en phase d’exploitation ;

    • Impact résiduel non significatif sur espèces protégées, espèces déterminantes Natura 2000, espèces figurant sur la liste rouge : non démontré.

 

Mais, au fait, qu’en est-il de la position de la commune concernée au premier chef, Blain ?

 

Le moins que l’on puisse dire est que la municipalité blinoise – pour autant qu’on le sache, notamment à travers ce que la presse a eu à en dire –, apparaît ne s’être guère préoccupée de l’avis de la commune du Gâvre concernant ce projet, pas plus que de l’avis de l’Office National des Forêts, bien que ces deux entités soient tout de même concernées au premier chef, puisque le projet envisagé jouxte au plus près cette forêt domaniale dont l’ONF a la gestion et qui se trouve entièrement située sur le territoire de la commune du Gâvre !

Citons le bref article de Ouest-France mis en ligne le 28/12/21 (https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/blain-44130/le-parc-eolien-utilisera-les-voies-communales-02011f0d-a02f-40c8-9864-504dd2b97a08) :

« Il a beaucoup été question d’éolien, lors du conseil municipal, jeudi (Ouest-France de mardi 21 décembre). Après l’avis défavorable émis sur le projet d’un parc de quatre éoliennes (dont une à Blain), dans le secteur des villages de la Cavelais et la Bélinais, à Bouvron*, les élus étaient invités à donner leur point de vue sur l’utilisation de la voirie communale pour accéder au futur parc de la Chèvrerie.

Ce site de cinq éoliennes, en direction de Redon, en bordure de la forêt domaniale du Gâvre, ne semble pas faire l’objet d’opposition, jusqu’à présent. « La préfecture, qui instruit le dossier, nous a fait remarquer que l’utilisation des voies communales doit faire l’objet d’une permission de voirie, explique Philippe Caillon, adjoint en charge de l’urbanisme. La commune souhaite conventionner l’utilisation de ce domaine communal, assortie d’une indemnité annuelle de 8 000 € par éolienne, sur une durée de trente ans. »

Jean-Pierre Hamon, porte-parole du groupe d’opposition Blain initiatives citoyennes, se demande « sur quelle base ces chiffres sont avancés. Le risque, c’est de voir de grandes disparités d’un parc à un autre ».

Philippe Caillon s’en défend : « Ce montant a été arrêté après avoir pris de multiples renseignements, sur tout le territoire national, auprès de parcs existants. J’ajoute que cette indemnité prend en compte la remise en état. »

La décision a été adoptée à l’unanimité. »

 

* https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/blain-44130/blain-apres-un-debat-anime-le-conseil-municipal-emet-un-avis-defavorable-au-parc-eolien-de-bouvron-1edc393a-60e8-11ec-bbd9-ae1fb0f3acab

La nouvelle municipalité bouvronnaise ne veut plus du projet voulu par la municipalité précédente ; bien qu’une éolienne sur les cinq prévues se trouverait sur le territoire blinois, le conseil municipal blinois laisse Bouvron entièrement maître de son choix sur ce dossier : par une voix pour, 21 contre et sept abstentions, une majorité des élus blinois (y compris ceux d’opposition qui soutiennent un autre projet éolien bouvronnais, associatif, celui-là) ne voit pas pourquoi il faudrait aller à l’encontre de la volonté bouvronnaise et s’oppose donc (comme Bouvron) audit projet.  

L’on est donc en droit de comprendre que le conseil municipal de Blain s’est visiblement montré peu préoccupé par l’impact environnemental de ce projet précis d’un parc éolien à la Chèvrerie (peut-être – soyons charitables –  avec l’envie de prouver que, malgré son avis défavorable au projet de Bouvron, émis juste auparavant, il n’était pas opposé à l’éolien en soi, transition énergétique oblige, a fortiori sur son propre territoire communal).

 

Qui plus est, le conseil blinois s’est principalement préoccupé du montant des indemnités annuelles pouvant être perçues sur 30 ans en compensation de l’utilisation des voies communales (« permission de voirie »), avalisant ainsi de facto son soutien au projet par une décision favorable unanime (majorité et opposition) à l’utilisation des voies d’accès concernées.

 

Et le journaliste de noter (non sans quelque malice, peut-on se dire) que le site « ne semble pas faire l’objet d’opposition, jusqu’à présent. » (!!!)

 

Bref, l’on veut bien « prendre les sous », et qu’importe les atteintes majeures au paysage, à la faune, à la flore, à la forêt, à la qualité de vie de ses riverains, usagers et visiteurs.

 

 

Pour conclure

 

Quoi qu’il en soit, si une chose est certaine, c’est que les Amis de la Forêt du Gâvre sont et resteront fermement opposés à ce projet, s’il devait refaire surface, comme à tout projet similaire en lien avec l’éolien, le photovoltaïque et toute autre technique du même ordre, dans ce secteur ou dans tout autre secteur de la forêt du Gâvre et de ses alentours (sans parler de tout projet relevant d’autres domaines et également susceptible de porter atteinte au massif). Non pas par opposition de principe à ces technologies, bien au contraire si l'on peut dire, mais parce que l’on ne saurait sauver la Nature en la malmenant et la détruisant inconsidérément. Comme naguère l’on bousillait à tour de bras les haies au nom d’un remembrement hors de contrôle, érigé en axiome du progrès, voilà qu’aujourd’hui un nouvel axiome entend faire pousser des parcs éoliens n’importe où et toujours plus vite. L’adage ne dit-il pas que le remède peut être pire que le mal ?

Comme le demande FNE-Bretagne dans son récent Manifeste pour la Forêt Bretonne  :  « Eviter toute emprise d’installations éoliennes et du photovoltaïque en forêt. »

 

Il n’est pas question de ruiner un paysage magnifique, très apprécié de nombreux usagers et promeneurs assoiffés de Nature, et de menacer toutes les espèces d’animaux et de plantes de la forêt et du bocage qui en font sa richesse, pour quelques poignées d’euros et de mégawatts.

Coucher de soleil sur la forêt du Gâvre.jpg

Une forêt du Gâvre avec des arcs-en-ciel et des couchers de soleil

sans pales d'éolienne,

voilà qui est tout de même mieux !

Exemple n° 3
L'arrêté
Position de Blan
Pour conclure

UN ARGUMENTAIRE QUI SUPPORTE MAL L'EXAMEN

 

 

Certains des articles de presse parus et reportages diffusés à la suite de notre manifestation du 22 mai 2022 au Rond-point de l’Etoile et au Parcours de Santé ont également donné la parole, sur le mode contradictoire, à l’ONF (qui a également publié un communiqué, examiné en détail ICI). Par ailleurs, il s’est trouvé que, la veille de la manifestation, la chaîne LCP a diffusé un documentaire d’excellente facture, suivi d’un débat auquel était invité le président (du CA) de l’ONF. Il ne nous paraît pas inutile de revenir, par une analyse serrée, sur ces propos et déclarations qui déroulent un argumentaire contestable.

 

La forêt du Gâvre est-elle surexploitée ? – Télénantes-OF 22/05/22

https://telenantes.ouest-france.fr/lactu/article/la-foret-du-gavre-est-elle-surexploitee-par-lonf

https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/nantes-44000/video-la-foret-du-gavre-est-elle-surexploitee-par-l-onf-194c6e35-44a2-4f1d-8a5b-e0e0d35e1f84

 

Article de France Bleu Loire Océan du 22/05/22 

Le directeur de l'agence régionale de l'ONF dans les Pays de la Loire, Nicolas Jannault, s’exprime.

 

Forêts françaises, en quête d'avenir 

Documentaire de Camille Geoffray (2022, 52 mn)

+ Nos forêts sont-elles en danger ?

Débat LCP animé par Rebecca Fitoussi, avec Jean-Yves Caullet, président du CA de l’ONF, 21/05/22

L’ONF, cet autre écosystème

 

Il n’est pas inutile, en préambule, de souligner que l’ONF n’est pas le monolithe que l’on pourrait croire, monstre froid de l’Administration française, appliquant aveuglément les politiques et directives décidées en haut lieu.

 

Qu’il s’agisse des missions, des méthodes et techniques, des personnels ou, bien sûr, des forêts elles-mêmes, il existe en vérité une grande diversité. Finalement, une sorte d’écosystème plus complexe qu’il n’y paraît à première vue. Si la logique productiviste et financière que son statut actuel d’EPIC (établissement public à caractère industriel et commercial) impose à l’ONF est très prégnante, tout le monde n’y adhère pas et l’on trouve en son sein des personnels, syndiqués ou non, très remontés contre ce qui a été fait, est fait et risque d’être fait de l’ONF, de leurs missions, de leurs métiers. Très remontés contre la casse de la forêt publique et la casse de l’emploi, au jeu pernicieux du contractuel contre le fonctionnaire, puisqu’on contractualise toujours davantage…

 

Saluons notamment ces personnels, agents, spécialistes de la futaie irrégulière, de la biodiversité, de l’arbre dans toute sa dimension biologique, lesquels se retrouvent trop souvent dans la situation de tant d’ingénieurs écologues et autres biologistes qui sont confrontés, dans les bureaux d’études privés où ceux-ci doivent travailler, à des enquêtes et des études environnementales par trop biaisées, qui ne visent souvent qu’à légitimer les projets d’aménagement de leurs clients privés ou publics…

 

On l’a compris, les Amis de la Forêt du Gâvre ne sont pas par principe contre l’ONF ou ses personnels. Nous savons trop ce que vivent et ressentent ces derniers. Les AFG veulent simplement que cette forêt soit la plus belle et pérenne possible pour les êtres qui y vivent et les êtres qui s’y rendent. Que cette forêt soit une vraie forêt, et non une usine à bois et à com’ sur l’accueil du public, la biodiversité et la gestion durable.

L’argument empathique

Un peu de compassion, ça ne peut pas faire de mal : technique du « on est vraiment désolé, on comprend que ce soit difficile à vivre, mais il le faut bien (= c’est pour votre bien) ! »

 

En somme, un mauvais moment à passer : plus vite l’on se sera fait une raison, et moins ce sera douloureux !

 

Si l’argument est, en lui-même, assez bien vu et tenté, il reste malgré tout un peu court pour qu’on puisse s’y laisser prendre. Il relève d’une technique de com’ assez classique : abonder dans le sens de son interlocuteur, de son contradicteur, pour le convaincre ou, à tout le moins, l’amadouer, et ainsi lui faire baisser les armes et entendre raison.

 

Car il y a certes le cœur, mais, un moment donné, il faut aussi savoir entendre raison : accepter ce qui doit être fait, évidemment présenté comme inéluctable et indispensable.

 

C’est ainsi, il faut faire avec, l’on n’y peut rien, il faut absolument en passer par là, aussi dommage et désagréable que cela puisse être. Puisque c’est pour le bien de la forêt et, finalement, pour notre bien à toutes et à tous :

 

« Et quand c’est la parcelle où les gens allaient ou vont se balader, forcément ça les impacte et on peut comprendre. »

 

« Donc [ces parcelles] à l'échelle humaine les gens les ont toujours vues. (...) Donc c'est compliqué pour eux qui voient le paysage changer sur dix ou quinze ans. Des arbres coupés qu'ils ont toujours connus pendant leur enfance. Je comprends que ça puisse avoir un impact sur eux, les troubler. »

L'argument relativiste

 

Il faut à tout prix relativiser, minimiser...

« Et là, effectivement, ça veut dire que, sur ces parcelles où on fait le renouvellement, le paysage va   changer. »

 

Et ben oui, ça va changer un peu, beaucoup, voilà tout. On va bien s’y faire quand même, surtout que, tout bien considéré, ces surfaces coupées, ça reste bien peu de chose !

 

« D’abord, on ne renouvelle pas toute la forêt en un an, en fait, on renouvelle une partie seulement de la forêt tous les ans, ce qui représente de l’ordre de moins de... de l’ordre d’un pour cent de la forêt, voilà, tous les… tous les ans, c’est même moins pour le chêne. »

 

« Dans nos documents d'aménagement, on met en place des zones de renouvellement. C'est environ deux sur la surface de la forêt par an, pas plus. »

 

Et le grand patron de l’ONF (Jean-Yves Caullet, le président de son C.A. – débat du 21/05/22 sur LCP) de renchérir (ou vice versa) à propos des coupes rases :

« Et donc cette focalisation sur cette technique, très partielle, dans la forêt française…

La journaliste : pourquoi partielle ? C’est pas du tout majoritaire comme technique ?

Mais bien sûr que non, bien sûr que non !

La journaliste : c'est-à-dire à quel pourcentage, vous avez une idée ?

(…) En forêt publique, c’est marginal

La journaliste : c’est vraiment si marginal que ça, parce que justement c’est le coeur du sujet de ce   documentaire ?

Mais parce que ça se voit, ça fait des belles images, ça mobilise le sentiment pour la forêt, ce qui est une bonne chose, il faut aller un tout petit peu au-delà. »

 

Ou lorsque le grand sachem, qui se veut aussi grand sachant d’une sylviculture bien gérée et maîtrisée, a la condescendance agacée…

 

Sauf que l’on a des yeux pour voir, et que ces coupes diverses et variées passent d’autant moins inaperçues que, les années se succédant, l’effet cumulatif est de plus en plus marqué.

 

Et l’on se demande vraiment bien pourquoi un énorme collectif (constitué de pas moins de 29 collectifs, associations, unions, fédérations + 2 mairies et 8 personnalités, tous attachés au devenir de dix massifs forestiers ou forêts périurbaines) a lancé le 21 mars 2022 un Appel des Forêts d’Ile-de-France (voir ICI) pour fortement dénoncer, entre autres choses, les coupes rases !

 

« Donc on va passer d’un stade où il y a des arbres qui sont des géants à un stade où on va avoir des tout petits arbres. »

 

« Aujourd’hui, les arbres qui sont sur cette forêt sont nés il y a deux cents ans, le climat change et il faut aussi qu’on ait des phases de renouvellement. »

 

Plus que limite infantilisant, le discours en vient à mobiliser les évidences, sauf que l’on nous parle bien de    « géants ». Et que l’on devrait trouver tout à fait acceptable et intéressant, normal, de devoir les échanger contre de « tout petits arbres » !!!

 

Voilà qui est, au demeurant, encore une fois dans la droite ligne du N° 1 de l’ONF (Jean-Yves Caullet), lequel n’a pas hésité à énoncer cette phrase profonde :

« En fin de compte, quand on coupe un arbre, on le coupe au ras du sol ; quand on en coupe deux, ça fait une surface rasée ; quand on… »

Non sans avoir commis, juste avant, celle-ci : « Entre une coupe de régénération finale d’une futaie régulière de chênes héritée de Colbert et un rythme cinquantenaire en forêt des Landes, à un moment donné, on a une coupe rase. Mais ça n’a rien à voir dans un cas comme dans l’autre. »

 

Voilà bien une mentalité qui n’a pas l’air d’avoir beaucoup évolué depuis ce milieu du 19e siècle qui vit ces incroyables géants de la Terre, les séquoias toujours verts (sequoia sempervirens) et géants (sequoiadendron giganteum) de Californie, et les eucalyptus regnans de Tasmanie, tout juste découverts, subir aussitôt les ravages d’une exploitation à outrance qui menaça derechef de faire disparaître ces merveilles venues du fond des âges.

 

L’on aurait pu penser qu’à notre époque – en un siècle confronté à des défis aussi « insignifiants » qu’une perte dramatique de biodiversité et des bouleversements climatiques extrêmement rapides –, dès lors que l’on parlerait de « géants » ou de « chênes hérités de Colbert », la question ne se poserait même plus, il ne devrait plus y avoir de débat : ces arbres devraient être sauvegardés coûte que coûte, mis hors d’atteinte de toute exploitation, comme on le ferait pour n’importe quel château, monument historique ou élément patrimonial de notre passé religieux, industriel, architectural… (ici une grue jaune ou une grue noire sauvée, là un vieux gréement, ou une tour Lu, à jamais inconsolable de la perte de sa tour jumelle... [pour prendre quelques exemples nantais]). 

 

Surtout qu’il s’agit bien de forêts domaniales, et donc publiques (le fait qu’elles relèvent juridiquement du domaine privé de l’Etat ne change rien à l’affaire…).

 

Eh bien non, on ne veut pas en démordre, il faut couper, couper, couper encore et encore. Quoi de plus naturel, ou plutôt humain, n’est-ce pas ?!

 

Et pourtant, comme l’a rappelé à de multiples reprises et de différentes manières LE spécialiste mondial des forêts primaires, Francis Hallé :

« Dix jeunes arbres ne remplacent pas un vieux : un quart de siècle au moins sera nécessaire avant que la dépollution atmosphérique ne retrouve son niveau initial. »

 

Ou encore, parlant de l'abattage d'un vieil arbre et de son remplacement par dix jeunes arbres de la même espèce : « J’estime que c'est une triple arnaque. Patrimoniale, car le vieil arbre était considéré comme un monument aux yeux des habitants. Financière, car le vieil arbre ne coûtait rien, tandis que les dix jeunes vont coûter très cher, à planter et à entretenir. Enfin écologique, car il faudra 25 ans pour que les 10 jeunes arbres remplaçant le vieux atteignent une performance équivalente en matière d’épuration atmosphérique. » (propos recueillis par Marjorie Bison, EchoSciences Grenoble, 23/06/14).

 

Il n’est pas non plus inutile de rappeler ici que, depuis la transformation en 1965 – par un Edgar Pisani dont l’agenda productiviste n’a pas sévi que dans l’agriculture, pour le meilleur et pour le pire (loi du 23/12/64, décret du 01/01/66) – de la vieille administration des Eaux et Forêts colbertiste en EPIC (établissement public industriel et commercial) de l’ONF, les gestionnaires des forêts publiques sont sommés de s’autofinancer le plus possible (vente de bois et location de lots de chasse).

Colbert et ses successeurs avaient notamment en tête les fameux « bois de marine », indispensables à la construction d’une marine de guerre digne de ce nom, très consommatrice en grands arbres de qualité et en bois aux formes particulières.

L’ONF d’aujourd’hui – qui a de plus en plus l’allure d’une peau de chagrin et se trouve toujours plus abimé par l’injonction de rentabilité, encore renforcée dans les années 2007-8 – n’a décidément plus grand-chose à voir avec ces Eaux et Forêts de « l’âge d’or » des 17e et 18e siècles où de grandes réformes renforcèrent et modernisèrent considérablement l’administration des forêts royales dans le sens de leur préservation et de leur extension (et l’on pourrait également remonter aux tout débuts, au 13e siècle, ou s’attarder sur ce que firent nombre de successeurs de Colbert).

 

Et voilà comment l’on en est encore actuellement, dans les forêts domaniales, à faire des coupes rases et à donner, quoi qu’on en dise, la priorité à un productivisme hors d’âge.

L’argument climatologique

 

« Aujourd'hui, on parle beaucoup de réduction de notre impact carbone et le bois est une vraie solution pour ça, pour réduire l'impact carbone. Il faut qu'on fasse venir du bois des forêts locales. En fait, si on les fait venir de très loin, par exemple des forêts tropicales ou de l'est de l'Europe, on aura un impact carbone très, très fort. Alors que si on fait venir le bois des forêts locales gérées durablement, on va réduire notre impact carbone et on aura un impact beaucoup moins important sur le climat. »

 

Passablement spécieux, cet argument nous vend qu’il vaut mieux utiliser du bois local, d’â côté, de France, plutôt que de l’Europe de l’Est, et bien sûr de l’autre bout du monde. Côté empreinte carbone, c’est évidemment mieux !

 

Sauf qu’il a été suffisamment démontré que c’est bel et bien « notre bois » qui file souvent à l’autre bout du monde, que ce soit à cause des problèmes actuels sur le marché nord-américain du bois ou des besoins considérables en bois du marché chinois, puisque la Chine a arrêté d’exploiter ce qui reste de ses forêts, tellement surexploitées, essaie de leur refaire une santé sur le long terme et, en conséquence, fait systématiquement son marché à travers le monde. L’obligation d’une première transformation des grumes dans des scieries locales françaises est assez facilement contournée et ne fonctionne pas correctement.

 

L’on nous dit à l’envi qu’il s’agit de toute façon de bois bas de gamme, destiné à des usages spécifiques. Mais, de fait, c’est aussi du bois de premier choix qui part en Chine, et ce d’autant mieux que les acheteurs chinois ont les moyens financiers de leurs ambitions, des « poches suffisamment profondes » pour rafler la mise lors des ventes de bois lorsqu’ils le souhaitent.

 

A ce compte-là, l’empreinte carbone ne s’abaisse pas, mais s’envole, au contraire, et ce d’autant plus qu’une bonne partie de ce bois nous revient dans les magasins (d’ameublement, de bricolage, etc.) et chez les installateurs sous forme de lames de parquet, meubles et autres produits transformés, finis. On a donc l’aller et le retour !

 

De toute façon, le vrai sujet du carbone n’est pas là ! Il est dans le fait que le carbone se trouve capté, stocké dans le bois des arbres de la forêt, mais même aussi – cela est désormais démontré – dans le sol forestier (dès lors qu’il s’agit bien d’un écosystème en équilibre, qui va afficher une biomasse et une biodiversité d’autant plus élevées qu’il est ancien et préservé).

 

A partir du moment où l’on coupe ces arbres sur pied, gros capteurs de carbone, et où l’on massacre leur sol pour les exploiter, puis pour repartir sur une nouvelle plantation, l’on se retrouve avec une régression majeure dans la rétention du carbone.

 

Et si – comme c’est de plus en plus souvent le cas -, ce bois part dans la filière « bois-énergie » où il est destiné, sous forme de bois-plaquette ou autre (y compris bien souvent en broyant les futs entiers et non juste les branchages ou de simples déchets de coupe) à alimenter les besoins de plus en plus énormes des chaufferies bois-énergie, des centrales à biomasse et des installations du même ordre qui se sont multipliées pour faire de l’énergie verte et renouvelable qui n’en a guère que le nom, il est clair que tout cela ne permet pas de conserver captif le carbone, mais ne fait, au contraire, qu’accélérer sa libération dans l’atmosphère.

 

Non sans oublier que l’accélération du réchauffement climatique – renforcé par la déforestation des régions tropicales et équatoriales – commence à entraîner une libération avérée du carbone (et du méthane) contenu en quantités prodigieuses dans le permafrost des régions arctiques et subarctiques, un phénomène aux redoutables conséquences. 

 

Dans ces conditions, l’on comprend bien qu’il n’est absolument pas possible de pouvoir considérer que les modes actuels d’exploitation de nos forêts françaises sont de nature à « réduire notre impact carbone » et à avoir « un impact beaucoup moins important sur le climat ». L’on aura effectivement  « un impact carbone très, très fort », mais pas dans le bon sens !!!

 

L’on se reportera utilement, sur le sujet du bois-énergie, à ce récent rapport (2022) de Forest Defenders Alliance (ICI).

 

« Les parcelles qu'on met en renouvellement, ce sont des parcelles qui ont 200 ans pour les parcelles de chênes. »

 

« [Le renouvellement] c’est ce qui va garantir que la forêt sera mieux adaptée aussi au changement climatique. Aujourd’hui, les arbres qui sont sur cette forêt sont nés il y a deux cents ans, le climat change et il faut aussi qu’on ait des phases de renouvellement en forêt pour permettre aux arbres de s’adapter. »

 

Autrement dit, si l’on coupe ces arbres et qu’on les met à mort, c’est pour leur bien ! C’est donc en abattant et en arasant, en mettant à nu et en bouleversant le sol, en massacrant l’organisation des écosystèmes forestiers et des réseaux vivants souterrains, en faisant violemment régresser la biodiversité de ces biotopes fragiles, que l’on va – l’on en est sûr ! – adapter la forêt au changement climatique !

 

« Pour permettre aux arbres de s’adapter », c’est simple, il faut les tuer ! Si ce n’est pas là encore un bel exemple de greenwashing ! L’on se garde bien de dire qu’exploiter ces arbres de 200 ans, c’est surtout toucher un irrésistible pactole. Quant à ce raisonnement pseudo-scientifique qui voudrait faire croire que de petits plants d’espèces miracles mis en terre dans des environnements dégradés, soumis à des conditions climatiques elles-mêmes dégradées, et peu ou prou selon les mêmes méthodes d’un productivisme forestier qui envisage les forêts comme des plantations, il revient largement à signer un chèque en blanc pour un marché de dupes sans aucune garantie sérieuse de résultats – en tout cas pas ceux qu’attendent tant les espèces animales et végétales que les citoyennes et citoyens de ce pays.

 

Surtout lorsque – face aux imprécations d’un grand tenant de la filière bois et, pourrait-on croire, de la pensée magique, lequel assène « on est dans l’action, on n’est pas dans la contemplation » – un éminent enseignant-chercheur garde, lui, suffisamment de lucidité et de recul pour pouvoir déclarer (documentaire « Forêts françaises, en quête d’avenir » diffusé avant le débat évoqué plus haut – lire ses différentes interventions plus bas, dans le dernier encadré) : « Cette inquiétude [du réchauffement climatique] ne doit pas servir de prétexte à une augmentation de l’artificialisation de la forêt (…) [où il s’agit de] trouver cette fameuse essence miracle qui sera adaptée au climat futur tout en étant adaptée à tous les climats qui vont intervenir avant d’arriver au climat futur, qui va être bien adaptée à l’introduction dans l’écosystème, qui ne pas trop perturber l’écosystème, cette fameuse essence miracle que tout le monde cherche, et qui n’a pas de sens ! »

L’argument du grand cycle nécessaire

 

« C’est le renouvellement de la forêt. »

 

« D’abord une forêt bien vivante, et pas une forêt dépérissante. »

 

Voilà bien le terme qu’il s’agit de marteler : c’est par le renouvellement que passera le salut, c’est par cet impératif que la forêt sera sauvée. Mieux vaut parler de « renouvellement » que de « coupe » ! Si l’on suit cet argument jusqu’au bout, l’on se demande comment, aux temps préhistoriques et longtemps après encore, les forêts avaient bien pu couvrir la majeure partie de l’Europe et notamment du Massif armoricain, comment toutes ces forêts profondes pouvaient-elles donc survivre et… se renouveler ?! Puisqu’il n’y avait pas de forestiers, de sylviculteurs pour s’en occuper !

 

Du reste, la dernière grande forêt primaire de plaine d’Europe, la forêt de Bialowieza, était-elle vraiment si dépérissante avant que le gouvernement polonais, décidément rarement en reste d’une « bonne » initiative environnementale, n’autorise l’industrie forestière à se livrer à une véritable mise à sac, en dépit des efforts de l’Europe, des écologistes et de la communauté scientifique ?

 

Et nos forestiers de devoir abattre et abattre encore pour éliminer ce qui est mort ou va l’être, dans ce qui tient plus de la plantation que de la forêt, et sauver ce qui peut encore l’être de la « dent » insatiable des scolytes ravageurs.

 

L’on ne s’y prendrait pas autrement si l’on voulait nous faire accroire que c’est dans l’ADN du forestier que de couper pour replanter, pour… renouveler. Sauf qu’après avoir décortiqué les différents arguments, l’on n’a plus guère d’appétence pour un tel discours de la méthode (forestière) très orienté, où ce sont les mêmes qui sont juges et parties, dans un conflit d’intérêts insoluble, sauf peut-être si l’on commençait par appliquer l’une des mesures appelées par le collectif cité plus haut : « un moratoire sur les coupes (…) suivi d'une expertise indépendante et scientifique sur l'état des massifs et le bilan de la gestion des forêts faite par l'ONF depuis 1965. »

 

La « forêt dépérissante » est celle que nous a donnée la gestion conduite depuis 1965, et celle qu’on nous prépare de nouveau pour les décennies futures avec encore et toujours des plantations d’arbres. 

L’argument de la durabilité

 

« Mais nous, on travaille sur le long terme, à l'échelle des arbres. »

 

« On le fait dans le cadre d'une gestion durable. Et figer la forêt, en fait, ce n'est pas la solution. »

 

« La gestion est considérée durable à partir du moment où on respecte les enjeux de biodiversité et on prévoit dès lors qu'on coupe des arbres, qu'on prévoit aussi le renouvellement de la forêt. »

 

La durabilité fait figure d’argument ultime du greenwashing forestier. L’on voudrait nous faire croire comme indispensable de couper, de « renouveler »,  qu’il suffit de replanter, après avoir tout détruit, pour que la magie de l’ordre naturel rétablisse comme par enchantement une biodiversité ainsi devenue encore plus riche et épanouie qu’auparavant. C’est certainement en coupant de gros arbres anciens qu’« on respecte les enjeux de biodiversité », c’est certainement ça « une gestion durable », ça tombe sous le sens…

 

Et pour que ça marche, il ne faut surtout pas que la forêt se fige, telle on ne sait trop quelle colle ou quel mortier à prise rapide ! Non sans oublier un peu vite que, justement, un écosystème n’est jamais figé (quand bien même il en aurait l’air), que les interactions sont incessantes et d’autant plus complexe que le milieu est ancien. Et que le renouvellement naturel s’opère de lui-même, les arbres tombés créant des clairières dont le cortège d’espèces spécifiques laissera bientôt la place à de nouvelles espèces au fur et à mesure que de jeunes arbres vont pousser et que la forêt va se refermer pour un nouveau cycle naturel au long cours. On aura compris que c’est bien sûr le mode de gestion et d’exploitation recourant à la futaie irrégulière, et non à la futaie régulière – arbres tous de même âge, finissant tous coupés en même temps (comme les porcs ou les poulets d’une usine d’engraissement) –, qui se rapproche le plus de ce cycle naturel de la forêt et est le plus gage d’une riche biodiversité et d’un renouvellement harmonieux. Que c’est cela le mode de gestion durable vers lequel il faut tendre.

 

Car est-ce vraiment une gestion durable que d’abattre des pins au bout de 30-40 ans, des chênes au bout de 100, 150, 200, 220 ans – allez, soyons généreux (parcelles de vieillissement), 270 ans ? Alors que ces arbres peuvent vivre plus vieux, bien plus vieux même pour le chêne, jusqu’à 500, 800 et même +1000 ans. Mais voilà, il y a l’impératif du profit et de la rentabilité, et sur le terrain et en scierie des engins nord-américains et scandinaves calibrés pour des circonférences et des dimensions bien moindres que ces vieux bois non standard – par exemple, des abatteuses qui font merveille sur des hectares de pins ravagés par les scolytes !

 

C’est sans doute cela travailler « sur le long terme, à l'échelle des arbres » !

En vérité, les « enjeux de biodiversité » sont tellement bien respectés qu’il suffit, pour ce faire, qu’il ait été décidé de replanter des arbres (= parcelle de renouvellement) une fois que les précédents auront été coupés (par voie de coupe rase). La gestion durable, c’est aussi simple que cela. Autrement dit, quasiment faire ce que l’on faisait déjà – couper et replanter (et principalement du résineux) !

 

« On met en place des techniques qui permettent d'avoir des jeunes arbres qui poussent en dessous, ce qui permettra de rajeunir la forêt et d'avoir une forêt qui puisse avoir tous les stades des arbres et qui puisse être mieux adaptée, notamment aux changements climatiques. »

 

Et voici que le positivisme d’une sylviculture qui veut croire à ses chances face au réchauffement climatique tout en continuant à faire des gros sous prétend avoir trouvé une nouvelle technique, censée permettre, en quelque sorte, de faire de la futaie irrégulière à bon compte, mais à l’échelle des coupes rases, assez pompeusement dénommé « gestion smart » (du « smart » plus roublard que malin ?). On met du pin, mais on dit que c’est pour faire du chêne… 

L'Office National des Forêts rappelle que la gestion des massifs forestiers est très réglementée. Elle dépend d'un plan de gestion (validé par les autorités) qui détermine toutes les actions menées sur 20 ans, et prévoit notamment quelles sont les parcelles où les arbres seront coupés (dites "zones de renouvellement").

« Ce document d'aménagement [plan de gestion du massif sur 20 ans validé par arrêté ministériel] prévoit que la forêt puisse répondre à trois fonctions principales. D'abord la garantie que la biodiversité sera bien préservée, notamment parce qu'on est dans un site Natura 2000. Ça fait partie des enjeux principaux de la gestion durable. Il y a aussi la possibilité pour le public de venir en forêt dans de bonnes conditions. Et enfin, la forêt permet de fournir du bois à la société. »

 

Voici enfin posé le grand concept directeur qui doit régir la gestion de la forêt française par l’ONF, celui de la multifonctionnalité.

Il vaut mieux, tout d’abord, ne pas trop compter sur l’estampille « Natura 2000 », pas plus que sur le classement en Znieff (Zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique), ni même sur le label ONF « Forêt d’Exception » (là où il existe), pour garantir « que la biodiversité sera bien préservée », car il n’y a rien là qui offre des gages juridiquement sérieux et définitifs de préservation de la biodiversité…

 

Assurer les trois fonctions principales constitutives de la multifonctionnalité revient à satisfaire aux « enjeux principaux de la gestion durable ». Outre la biodiversité, il convient donc de se préoccuper aussi de l’accueil du public, c’est-à-dire de « la possibilité pour le public de venir en forêt dans de bonnes conditions ».

 

Cela passe, par exemple, par des initiatives actées ou sérieusement envisagées telles que la fermeture des aires de débardage (pouvant servir de parkings visiteurs hors activité), la fermeture de certaines routes forestières, la fermeture systématisée de barrières d’accès sans petit parking adjacent, le remplacement du gravillon fin sur la chaussée de certaines allées par du gros gravier routier (plus adapté aux engins surdimensionnés qu’aux poussettes familiales), la fermeture de sentiers de découverte, la suppression-déplacement du parcours de santé, le défaut de présence ou d’entretien du mobilier forestier (panneaux, abris, tables…) l’application à l'occasion tatillonne de certaines règles mineures de police forestière, le discours excessivement culpabilisateur à l’égard des cueilleurs de champignons, des observateurs du brame, etc., bref, finalement, de tous ceux qui n’entendent pas se contenter du seul rond-point de l’Etoile !

 

Cela passe évidemment aussi par la multiplication des zones sans arbres, de savane aux arbres épars, où la molinie et les fourrés président au renouvellement, avec parfois un rideau de feuillus en bordure de parcelle pour faire illusion. Ceci allant de pair avec la limitation des vieilles futaies, du gros bois, à quelques ilots symboliques de sénescence ou de vieillissement, représentant moins de 1 % du massif (!) et toujours à la merci de quelque coupe sanitaire qui en réduira encore à bon compte la portion congrue.

 

C’est certainement ce genre de forêt que le public recherche lorsqu’il vient en forêt du Gâvre…

 

Une forêt censée abriter des cervidés que le grand public aimerait tant admirer, mais qu’il n’a quasiment aucune chance de voir jamais, et encore moins d’approcher, sauf à être très chanceux, et dont les représentants, pourchassés et dérangés, préfèrent le plus souvent aller voir ailleurs – et on les comprend…

 

Enfin, si l’ONF entend s’occuper de si belle manière du bon accueil du public, il ne perd pas de vue pour autant le troisième élément de la multifonctionnalité, également considéré comme faisant « partie des enjeux principaux de la gestion durable » : l’exploitation forestière, afin que la forêt soit à même « de fournir du bois à la société », afin que la forêt domaniale apporte sa contribution à ce louable dessein. 

 

L’on sait combien cette activité de fourniture « du bois à la société » pêche par une litanie de travers divers et variés – volumes excessifs, coupes rases, méthodes et matériels, privatisation rampante de fait et de plus en plus assumée, rapports avec les sociétés d’exploitation, etc.

 

L’on pourrait s’attendre à ce que les forêts domaniales – ne couvrant que 2,76 % du territoire métropolitain français et à peine 9 % de la superficie forestière totale métropolitaine (en 2021) et seulement 0,66 % de la superficie de la Loire-Atlantique où toutes les forêts ne représentent que 9 % du territoire – soient laissées largement en dehors des enjeux d’exploitation forestière, au regard de la faiblesse manifeste de ces superficies et de l’importance majeure, toujours plus prégnante, des enjeux de biodiversité et d’accueil du public.

 

Il n’en est manifestement rien, même dans l’Ouest de la France où les superficies sont encore plus réduites qu’ailleurs, même en Loire-Atlantique où il n’existe qu’une seule forêt véritable, une seule forêt domaniale, de  « seulement » 4500 hectares. C’est bien l’exploitation qui prime, encore et toujours. En dépit de tous les discours, de toutes les affirmations du contraire, pour la com’. Combien de temps faudra-t-il donc encore attendre avant que l’ONF ne prenne toute la mesure de ses incohérences et inverse résolument son sens des priorités ?

 

Alors, bien sûr, l'on peut tenter de se rassurer en se disant que le grand virage vers l'indispensable généralisation de la gestion en futaie irrégulière – garante d’un couvert permanent, d’une biodiversité maintenue, d’un accueil digne des attentes légitimes des populations – a été pris dans certaines forêts domaniales, et que cela commence à se voir.

 

C’est justement censé être le cas dans les cinquante forêts domaniales d’Ile-de-France, des forêts périurbaines      où l’ONF a fini par comprendre qu’il n’est plus gérable de... gérer comme avant, comme ailleurs (comme dans ces « autres territoires, aux attentes sociétales différentes, [où] d’autres techniques sylvicoles seront privilégiées »… !!!). L’appel du 21/03/22 lancé par le collectif évoqué plus haut montre que l’on est encore bien loin du compte et que l’ONF en prend trop à son aise, au prétexte que son action s’inscrit nécessairement dans le temps long de l’arbre.

 

Ce passage généralisé à la futaie irrégulière doit s'opérer aussi, et au plus vite, dans cette forêt du Gâvre qui a désormais toute légitimité pour être, elle aussi, considérée comme et gérée comme une forêt périurbaine. Le prochain plan d’Aménagement forestier devrait impérativement prendre en compte la nécessité de cette nouvelle donne. La nécessité, en particulier, de relever très significativement la superficie et donc le nombre des parcelles en sénescence et en vieillissement.

 

Encore faut-il, pour ce faire, qu’il reste en forêt du Gâvre du vieux bois à préserver – aux Chêtelons, au Parcours de Santé, au Pilier, et ailleurs… Il conviendrait que cela passe, dans les meilleurs délais (et sans attendre 2027), par un amendement en bonne et due forme de la Révision de l’Aménagement forestier en vigueur (comme en 2017). C’est possible et nécessaire.

L’irréparable doit être évité. Il est attendu des gestionnaires modération et clairvoyance, afin que leurs actes soient à la hauteur des attentes profondes des populations comme des élus qui les représentent et qui sauront certainement à l’avenir se montrer, eux aussi, de plus en plus attentifs à l’évolution de cette forêt domaniale dans le sens des meilleures exigences en matière d’enjeux environnementaux, d’intérêt général et de gouvernance publique.

Forêts françaises, en quête d'avenir 

 

Dans ce documentaire, fort bien construit, qui fait le point sur la question, l’on suit Camille Geoffray au fil de son enquête. A son collègue la tâche, notamment, d’assister à la grand-messe annuelle de la filière bois, où les grosses coopératives forestières donnent à voir les méthodes en vogue et les matériels dernier cri, et surtout affichent, sans complexe, leur foi dans le productivisme triomphant (voir ci-après les propos d’un important dirigeant). Et où l’on voit d’ailleurs Canopée ne pas hésiter à apporter un petit grain de zizanie !

Camille Geoffray, pour sa part, a la bonne idée d’aller interviewer Max Bruciamacchie, ingénieur et enseignant-chercheur à AgroParisTech, qui apporte un contrepoint scientifique bienvenu et remet les choses en perspective.

 

Extraits :

 

« Le problème de la forêt française, ce n’est pas sa surexploitation, c’est sa sous-exploitation. (…) La forêt française n’a jamais autant besoin de l’homme que dans les cinquante prochaines années. La forêt française ne pourrait pas réagir au changement climatique qui va beaucoup trop vite pour qu’elle s’adapte naturellement. (…) On est dans l’action, on n’est pas dans la contemplation. » Dixit Stéphane Vieban, Directeur général d’Alliance Forêts Bois, la plus importante coopérative forestière de France [40 000 adhérents] dans cette très rigoureuse et éclairante contribution au débat qu’est le documentaire LCP « Forêts françaises, en quête d’avenir ».

 

Même s’il s’agit pour M. Vieban de « prêcher pour sa paroisse », en plein salon forestier, voilà des propos bien définitifs, des certitudes assénées avec une suffisance qui laisse songeur…

Verbatim des propos de Max Bruciamacchie dans le doc de LCP :

 

De l’essence miracle salvatrice

Cette notion d’urgence, de risque, par exemple par rapport au changement climatique, il faut relativiser par rapport à ça. Il y a souvent un argument qui est de dire il faut tout changer, parce que si on ne s’y prend pas maintenant, demain ce sera trop tard. Cette inquiétude, elle ne doit pas servir de prétexte à une augmentation de l’artificialisation de la forêt.

Journaliste : vous entendez par là une vision simpliste, tout enlever, repartir à zéro, en pensant que ce sera mieux plus tard ?

Trouver une essence, c’est ça, oui, cette fameuse essence miracle qui sera adaptée au climat futur tout en étant adaptée à tous les climats qui vont intervenir avant d’arriver au climat futur, qui va être bien adaptée à l’introduction dans l’écosystème, qui ne pas trop perturber l’écosystème, cette fameuse essence miracle que tout le monde cherche, et qui n’a pas de sens, quoi !

 

De la futaie irrégulière

La sylviculture à couvert continu, son principe, c’est une approche par arbre. Il y a différents types de sylviculture, on peut les regrouper en deux gros paquets. Celles qui ont une approche par arbre, et celles qui ont une approche par surface. Quand vous avez une approche par arbre vous décidez arbre par arbre. Donc vous êtes beaucoup plus dans la variabilité. Ce qui caractérise un écosystème, c’est la variabilité des essences, des qualités, des dimensions, des capacités de réaction…

Il ne faut pas oublier que, souvent, un faible pourcentage de volume assure l’essentiel de la récolte financière d’une propriété. C’est-à-dire qu’il s’agit de bien choisir les arbres auxquels on va donner une fonction financière importante, et puis à côté les autres ont des tas d’autres fonctions. Les mélanges d’essences, c’est bon pour la régénération des autres essences, il y a des tas de choses qui se passent en forêt que l’on pourrait utiliser, et quand on fait ça, on n’a pas besoin que tous les arbres jouent le même rôle.

Et puis, si vous gérez par arbre, si vous vous trompez, c’est plus facile à cicatriser. Vous voyez, vous avez fait un choix, mais qui est local. Quand vous gérez par surface, vous faites des choix qui vous engagent beaucoup plus fort.

Là, par exemple, on a eu des années un peu compliquées, 2018, 2019, 2020. Des années chaudes… Supposons que vous avez planté des arbres en 2018, les jeunes plants, vous êtes obligés de les replanter, à 100 %, vous êtes obligé de recommencer le boulot. Donc vous l’avez fait en 2018, vous le refaites en 2019, vous le refaites en 2020. Vous voyez, vous augmentez les problèmes.

Si vous avez introduit quelques plants dans une forêt, il y a cette fonction microclimatique, cette humidité relative qui fait que les jeunes, eh bien, ils vont plus facilement supporter les années un peu difficiles.

 

Des effets des subventions

Il y a toujours des effets pervers aux subventions. Si, par exemple, vous subventionnez plus des plantations sur des grandes surfaces, vous allez dans le sens de l’augmentation de  l’artificialisation de la forêt. Et je trouve ça dommage… Après, il faut voir les modalités pratiques. Est-ce que j’interviens sur des surfaces plus grandes, en plein, ou est-ce que j’interviens ponctuellement. Si j’interviens ponctuellement, je vais pouvoir intervenir globalement : localement ce sera sur des surfaces plus petites, mais je vais pouvoir intervenir sur une plus grosse surface. On a une difficulté, c’est que souvent les choix qui sont faits sont faits par rapport à la facilité de contrôler l’argent public. C’est plus facile de contrôler une parcelle de 10 hectares, en une seule fois, que d’aller contrôler sur 1000 hectares des points d’appui à droite et à gauche. Est-ce qu’ils ont vraiment été faits, vous comprenez le truc. On peut avoir cette facilité du contrôle qui devient primordial par rapport à ce que ça peut apporter derrière. Vous avez aussi des aides sur les travaux. Vous avez une aide sur les travaux qui va vous inciter à faire des travaux. Vous voyez, vous allez aider ceux qui ont fait une gestion plus artificielle. Donc, c’est ça quand je parle des effets pervers des subventions, c’est de regarder dans le mécanisme à quoi ça conduit.

 

(voir ICI les effets pervers du plan gouvernemental actuel de relance forestière qui conduit surtout à financer massivement davantage encore de coupes rases et de plantations de résineux en monoculture)

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L’ETE DE TOUS LES DANGERS POUR LA FORET DU GAVRE

 

 

L’été 2022 restera comme celui où les incendies ont fait leur grand retour dans les forêts françaises (pour ne parler que de celles de notre pays). Les forêts – mais aussi les landes, les cultures, etc. – ont brûlé comme jamais depuis les années soixante-dix.

 

Fort heureusement, les dispositifs de lutte incendie ont considérablement progressé depuis cette époque – un progrès à la mesure des traumatismes alors vécus et des leçons tirées – afin de prévenir et combattre plus efficacement ces désastres, que ce soit en termes de moyens, de méthodes, d’organisation.

 

L’on a bien compris que les moyens financiers, matériels, humains, organisationnels ainsi déployés, aussi importants et efficaces soient-ils, doivent désormais faire face à un danger nouveau (quand bien même les esprits les plus clairvoyants en parlaient depuis bien longtemps) : celui du réchauffement climatique.

 

Le renforcement de tous ces moyens et la nécessité de leur adaptation aux nouveaux défis que posent ces questions cruciales de changement climatique,  de sécheresse, de décarbonation et d’utilisation de ressources renouvelables sont plus que jamais d’actualité.

 

Si l’Ouest de la France pouvait se considérer largement à l’abri des nombreux problèmes qui découlent de cette situation drastiquement nouvelle – elle-même indissociable des problèmes touchant à la biodiversité –, l’on a bien compris qu’il n’en est rien, que ce n’est plus le cas, même si les perspectives restent tout de même globalement moins sombres que dans bien d’autres régions.

 

Compter sur les actions de prévention… et sur la chance

 

Quoi qu’il en soit, l’on a bien constaté, avec le plus grand des soulagements, que, pour sa part, la forêt du Gâvre n’a pas flambé, n’a pas connu de sinistre. Il est évidemment à espérer que cela perdure, été après été, en ayant bien conscience, cependant, qu’en pareille matière, le facteur chance pèse lourd. Les concours de circonstances malheureux existent, et l’acte malintentionné d’un quelconque pyromane reste toujours du domaine du possible.

 

C’est bien ce facteur chance que Presse Océan a souhaité souligner dans son article du 6 septembre 2022 où un premier bilan de l’été, sous l’angle des risques incendie en forêt du Gâvre, a été dressé avec le concours de Nicolas Jannault, interviewé en tant que Directeur régional de l’ONF (devenu pour le journaliste l’Office national du bois,  par une sorte de lapsus fort révélateur de la primauté de l’exploitation de « l’usine à bois » sur toute autre considération !) : « Un coup de chance ? » (PO), «…le risque zéro n’existe pas, il faut aussi avoir de la chance » (dixit N.J. en conclusion).

 

Mais (faut-il s’en étonner ?!) cet article met également en avant le rôle joué « plus sûrement » par « les travaux d’aménagement, d’entretien et les actions de prévention menés toute l’année » [par l’ONF].

 

Si le « patron régional » de l’ONF salue, en matière de prévention, le précieux concours apporté tout au long de l’année par les gendarmes aussi bien que par les sapeurs-pompiers qui s’entraînent régulièrement en forêt, et s’il souligne combien la chance compte, il n’oublie pas pour autant de « prêcher pour sa paroisse » et de rappeler le bon travail effectué par l’ONF – l’on apprend ainsi qu’il est fait « beaucoup de pédagogie » pendant les tournées des agents (dont acte, même si d’aucuns seraient parfois plus tentés de retenir la propension de tel ou tel à la contredanse plutôt qu’au discours pédagogique…).

 

Outre la sensibilisation des promeneurs, il y a aussi la fauche pratiquée sur les bords des routes et des chemins du massif « avant chaque 1er juillet ». Et également, lors des épisodes aigus de canicule, « lorsque le risque devient     « très sévère » », la limitation  des travaux forestiers aux heures de matinée, voire leur interdiction totale toute la journée. Et l’on sait que, cet été 2022, le préfet de Loire-Atlantique a même fini par aller au-delà de cette                « autolimitation » de l’ONF en interdisant l’accès à vingt-six forêts du département, forêt domaniale du Gâvre incluse, entre midi et cinq heures du matin au sommet de l’épisode caniculaire (soit du 6 au 12 août) (voir ICI l’arrêté).

 

De plus, il n’y a pas lieu de minorer la pertinence et l’efficacité des tournées de surveillance menées par les agents de l’ONF, des communications qui ont pu être faites pour appeler le grand public et les usagers à la prudence et aux bons comportements, du travail de veille effectué, et des liaisons assurées tant avec le SDIS (Service départemental d’incendie et de secours) qu’avec la préfecture.

 

Bref, « on essaie de réduire le risque incendie au maximum », même si « le risque zéro n’existe pas ».

 

Ne pas sacrifier, pour autant, la biodiversité

 

Attention, cependant, à ne pas laisser de côté de manière par trop rapide et commode la préservation de la biodiversité au nom de la prévention des incendies. De même qu’il n’est pas bon de procéder à une taille estivale des haies alors que la saison de nidification de nombreuses espèces – aux effectifs de plus en plus souvent déclinants ou fragiles – n’est pas encore achevée, il n’est pas souhaitable, non plus, de procéder à des coupes trop précoces et trop rases des bords de route en forêt, ce qui ne peut qu’avoir pour conséquence désastreuse de mettre à mal certaines de ces espèces botaniques et animales qu’il importe justement de préserver et protéger.

 

Dans le même ordre d’idées, si l’on suit bien la logique avancée par certaines sphères, afin de prévenir les incendies, en particulier dans les régions les plus à risques et au vu des événements de l’été 2022, il faudrait désormais tellement systématiser et pousser loin le débroussaillage des bois et forêts – bien loin en tout cas d’une approche  « raisonnée et raisonnable » – qu’au final ces boisements ressembleraient certainement (encore) plus à des plantations qu’à des forêts, selon une logique de type usine à bois qui, d’évidence, en dépit de tous les beaux discours, ne fait pas grand cas de la biodiversité et qui se fiche éperdument que le dernier Indice Planète Vivante (IPV, publié le 13/10/22) du WWF indique un déclin de… 69 % des populations mondiales d’oiseaux, de poissons, de mammifères, d’amphibiens et de reptiles entre 1970 et 2018 (un recul d’encore 1 % par rapport à l’indice de 2020, ce qui est énorme, et l’on en est à un recul de 10 % en 10 ans...).

 

Il est d’ailleurs à préciser que des études scientifiques ont désormais mis en évidence que le fait de trop nettoyer les sols forestiers et de trop les expurger de leurs matières mortes et  en décomposition aurait en vérité un effet contraire, contreproductif,  dans la lutte contre les sécheresses et les incendies en réduisant la quantité d’humus et en affectant la capacité de rétention de l’humidité.

 

Quoi qu’il en soit, comme le précise en début d’article M. Jannault, le massif du Gâvre a pour lui une moindre sensibilité que d’autres aux départs de feu qui s’explique par un ratio feuillus/résineux  de 60/40, les chênes étant donc encore relativement prédominants dans cette forêt ; ainsi que par des sols limoneux plutôt que sableux, qui retiennent davantage l’eau (que ne le font, par exemple, les sols de Gironde et des Landes), des sols qui sont par conséquent plus frais, une fraîcheur confortée par la proximité du littoral, de sorte qu’au final l’effet de sécheresse tend à se faire sentir plus tardivement.

 

Voilà des éléments dont il convient de se féliciter, sur lesquels l’homme a certes peu de prise, mais qui offrent de meilleures chances de succès aux diverses mesures et méthodes d’action évoquées plus haut (ONF, gendarmerie, pompiers, préfecture…).

 

Cependant, si l’ONF entend la jouer modeste (encore une fois, « le risque zéro n’existe pas : il faut aussi avoir de la chance. »), il donne tout de même à penser au lecteur que tout est fait de ce qu’il est possible de faire pour déjouer les risques d’incendie.

 

Pare-feu et résineux

 

C’est oublier que lorsque les incendies faisaient rage à travers la France, les pare-feu répartis en forêt du Gâvre étaient loin d’être dans un état d’entretien satisfaisant, voire présentaient un manque d’entretien flagrant (étant entendu que ces zones coupe-feu ne sont jamais qu’un élément de la lutte incendie…). Et que, d’autre part, le sol de bien des parcelles restait fortement encombré par le bois résultant des coupes et laissé en l’état, qu’il s’agisse des branchages ou même de troncs.

 

C’est oublier surtout que 40 % de résineux (seulement ?!) dans cette forêt, cela fait tout de même beaucoup, beaucoup d’arbres nettement plus inflammables que les feuillus, d’autant que bien des parcelles sont de fait en tout-résineux. S’il est entendu que l’ONF ne prévoit pas un enrésinement massif de la forêt du Gâvre, il convient néanmoins de rappeler que les résineux n’ont cessé d’y progresser (la pauvreté des sols dans les secteurs où étaient situées les anciennes landes en forêt  – un sujet sur lequel nous aurons l’occasion de revenir – est une explication, mais n’explique pas tout…) et que l’ONF s’évertue encore et toujours à en planter et en faire pousser dans de nombreuses parcelles dites en régénération – appliquant imperturbablement son plan d’Aménagement forestier qui courre jusqu’en 2027 et inscrivant toujours nettement son action et ses méthodes dans le cadre d’une l’industrie forestière française qui est très largement acquise à une exploitation à tout crin du résineux et sous l’emprise pernicieuse des grosses coopératives forestières.

 

Précisons au passage que les landes ne flambent pas exactement de la même manière et avec les mêmes effets que les boisements de résineux et qu’elles présentent, de toute façon, un bien plus grand intérêt en termes de biodiversité.

 

Les AFG en alerte

 

Forts de ces constats, les Amis de la Forêt du Gâvre ne pouvaient évidemment pas restés indifférents à cette situation des plus alarmantes, conscients du fait qu’il ne s’agit là, en plus, selon toutes probabilités, que d’un avant-goût de ce qui attend les forêts en général et cette forêt en particulier, ne serait-ce qu’à l’horizon 2030 ou 2040. Les AFG ont donc fait part de leurs préoccupations et de leurs interrogations auprès de qui de droit.

 

Rappelons ici, à toutes fins utiles et notamment pour celles et ceux qui pourraient avoir quelques interrogations, que, naturellement, les AFG ne médiatisent pas systématiquement la totalité de leurs initiatives, actions et autres contacts (tout particulièrement auprès des communes et des élus), car il est souvent plus opportun et efficace de travailler également, au moins jusqu’à un certain stade, dans une relative discrétion.

 

L’on est tenté de dire que, au cœur de la canicule estivale et face à une situation de plus en plus stressante, l’échauffement ne fut pas que dans la nature, mais également dans les esprits… !

 

Quoi qu’il en soit, le dialogue a pu s’opérer et les échanges ont été raisonnablement instructifs et fructueux, au travers notamment d’une réunion entre le directeur régional de l’ONF, Nicolas Jannault, le maire de la commune du Gâvre et conseiller départemental, Nicolas Oudaert, et notre coprésident, Jean-Louis Potin.

 

Un ONF encore plus fragilisé et ses « solutions »

 

L’on conçoit aisément que l’ONF puisse commencer à se rendre compte que le changement climatique déroule désormais, à un rythme plus rapide que prévu, pour ne pas dire accéléré, les manifestations aigües telles que celles observées à l’été 2022 (sans parler du printemps et de l’automne). Voilà qui ne peut qu’être source de graves inquiétudes pour l’institution et pour ses personnels, non seulement s’agissant de la survie immédiate des forêts gérées par l’ONF, domaniales ou non, mais également et surtout de leur pérennité même – et de celle de l’ONF. Le  « modèle économique » de l’ONF se retrouve encore plus vacillant, sous pression. Et il est clair que des remises en cause de certaines méthodes sont à l’ordre du jour et doivent urgemment s’appliquer.

 

Nous aurons l’occasion d’y revenir encore et encore, mais bien évidemment, il s’agit tout particulièrement de s’engager résolument – en y mettant les moyens et en pensant moins vente de bois, chiffre d’affaires, rentabilité à court terme, plantation de résineux – dans une gestion raisonnée des massifs et des parcelles, laquelle passe par une diversité des essences, des strates et des âges dans une même parcelle, sans que jamais le sol ne se retrouve à nu dans le cadre infernal des cycles de régénération au long cours, avec leurs coupes rases.

 

Mais, pour ce faire, il faudrait déjà que les modestes efforts menés sur le terrain en faveur d’une gestion raisonnée ne soient pas mis à mal, comme cela a pu se faire, par des objectifs de coupe revus à la hausse obligeant au remarquage d’arbres dans les parcelles, et que l’on arrête de couper encore et toujours des feuillus qui, en plus, ne sont jamais replantés, et en tout cas pas en égale proportion.

 

Laisser faire la forêt…

 

Soulignons ici combien la solution intuitivement séduisante du recours à des espèces « exotiques », plus méridionales et en principe mieux adaptées à la chaleur et au manque d’eau, ou encore du recours à des graines issues de peuplements français (de chênes et autres) plus méridionaux et mises en œuvre au moyen de diverses pépinières d’expérimentation et de (re)peuplement, constitue une solution qui comporte, en vérité, malgré tout, bien des travers et des effets indésirables.

 

Et comme le précise Max Bruciamacchie, ingénieur et enseignant-chercheur à AgroParisTech, dans le documentaire de Camille Geoffray Forêts françaises, en quête d'avenir (2022, 52 mn, LCP), en contrepoint aux propos affligeants (pour ne pas dire autre chose) des tenants d’une sylviculture productiviste sans frein :

« Trouver une essence, cette fameuse essence miracle qui sera adaptée au climat futur tout en étant adaptée à tous les climats qui vont intervenir avant d’arriver au climat futur, qui va être bien adaptée à l’introduction dans l’écosystème, qui ne va pas trop perturber l’écosystème, cette fameuse essence miracle que tout le monde cherche, [cela] n’a pas de sens. »

 

La meilleure solution – relativement contre-intuitive, mais confortée par les plus récentes recherches scientifiques – reste encore, avant tout, de tout faire pour renforcer les peuplements de feuillus existants, leur « faciliter la vie », compte tenu de la manière dont une vraie forêt digne de ce nom fonctionne et dont les arbres interagissent entre eux.

 

Sans élaborer plus avant ici et pour reprendre simplement le sous-titre du livre La promesse des arbres, de Peter Wohlleben : « Comment la forêt nous sauvera si nous la laissons faire »…

 

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Si le plan macronien dévoilé le 28/10/22, avec son milliard d’arbres à planter et sa « stratégie nouvelle », est bien dans la ligne de ce qui avait été annoncé sur place, en Gironde, le 20/07/22 (grand chantier national, etc. ), il puise clairement une bonne part de son inspiration dans les méthodes malavisées, qui ne laissent pas d’inquiéter, d’une sylviculture productiviste tellement éloignée de cette sylviculture à couvert continu qui préfère résolument la gestion en futaie irrégulière à une gestion en futaie régulière, laquelle débouche immanquablement sur les coupes rases et privilégie encore et toujours, hélas, une approche par surface à une approche par arbre.

 

https://www.nouvelobs.com/politique/20221028.OBS65245/plantation-d-arbres-nouveaux-canadairs-le-plan-a-150-millions-d-euros-de-macron-pour-la-foret.html

Argumentaire
Incendies été 2022

RETOUR SUR LE

Communiqué ONF du 26/05/22

(« Forêt domaniale du Gâvre - Mise au point de l’ONF ») 

POUR DECONSTRUIRE LE DISCOURS ET

NE PAS S'EN LAISSER COMPTER !

 

 

La Direction territoriale des Pays de la Loire a considéré qu’elle se devait de réagir à notre manifestation du 22/05/22, par delà les propos qu’elle a pu exprimer à cette occasion dans les différents médias d’information (articles, reportages), par un communiqué officiel en bonne et due forme, intitulé « Forêt domaniale du Gâvre, mise au point de l’ONF » (nom du PDF : « Mise au point sur la gestion de l'ONF en Fd Gâvre »).

 

Preuve que notre action ne laisse pas indifférent un ONF qui n’en finit plus de déclencher des contre-feux et d’essayer de mettre en place des pare-feu face au flot incessant des critiques – internes et externes – qui ne cesse de dégrader son image et de saper sa parole.

 

Soyons gré à l’ONF de conserver encore, pour l’heure, suffisamment d’ADN administratif et public pour savoir rester dans une relative neutralité de l’expression, empruntant à un registre de modération et de mesure, de sorte qu’il s’agit de répondre à nos « affirmations » (comprendre, bien sûr, erronées et inexactes, mais du moins point ouvertement qualifiées d’inexactitudes, d’erreurs, de fariboles, inepties ou autres mensonges grossiers…). Donc, face à ces « affirmations », il fallait que l'ONF porte au plus vite à la connaissance du public ces importants éléments factuels qui avaient si curieusement échappé aux Amis de la Forêt du Gâvre (sauf à les avoir délibérément omis…).

 

Nous avons donc droit à un exercice d’autojustification assurant le déroulé de la ligne officielle au fil de cinq parties qui visent principalement à nous répondre point par point concernant les quatre parcelles dont la gestion est plus particulièrement mise en cause et qui suscite de notre part critiques et inquiétudes.

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Partie 1 :

parcelle 120

Partie 1 : parcelle 120

 

Notre manifestation s'est tenue au Parcours de Santé et avait en ligne de mire cette parcelle 120 sur laquelle il est implanté. C’est donc par cette parcelle que le  communiqué commence, non sans choisir comme élément d’illustration un cliché de concert en forêt à l’occasion des Rendez-vous de l’Erdre. Un choix tout sauf innocent puisque, quoique non précisé, ce concert s’était justement tenu à ce même Parcours de Santé.

 

Et l’on ne peut que se souvenir, également, que c’est sur ce même lieu que l’ONF avait déjà jeté son dévolu afin   qu’il serve d’écrin à son opération de communication Un œil en forêt (oct-nov 2020), d’inspiration naturaliste, qui entendait célébrer ostensiblement la biodiversité de ce massif forestier du Gâvre par des photos XXL d’animaux forestiers disposées in situ.

 

Comment ne pas rester sidéré et plus que songeur face à cette démarche contradictoire de l’ONF qui consiste,   d’une part, à recourir très volontiers au Parcours de Santé pour valoriser ses initiatives en matière de biodiversité  et d’accueil du public, ou plutôt de com’ grand public, et, d’autre part, à afficher sa volonté de réduire à néant ce même parcours, que ce soit par son transfert ou par ce que l’ONF compte y faire ensuite ?

La lecture du paragraphe dévolu à cette parcelle dans le communiqué devrait avoir tout lieu de nous rassurer, du moins de nous rasséréner quelque peu (c’est son but !) :

 

Etude de tous les équipements d’accueil du public, afin :

a) de faire un état des lieux des « pratiques de découverte » de la forêt,

b) d’identifier les sites qui ont besoin d’entretien.

Insistance sur le « schéma d’accueil » à mener en concertation avec les élus et les associations d’usagers.

Et surtout bien noter qu’« aucune décision n’est donc prise » concernant ce fameux « vrai-faux » déplacement. De toute façon, l’on peut dormir tranquille : cet aménagement « fera l’objet de discussions », et – tenez-vous bien – c’est ce qui se fait pour « tous les autres équipements de la forêt ».

 

Comme si ces discussions et autres concertations devaient (pouvaient) nécessairement conduire à renoncer à ce projet. Manière de déminer, de faire de la gestion de crise, et exercice de com‘ en trompe-l’œil qui insiste lourdement sur le nouveau concept du moment que l’ONF entend agiter, celui du « Schéma d’accueil ». Manière d’essayer de redorer autant que faire se peut son image et d’apaiser les interlocuteurs avec qui il doit composer – élus (il y a le Conseil départemental, la Communauté de Communes, le Comité de Tourisme Erdre Canal Forêt…) et associations d’usagers. La politique d’accueil du public, notamment telle qu’elle doit être mise en oeuvre à travers le schéma d’accueil, c’est désormais du sérieux, du lourd, fini le temps du bricolage et des premières expérimentations. Elle est devenue une composante essentielle dans la stratégie de l’ONF pour contrecarrer la dégradation inquiétante de son image et l’hostilité grandissante à l’égard de ses pratiques forestières, particulièrement dans les forêts périurbaines, tout en escomptant préserver le plus possible sa liberté d’action dans ses « fiefs » des grandes régions forestières – à propos desquelles l’ONF s’autorisait à dire, dans un autre communiqué de 2017, que dans ces « autres territoires, aux attentes sociétales différentes, d’autres techniques sylvicoles seront privilégiées ». L’on comprend ce que cela veut dire.

 

C’est ainsi que cet aimable paragraphe est complété :

a) d’un petit tableau synoptique qui rappelle combien l’ONF se démène pour accueillir son public : 6 sentiers   balisés, dont 1 GR de Pays, 4 aires principales d’accueil, 3 balades connectées gratuites ;

b) d’un « calendrier pour la mise en place du schéma d’accueil » sur un an, d’un comité de massif au suivant qui verra le lancement de la fameuse « concertation », puisqu’on aura alors trouvé les sous auprès des nécessaires financeurs (Pays de Blain Communauté…). A noter au passage que la « présentation des grandes étapes de la démarche » à la ComCom a eu lieu le 17 mai, cette même semaine qui s'est terminée par la manifestation des AFG.

 

Mais, au fait, à force de parler accueil, discussions et concertation, voilà que l’on allait oublier l’essentiel… les  arbres ! Ces arbres que, n’en doutons pas, l’ONF entend bien exploiter, vendre, faire abattre et tronçonner, ces  beaux futs à l’insolente maturité qui n’attendent plus que le moment de se faire zigouiller, puisqu’ils n’ont jamais valu aussi cher et que le plan d’Aménagement Forestier exige désormais qu’ils y passent !

 

A preuve, ces cartes figurant dans le PowerPoint du Comité de Massif d’octobre 2021 qui montrent bien que l’on  veut mener à son terme la « régénération » de cette parcelle 120, laquelle se divise en 120a (régénération récente, moins de 3 m) et 120b : une partie en « coupe définitive récente », une autre en « 3e secondaire en 2020 » et une troisième avec le « parcours sportif/promenade ».

Trois scénarii sont proposés pour cette parcelle et le « parcours sportif/promenade ».

Le n° 2 revient à moduler légèrement le n°1, avec les mêmes « éclaircies fortes en bordure de parcelles » 100, 106 et 119, comme suit :

- 4,1 ha à régénérer dans 3/5 ans, réduits à 2,3 ha dans l’option n° 2 ;

- 4,5 ha (le long de l’allée du Coudraie) à régénérer dans 12/15 ans, réduits à  3,1 ha dans l‘option n° 2 ;

Avec, dans cette option n° 2, création d’une troisième zone centrale, longeant la précédente, de 3,3 ha à régénérer dès que possible.

(soit 4,1 + 4,5 = 8,6 ha ou bien 2,3 + 3,1 + 3,3  = 8,6 ha)

 

Mais, « fort heureusement », le scénario 3 est là pour calmer nos angoisses : « une régénération progressive sur 20 ans » qui « permettrait de réduire significativement l’impact paysager de la régénération et de préserver la zone d’accueil représentée par le sentier sportif. Les enjeux sociaux du site pourraient justifier cette forme de                  « transition douce ». Ouf !

 

Comme « environ 60 % de la surface de la zone à régénérer est actuellement couverte de semis entre 1 et 3 m de hauteur » (la seule zone 120a, l’on présume ?), « les arbres à récolter pourraient faire l’objet de prélèvements à intervalles réguliers, par exemple tous les ans, sur une période d’une vingtaine d’années, en intervenant prioritairement dans les secteurs les plus riches en semis. »

 

De quoi nous parle-t-on là, en vérité ? D’une sorte d’exploitation en futaie irrégulière (cette approche qui permet d’assurer en permanence une réelle couverture du sol, etc.) ? Sur vingt ans seulement ? L’on reste pour l'heure trop dans le flou et l'alambiqué (d’autant qu’aucune carte ne vient expliciter cette solution 3). Il n’est pas dit que  des/les arbres ne seront pas coupés dans la zone du Parcours de Santé. Et les arbres y sont déjà relativement espacés, de sorte qu’une exploitation des autres zones ne pourra que la fragiliser encore davantage lors des tempêtes et coups de vent, et sans qu’il soit vraiment redonné à l’ensemble l’aspect paysager d’une vraie forêt.

 

Mais surtout, c’est bien de « régénération » que l’on nous parle là. L'ONF « ne lâche pas l’affaire » et tient à exploiter sa parcelle, et non à la vouer une fois pour toutes à l’accueil du public, à la préservation des espèces, à la création d’un îlot de vieillissement. L’on est à deux pas du Rond-point de l’Etoile, en quelque sorte à l’endroit le    plus névralgique du massif, là où les enjeux d’accueil du public sont de fait les plus aigus, et l’ONF ne trouve rien    de mieux à faire que de vouloir encore et encore exploiter cette parcelle 120 – puisque c’est prévu comme ça et qu’on a déjà commencé avec tous ces semis !

 

Ah, ce joli mot de « régénération », si plein de belles promesses d’un avenir rallongé à souhait, d’une durabilité vigoureuse et épanouie ! Un mot qui va de pair avec cet autre terme très apprécié de l’ONF et des exploitants forestiers, celui de « renouvellement », autre euphémisme, trop souvent employé pour parler de coupes rases,    d’une forêt mise en coupe réglée.

 

L’on reste, pour le massif du Gâvre, en attente de cette nouvelle donne que devrait lui accorder urgemment une légitime reconnaissance de son caractère périurbain. Et cela doit commencer par une réelle et sincère remise à plat de la gestion de la parcelle 120 qui ne fait, rappelons-le, que 8,6 ha dans sa totalité !

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Partie 2 :

parcelles 32, 33, 34, 35

Partie 2 : parcelles 32, 33, 34, 35

 

De la parcelle 120, le communiqué passe ensuite aux parcelles 32, 33, 34, 35, autrement dit au secteur du Pilier. L’ONF admet d’entrée de jeu qu’il s’agit là de la partie la plus ancienne de la forêt, et que c’est bien là que l’on trouve les arbres les plus vieux. Témoins du temps jadis où l’exploitation se faisait par canton (= grand quartier). L’on peut toujours se reporter ICI pour se faire une idée plus précise de la forêt d’autrefois à travers le récit   détaillé qu’en a fait Edouard Richer en… 1824. Il ne lui avait pas échappé à l’époque que le nord de la forêt en constituait la partie la plus sauvage.

 

Après quoi, il s’agit pour l'ONF de démontrer en trois points ce qu’il faut faire et ce qui sera fait pour… renouveler. Censément avec bon sens, mesure, savoir-faire. Un savoir-faire qui entend s’inscrire dans le droit fil des forestiers d’autrefois qui avaient eux-mêmes déjà le sens du renouvellement. Sauf que désormais, l’on n’en est plus à travailler par canton et qu’il faut même « casser », rien de moins, cette « gestion passée par canton ». C’est, bien sûr, pour le   bien de la forêt puisqu’on va « ouvrir à la lumière » ces parcelles. De toute façon, il n’y a point d’inquiétudes inconsidérées à avoir, puisque ces coupes (point de lumière sans coupes, n’est-ce pas ?) « sont fragmentées en surface de 4 à 5 ha ».

 

Il faut bien comprendre, malheureusement, qu’il s’agit bien de coupes rases, avec tous les travers et désagréments que cela implique. Et que 4 à 5 ha, ce n’est pas rien. Surtout si l’on veut bien considérer qu’il est des pays où, depuis longtemps, ces coupes sont interdites ou nettement mieux réglementées et limitées en surface, justement.

 

Ce que rappelle utilement cet article de Reporterre (du 15/06/20) :

« Les coupes rases ne sont en rien une fatalité. De nombreux pays ont décidé de les réglementer, voire de les interdire. Depuis 1902, la Suisse a banni les coupes rases de son pays. Dans une loi de 1991, elle précise que « les coupes rases et toutes les formes d’exploitation dont les effets pervers peuvent être assimilés à ceux des coupes rases sont inadmissibles ». En 1948, la Slovénie a suivi son exemple et rendu obligatoire « une sylviculture proche  de la nature ». Depuis 1975, l’Autriche soumet les coupes de plus de 0,5 hectare à une autorisation spéciale et interdit celles de plus de deux hectares. Plusieurs Länder d’Allemagne ont aussi imposé de fortes restrictions aux coupes rases.

En Lettonie, leur taille est régulée en fonction du type de sol. Sur sol sec, elle ne doit pas dépasser cinq hectares. Sur sol humide, la coupe se fait par bandes n’excédant pas cinquante mètres de largeur pour les sols tourbeux, et cent mètres pour les sols minéraux. Toutes ces politiques se veulent des réponses locales aux dégradations des écosystèmes forestiers.

À l’inverse, en France, la réglementation est assez permissive. Par exemple, l’article L124-6 du code forestier fixe  une obligation de reconstitution du peuplement au plus tard cinq ans après une coupe rase plutôt que de définir   une surface maximale à partir de laquelle les conséquences négatives des coupes rases seraient interdites. »            « Autrement dit, dans le code forestier actuel, la forêt n’est pas définie comme un écosystème vivant, mais plutôt comme un capital dont on souhaite assurer la capacité à fructifier », analyse l’association Canopée. Voilà qui a le mérite d’être clair.

 

Dans ces conditions, l’on ne peut se satisfaire de ces seules initiatives, assurément bienvenues, que le communiqué prend soin de détailler :

a) sortie de la parcelle 32 du « programme de renouvellement lors de la révision du document de gestion en 2017  afin de limiter au maximum [!!!] l’effet cumulatif des zones en régénération » [eh oui, décidément pas terribles pour le paysage forestier, toutes ces coupes rases qui s’accumulent…). Preuve, soit dit en passant, que quand on veut,  on peut : par exemple, amender en cours de route l’Aménagement forestier prévu sur 20 ans. Il faut continuer en    ce sens, et retirer toutes ces parcelles d’autant plus convoitées que ce sont les plus belles ! Notons tout de même que l’hallali de cette parcelle n’est que remis à plus tard, elle n’est pas définitivement sauvée…

b) « mise en place d’un îlot de sénescence de 1.7 ha (P32) » et « d’un îlot de vieillissement de 18.7 ha (P34/37) ». Faut-il encore rappeler que ces divers îlots ne représentent qu’une infime partie de la surface totale du massif (même pas un pour cent !) ? S’il est heureux que ces décisions aient été prises, l’on reste vraiment très loin du compte.

 

Et si le point a) visait à ne point trop chagriner le promeneur, le visiteur, l’usager à la vue de paysages trop défigurés, le point b), pour sa part, vise à « préserver la biodiversité associée aux vieux arbres ». Cette bonne action préservatrice ne doit pas faire oublier que la meilleure manière de préserver cette fameuse biodiversité et cette qualité paysagère incomparables des vieilles futaies reste encore, évidemment, de ne pas toucher à ces arbres, de respecter pleinement et entièrement leur statut de vénérables ancêtres. L’on ne doit pas se lasser de répéter que c’est bien dans ce type de forêt laissée à elle-même, de parcelles de vieux bois, que se trouvent le plus de biomasse, la plus grande diversité d’espèces, les espèces les plus rares et caractéristiques du milieu forestier, les écosystèmes et les biotopes les plus aboutis et complexes, mais aussi les plus fragiles. Et c’est dans ces arbres et dans ces sols que le volume de carbone stocké est le plus élevé.

 

Puisque ces mesures « conservatoires » ont été prises, n’a-t-on pas lieu de se réjouir ? N’est-ce pas l’esprit léger   et rasséréné  que l’on devrait accueillir les mesures en cours ? On vous le dit, cela fait déjà 10 ans, oui, une décennie entière – l'aviez-vous même remarqué ? – que ces « coupes ont débuté ». Encore dix ans à ce train paisible de sénateur, pour que le « miracle » s’accomplisse, quasiment sans douleur : « peu à peu les grands arbres vont laisser la place à une nouvelle génération ». La chance ! C’est la nature, l’effacement naturel des générations ! L’on aura enfin troqué nos grands arbres magnifiques, de 25, 30, 40 mètres de haut et plus, contre une nouvelle génération de riquiquis dont le destin n’a aucune chance de jouer les prolongations, entre réchauffement climatique et exploitation forestière à outrance.

 

Cet incroyable marché de dupes nous est vendu en forçant le trait sur cette notion de lumière qu’il faut absolument faire entrer dans la forêt. Il faut ouvrir « à la lumière des surfaces plus petites », « progressivement le forestier va faire entrer la lumière ». Il est attendu de cette injonction quasi-hygiéniste, garante d’une forêt donnée, sans cela, pour moribonde à brève échéance, qu’elle fasse grandir les semis naturels – naturels puisqu’on a laissé à dessein     « des semenciers en place » et que l’on prétend ne pas devoir recourir à des plantations, une pratique pourtant souvent utilisée pour espérer atteindre les objectifs de renouvellement après une coupe rase. 

 

Dans ce « meilleur des mondes » où le décideur forestier, tel le souverain éclairé d’autrefois, ne doute pas de ce qui convient le mieux à ses sujets, à son peuple d’arbres, l’on aurait vraiment tort de s’inquiéter et de s’offusquer d’une gestion qui ose ne trouver absolument rien à redire à la coupe de « la partie la plus ancienne de la forêt » !!!

 

Alors qu’au contraire le bon sens le plus élémentaire, au point où nous en sommes de notre évolution humaine et sociétale, voudrait que tout soit fait pour préserver ces trésors vivants, coûte que coûte.

 

Mais combien de fois faut-il nous le redire ? Des coupes progressives (progressives peut-être, mais rases assurément !), pour renouveler la forêt.

 

C’est-à-dire pour faire artificiellement et avec une lourdeur insigne ce que la Nature fait tout naturellement, en toute simplicité et en douceur : se renouveler à son rythme, au fil des clairières qui se forment lorsque de vieux arbres s’effondrent, sans que pour autant s’effondre la biodiversité en pareils lieux.

 

Quelle découverte ! Les forêts savent se renouveler toutes seules, et cela fait des millions d’années que ça dure…

 

En vérité, la seule logique qui prévaut ici est celle d’une production de bois à laquelle l’ONF et l’Etat n’entendent  pas déroger, alors que les vrais enjeux sont ailleurs.

 

Et c’est ainsi que l’on en arrive à ce qu’il faut bien considérer comme une sorte de culte, de religion, à laquelle il  faut se donner irrépressiblement et que l’on peut qualifier de variation forestière du « jeunisme » ! Et à nous  assurer, du coup, avec un optimisme soudain débordant : « les jeunes peuplements, une explosion de vie ! ». Le bel argument massue que voilà pour clore le sujet et plier le débat. Avec une roublardise confondante et sans vergogne, cette ultime manœuvre entend nous convaincre que c’est à ce prix, en agissant ainsi, en instaurant « jeunes peuplements, semis et fourrés » - là où, il est vrai, il n’y avait que de magnifiques futaies de géants multicentenaires (excusez du peu…) – que l’on va pouvoir obtenir une débauche de vie et de biodiversité. Car c’est là que                   « prospèrent 90 % des fleurs que l’on trouve dans les forêts, de nombreux papillons, des coléoptères, des oiseaux nicheurs (qui y construisent leur nid) et de grands animaux tels que les cerfs qui apprécient ces espaces plus ouverts. »

 

Il fallait oser prétendre que c’est là et en faisant ça que l’on obtient un aussi beau résultat qui devrait faire chaud au cœur de tous les naturalistes, des ornithologues aux entomologistes en passant par les botanistes. Au point que l’on se demande bien pourquoi l’on s’embête tant avec des îlots de sénescence ou de vieillissement !

 

Soulignons tout de même au passage que l’on parle bien d’îlots : ces surfaces sont déjà si réduites qu’il serait parfaitement ridicule et inadapté d’envisager un terme évocateur d’une superficie un tant soit peu plus étendue !

 

Il nous faut donc tout de suite faire un sort à cet argument en trompe-l’œil. Quoi de plus normal que, lorsque le cycle de la forêt recommence quelque part, l’on commence par retrouver le cortège renouvelé de toutes ces espèces des premières strates, celles qui recherchent et privilégient les milieux ouverts. Des espèces qui vont bientôt, à leur  tour, se faire moins dominantes, voire s’effacer, au fur et à mesure que les fourrés vont évoluer jusqu’à la futaie âgée et sa haute canopée. Tous ces phénomènes, obéissant aux lois de l’évolution et de l’écologie, nous sont désormais largement connus. Les biotopes se succèdent en hauteur et au fil du temps, et les cortèges d’espèces   qui leur sont inféodées font de même. Et c’est bien au terme de l’évolution de la forêt que l’on va trouver les  espèces les plus spécifiques des vieux bois, les plus caractéristiques de certaines niches. Celles qu’il importe de préserver avec le plus d’égard et d’attention.

 

Il est somme toute assez misérable et déplacé de faire valoir, par exemple, que 90 % des fleurs qui poussent en  forêt se trouvent dans les zones les plus dégagées et ensoleillées, à la végétation la plus basse (s'agissant de fleurs, le contraire serait plus qu’étonnant !). Il est autrement plus signifiant de savoir que telle ou telle espèce rare de coléoptère ne sera plus lorsque son habitat de vieux bois aura été abattu et éliminé, et que les quelques arbres-relais et îlots relictuels conservés ne peuvent lui assurer qu’une survie problématique.

 

Le comble est atteint (le cocasse le disputant au cynique) lorsque, au terme de cette partie, l’ONF se met à se féliciter de la prospérité ainsi apportée par ses bons soins forestiers aux « grands animaux tels que les cerfs qui apprécient ces espaces plus ouverts » ! L’on sait en effet combien l’ONF voit d’un mauvais œil ces mêmes cerfs et autres chevreuils qu’il n’a de cesser de (faire) pourchasser, voyant en eux, avec une véritable détestation, les pires ennemis de ses semis et jeunes peuplements (quand bien même, en fait, les problèmes tiennent généralement surtout aux modalités mêmes de ces peuplements…). L’ONF établit des plans de chasse tellement élevés et intensifs que :

a) ces beaux animaux, si emblématiques d’une vraie forêt, préfèrent trouver, une grande partie du temps,  tranquillité et salut en dehors d’une forêt domaniale largement désertée ;

b) les chasseurs eux-mêmes n’arrivent pas à atteindre tous les objectifs de chasse assignés, à tirer tous les  animaux prévus (!), au point que la mise en régie de la chasse pour atteindre lesdits objectifs est désormais envisagée (en tout cas, dans un certain nombre de forêts – ce qui vaudra toujours mieux, s’agissant de cet aspect de la chasse, que de laisser perdurer une chasse à courre d’une cruauté hors d’âge et plus que massivement rejetée par les Français…) ;

c) les amoureux et usagers de la forêt sont bien en peine d’observer le moindre cerf (sauf à avoir une chance digne d’un gros gagnant à quelque jeu de hasard).

 

Malheureusement, si on laisse l’ONF à ses démons, la situation n’est pas prête de changer, sinon en pire. L’ONF considère manifestement (lire ICI son argumentaire, aussi affligeant qu’inquiétant) qu’en dehors de la chasse il n’y  a point de salut pour lui, pour sa survie et pour ses objectifs productivistes. L’ONF se donne pieds et poings liés à   la chasse (en même temps qu’il instrumentalise les chasseurs, plus souvent qu’à leur tour ?). Et l’ONF d’asséner quelques formules-chocs pour bien faire passer le message :

 

La chasse, un prérequis pour planter les forêts de demain

 

Equilibre forêt-gibier, il est urgent d’agir

 

La chasse, seule solution envisageable pour les plantations

 

Une biodiversité forestière compromise

 

Vers la chasse en régie ?

 

L’Office national des forêts (ONF) explique pourquoi la chasse, une activité parfois incomprise du grand public, est nécessaire au renouvellement de la forêt.

 

Voilà pour ces « grands animaux tels que les cerfs qui apprécient ces espaces plus ouverts », dans ces « jeunes peuplements » qui offrent « une explosion de vie ! »

 

Où l’on voit clairement où sont les vraies priorités… certainement pas du côté de l’accueil du public et de la biodiversité !

 

Allons, l’on aurait vraiment tort de se faire du souci et de déprimer puisque « peu à peu les grands arbres vont laisser leur place à une nouvelle génération ». Tout va bien, alors ! Mais il va encore falloir patienter dix ans...

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Partie 3 :

parcelle 61

Partie 3 : parcelle 61

 

L’on en revient, avec la parcelle 61, dite des Chêtelons, à la question des îlots, en l’occurrence, ici, de vieillissement  (et non de sénescence). Autrement dit, bien qu’il s’agisse de l’une des plus belles et anciennes futaies du massif, sise en son point le plus élevé, et qu’elle est particulièrement appréciée par le public puisqu’« elle abrite un sentier très prisé » (raison avancée pour en avoir fait un îlot de vieillissement), il ne faut pas croire que l’ONF va pour autant laisser ces arbres magnifiques vivre en paix jusqu’à leur trépas naturel. L’on arrêtera les compteurs à un grand maximum de 250-270 ans. Il sera alors grand temps de monnayer les futs de ces géants et d’en finir avec  cette cathédrale vivante.

 

Mais il ne sera en fait point nécessaire d’attendre aussi longtemps. Car il n’est pas question que l’ONF voie sa responsabilité engagée par des arbres dont la santé chancelante entraînerait des risques d’accident. Et donc,           « lorsque ceux-ci commencent à dépérir et que les arbres peuvent représenter un danger pour les promeneurs, ils sont enlevés ».

 

La formule est sciemment laissée relativement vague, ce qui autorise toute coupe, tout prélèvement de ces arbres pour peu que l’on soupçonne ou allègue de quelconques maux liés à leur grand âge. Quand bien même de tels arbres peuvent vivre encore fort longtemps, même vieillissants, même affaiblis par telle ou telle affliction, tel ou tel parasite.

 

Il suffit, dès lors, de juger pertinente et nécessaire une coupe dite sanitaire  pour que le prélèvement s’opère. Pour que les arbres encore sains ou tout juste atteints soient sauvés… pour l’exploitation.

 

Peu importe que les gens n’aillent pas s’aventurer en forêt lorsque vient à s’abattre un gros coup de vent ou que se déchaîne une tempête. Ni que des arrêtés soient même pris autant que de besoin en préfecture pour mettre hors d’atteinte du danger potentiel les téméraires et les inconscients. Et il serait trop simple, certainement, de laisser  sur place, au sol, les branches ou les troncs incriminés qui ainsi pourraient continuer à faire oeuvre utile dans l’écosystème forestier en assurant le gîte et le couvert d’une foultitude d’êtres vivants au fil de leur lente décomposition. Car, même affaiblis, malades ou morts, les arbres ont toute leur place et leur utilité en forêt.

 

Mais le système de la coupe sanitaire ne s’embarrasse pas de ces subtilités et elle permet de forcer le trait si on le souhaite et de faire les choses dans les grandes largeurs en prélevant, ce faisant, à bon compte des arbres dont l’heure n’était normalement pas encore arrivée.

 

C’est ainsi que, dans une parcelle qui n’est déjà pas très étendue, quelque 127 arbres ont été prélevés, dont seule une minorité était réellement malades, soit un total d’arbres abattus et enlevés sensiblement plus important que  les 86 arbres originellement prévus et, du reste, revendiqués par l’ONF qui entend préciser que « pour évacuer les grumes, certaines ont été coupées en deux, afin de pouvoir être transportées plus facilement, le nombre de grumes est donc supérieur au nombre d’arbres coupés » (ce qui, en soi, serait assez révélateur de la taille de ces arbres vénérables…).

 

Aurions-nous donc eu la berlue ? Sommes-nous allés un peu vite en besogne ? Pourtant, le décompte a été fait   avec méthode sur le terrain, peu après l’abattage. Et quid de nos images vidéo ? Ces images existent bel et bien et  chacun peut se faire son opinion en visionnant notre reportage.

 

Pour tout savoir sur cette coupe sanitaire et ce qu’il convient de penser du communiqué publié par l’ONF pour justifier son opération, l’on peut se reporter utilement à notre dossier spécial Chêtelons et notamment à nos deux vidéos (ICI).

 

De toute façon, il aurait été étonnant qu’un ONF même bien intentionné ne se laisse pas les coudées franches. Ce texte de 2019 (relatif à la forêt de Marly en Ile-de-France) ne dit pas autre chose :

 

Conformément à l'aménagement forestier, document de gestion durable de la forêt, l'ONF procèdera à des coupes nécessaires sur plusieurs parcelles de la forêt de Marly.

Différents types de coupes sont prévus :

  • les coupes de régénération : elles consistent à exploiter les arbres désignés par le forestier afin de mettre en lumière les sols et permettre aux jeunes semis de se développer

  • les coupes d'amélioration vont permettre d'éclaircir les peuplements trop denses et exploiter les arbres moins bien conformés au profit des plus beaux arbres

  • les coupes sanitaires consistent à exploiter les arbres dépérissants afin de sécuriser l'espace forestier.

Suite aux nouvelles orientations de gestion des forêts périurbaines, l'ONF va mettre fin aux coupes rases et privilégier la futaie irrégulière. Ce traitement sylvicole permet de maintenir en continu des arbres sur la parcelle.    La forêt se transforme, mais conserve toujours plusieurs strates de végétation arbustive et arborée. Cela répond à  la demande sociale de préserver les paysages forestiers.

Attention, il subsiste quelques exceptions à la fin des coupes rases :

  • lorsqu'une coupe a déjà fait l'objet d'un contrat de vente avec un engagement financier, l'exploitation est menée à son terme.

  • lorsque les peuplements souffrent d'une crise sanitaire (arbres malades), la coupe sanitaire peut mener à une coupe rase. Elle reste la seule intervention sylvicole possible.

 

L’on a bien noté que s’il est considéré qu’un peuplement est la proie d’une crise sanitaire, la coupe sanitaire peut devenir une vraie coupe rase, laquelle reste donc possible, et que la coupe sanitaire permet bien de faire d’une pierre deux coups : sécuriser ET exploiter.

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Partie 4 :

parcelle 183

Partie 4 : parcelle 183

Une quatrième partie du communiqué s’attache à montrer combien les choses se passent bien au niveau de la parcelle 183, c’est-à-dire dans le secteur de l’allée du Soulier, grâce à la mise en place d’une gestion « smart »*   (rien de moins, et en franglais dans le texte !). Pourquoi « smart » ? Parce que cette méthode est censée permettre aux jeunes chênes de prospérer « à l’abri des pins ».

 

Pour ce faire, la « régénération » doit être considérée comme « terminée ». Tel est le cas, désormais, de la parcelle 183. « Les pins, essences pionnières, en ont profité pour s’épanouir avec la nouvelle génération des chênes ». Voilà les pins promus véritables « pompes à eau », tels des peupliers, capables, grâce à leur nombre, de « limiter l’engorgement du sol ». L’idée est, « en le[s] privilégiant durant ces premières années », que ces pins qui poussent plus vite et sont moins exigeants que les chênes permettent aux jeunes plants de chênes de survivre et de  prospérer dans ces sols ingrats.

 

Et, cerise sur le gâteau, ces pins vont, au surcroît, rendre les chênes moins accessibles à l’appétit des cervidés ; ils pousseront donc d’autant mieux et d’autant plus vite, et passeront avec davantage de succès « ce cap délicat de la jeunesse dans un milieu difficile ».

 

Cette « stratégie » qui joue avec « les dynamiques naturelles » autorise une gestion économe : moins de frais d’entretien, moins de pertes. Elle se révèle tellement payante qu’elle a également été appliquée aux parcelles 120, 133, 194 : « les pins ont été enlevés, et désormais les chênes peuvent s’épanouir tranquillement. »

 

Mais la méthode tient-elle vraiment ses promesses ? Il n’est pas interdit de penser que le discours est        suffisamment enjolivé pour faire oublier un peu vite le fait que les résineux sont surtout privilégiés parce qu’ils poussent nettement plus vite que les chênes, sont particulièrement adaptés à la récolte mécanisée et à la transformation automatisée des exploitations forestières et des scieries actuelles, et qu’ils vont convenir très     bien (même sans être matures) aux besoins de plus en plus importants de la filière bois-énergie – là où a de   bonnes chances de finir l’essentiel des tas de bois que l’on peut y voir, du moins ceux qui n’ont pas été tout simplement oubliés, abandonnés. Autrement dit, si les chênes ne poussent pas de manière satisfaisante, il y aura toujours les pins – si on ne les coupe pas avant qu’ils ne prennent leur essor.

 

Bref, un mode de gestion qui se veut gagnant sur les deux tableaux, où l’on insiste sur son grand intérêt pour le chêne, essence noble, mais où l’on pense aussi, en fait, pins et rentabilité accélérée des plantations de résineux.

 

Pas sûr, finalement, qu’elle soit si smart, si intelligente que cela, cette gestion qui pourrait peut-être se révéler   plus finaude, voire roublarde, que smart. Faut-il suivre ces « mauvais esprits » qui vont vouloir considérer qu’il  s’agit surtout de pouvoir couper et sortir du résineux à brève échéance et à bon compte en disant que c’est uniquement pour dynamiser la croissance du chêne, une fois qu’il a été considéré que le pin l’a suffisamment tiré d’affaire en lui faisant passer le cap délicat du démarrage ?

 

De toute façon, pour appliquer cette méthode, il faut en passer par une régénération et donc une coupe rase…

 

*[Au demeurant, s’agit-il ici pour l’ONF d’appliquer vraiment la méthode de gestion de projet qui utilise des objectifs et     indicateurs dits SMART - Spécifiques, Mesurables, Acceptables (et Ambitieux), Réalistes, Temporellement définis ? Tel ne       semble pas être le cas...]

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Communiqué ONF déconstruit

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Partie 5 : pour les générations futures...

 

Comme l’on pouvait s’y attendre, après avoir passé en revue les différentes parcelles pour se féliciter d’une gestion que les AFG ne trouvent pourtant guère mirobolante, l’ONF entend conclure son communiqué en soulignant combien ces choix de gestion éclairés n’ont d’autre objet que « le souci des générations futures ». Toutes ces coupes, tous ces travaux d’entretien pour améliorer et renouveler les peuplements visent à « transmettre le patrimoine forestier aux générations futures dans le meilleur état possible » (dans le meilleur des mondes…). C’est là « le seul objectif du forestier et de la gestion durable qu’il met en œuvre ».

 

Ce qui revient à considérer (!) toutes ces choses qui ne vont pas et contre lesquelles notre association s’élève comme étant en fait de la gestion durable  -

comme par exemple les coupes rases et la quasi-élimination, à terme, de tout le « gros bois », de tout ce que cette forêt compte d’un peu haut et ancien, de tout ce qui lui donne un peu de caractère, qui la rend attachante et digne d’être encore un peu considérée comme une forêt, et non comme une simple plantation servant d’usine à bois.   

 

C’est aussi « ce qui fait la fierté de son métier ». C’est sûrement pour cela que les personnels forestiers de l’ONF ne cessent de décrier toutes les mesures prises à leur encontre année après année, la façon dont on altère et on détruit leur statut et leur profession ; pour cela aussi qu’ils manifestent jusqu’à Tronçais et devant le siège parisien de l’ONF ; pour cela aussi que des syndicats ont attaqué en justice leur employeur pour mise en danger de ses employés ; et pour cela aussi que ceux-ci ont malheureusement été pas moins d’une cinquantaine à s’être suicidés en vingt ans.

 

Puisque les choses se passent donc si bien et que prévalent les meilleures intentions du monde, il ne nous reste plus, en somme, qu’à nous montrer philosophes en nous disant que si toutes ces « coupes de renouvellement modifient rapidement le paysage » (et revoilà l’argument du canton), c’est pour la bonne cause… pour les générations futures (il est vrai que, côté renouvellement, avec le réchauffement climatique, il n'y a aucun souci à se faire pour les générations futures…). Et de refaire un peu dans la compréhension et la compassion (« les forestiers comprennent et partagent l’émotion suscitée ») pour faire accepter l’inacceptable, le soi-disant inéluctable.

 

Car n’allez surtout pas perdre espoir, il faut po-si-ti-ver ! Il y a « le schéma d’accueil à venir », cette « très belle opportunité pour construire ensemble des solutions » (mais si, mais si !), « des rencontres régulières avec les différents acteurs sur le terrain ». On va « approfondir les discussions et travailler à identifier ensemble des adaptations possibles » (ou de simples inflexions à la marge ?). Vraiment ? Puisqu’on vous le dit ! Et de lancer même en conclusion, avec entrain et enthousiasme, un « à suivre donc ! ». Qu’on se le dise, la démocratie participative, la vraie, est en marche…

Et de nous donner quelques chiffres pour conclure, pour la route, lesquels méritent bien quelques bémols :

- 4480 ha sur les 4500 sont effectivement classés Natura 2000 (directive Oiseaux) : mais cela n’est pas très contraignant et ne saurait guère gêner l’ONF dans ses objectifs de (sur)production ;

- 861 ha « non adaptés au futur changement climatique » : comprendre qu’on va donc pouvoir continuer de plus belle à renouveler les peuplements et qu’on n’est pas prêt de s’arrêter de « couper-raser » !

- 65 ha « protégés au titre du patrimoine culturel et mémoriel » : dont acte, mais il y a protection et protection…

- La proportion alléguée de 58 % de feuillus et 42 % de résineux est discutable et était, il n’y a pas encore si longtemps, nettement plus favorable aux feuillus.

Pour en savoir plus sur la forêt du Gâvre et pour la défendre : https://www.amisforetgavre.com

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Graves menaces sur le Parcours de Santé (Parcelle 120)

 

LES LEÇONS DE L'HISTOIRE...

 

Voir notre dossier ci-dessous

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GP Parcelle 120 Parcours de Santé.jpg
Dossier Parcours de Santé
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GRAVES MENACES SUR LE PARCOURS DE SANTE (PARCELLE 120)

 

LES LEÇONS DE L’HISTOIRE…

 

L’Histoire ne se répète pas, elle bégaie, dit-on (1). Répétition ou bégaiement, c’est de toute façon généralement parce que certains ont cru pouvoir impunément s’abstenir d’en tirer (toutes) les leçons, ou s’en affranchir…

 

Voilà qui devrait sans doute nourrir la réflexion d’un ONF qui serait bien inspiré de méditer ses mésaventures vécues dans ce massif du Gâvre il y a déjà un peu plus de vingt-cinq ans, un quart de siècle bien sonné ! Et ce, à l’heure où il est sérieusement envisagé de « transférer » (l’expression est assez curieuse…) un certain Parcours de Santé.

 

Parcours de Santé ? Il ne s’agit point ici, bien sûr, à proprement parler de politique de santé publique, du « parcours d'un patient au sein du système de santé dans sa globalité », de cette « prise en charge globale, structurée et continue des patients, au plus près de chez eux » qui est désormais recherchée par les pouvoirs publics (2). Il s’agit plus simplement de cette « promenade sportive rythmée par un ensemble d'activités, généralement dans un cadre naturel ou un parc urbain ». Qu’on l’appelle parcours de santé ou parcours sportif (3), l’on perçoit aisément tous les bienfaits que peuvent en attendre pour leur bonne forme et leur bien-être général les pratiquants occasionnels ou réguliers de cette activité de loisir désormais très… courue.

 

C’est pourquoi l’on ne peut être qu’étonné que l’ONF puisse même envisager un seul instant de déplacer un tel parcours qui, au fil des années, n’a cessé de gagner en popularité et qui constitue un lieu de promenade, notamment, dominicale, d’autant plus apprécié et fréquenté qu’il se situe juste à côté du Rond-point de l’Etoile – lieu le plus fréquenté de la forêt, là où toutes les routes forestières se rejoignent et par où passent les départementales D15 et D35 – et à deux pas des parkings spécialement aménagés en forêt, des plus pratiques pour démarrer une simple balade à pied ou s’élancer sur ledit parcours de santé.

 

Pourquoi donc vouloir casser ainsi un lieu qui a toutes les qualités, qui a fait ses preuves et qui jouit d’une excellente fréquentation, qui présente des avantages tels qu’aucun autre site de remplacement ne saurait vraiment rivaliser avec celui-ci ? Très clairement en raison de ce qui confère précisément à ce parcours de santé une grande partie de son charme et de son attrait : la magnifique futaie des grands arbres bicentenaires qui l’accueillent et l’abritent.

 

Comme pour les Chêtelons (parcelle 61) où l’on nous a avancé le prétexte de la nécessité d’une coupe sanitaire sur une parcelle en vieillissement de façon à pouvoir faire main basse sur un nombre conséquent de beaux arbres sains, monnayables à très bon prix, l’on se trouve ici en présence d’une très belle futaie ancienne où d’aucuns voudraient bien poursuivre cette même logique de surexploitation et de rentabilisation à tout prix et achever ainsi la mise en coupe réglée de l’ensemble de la parcelle 120.

 

Voilà qui serait faire bien peu de cas de l’intérêt du plus grand nombre des usagers de cette forêt domaniale, alors même que l’ONF se déploie sans compter – du moins en termes de Com’ – pour faire valoir combien il s’occupe bien de cette mission qui lui est dévolue et qui lui est si chère : l’accueil du public. Raison pour laquelle, sans doute, ce parcours de santé « bénéficie » d’un manque certain d’entretien (qui, notamment, rend les rondins utilisés glissants).

 

C’est (faire semblant d’) oublier que lorsque les gens se rendent en forêt, fusse pour faire du sport, c’est pour être dans quelque chose qui soit vraiment une forêt, ou à tout le moins qui en ait vraiment l’air, avec de grands et beaux troncs couronnés d’une belle canopée, et non un taillis minable aux arbres riquiquis, encore jeunes et bien quelconques… Et puis vient un moment où la politique des rideaux de grands arbres en trompe-l’œil en limite de parcelles… ne trompe plus grand monde.

 

En outre, il va sans dire que la biodiversité, cette autre mission à laquelle l’ONF se veut si attaché, n’y trouve pas davantage son compte. A qui va-t-on faire croire que ce sera mieux pour la faune et pour la flore lorsque tous les grands arbres (ou presque) s’en seront allés, sacrifiés sur l’autel de la surexploitation à courte vue ?

 

Sont ici à l’œuvre, peu ou prou, les mêmes logiques, mécanismes et techniques de communication exposés à propos des Chêtelons. Voici donc encore un autre loup rôdant dans les parages (voir notre dossier spécial en page Infos) qu’il nous a fallu débusquer et qui n’aura pas longtemps trompé la vigilance des AFG. Ou, si l’on préfère, voici encore levé un nouveau lièvre !

 

Dès lors, l’ONF serait bien avisé de ne pas méconnaître plus longtemps les leçons de l’Histoire, plus précisément de cette histoire qui s’est passée il y a un quart de siècle, du côté de la Magdeleine.  

 

Rappelons les faits. En 1995, le responsable de l’ONF qui a la haute main sur la gestion de la forêt du Gâvre et est manifestement acquis – au-delà de toute mesure – aux intérêts des chasseurs et singulièrement de la chasse à courre, ne trouve rien de mieux que de former le projet de créer un « étang de chasse » en contrebas des Chêtelons, dans le synclinal où coule un bucolique ruisseau et s’épanouit une belle zone humide et marécageuse (tout près de ce qui va devenir l’Arboretum), un étang qui serait bien évidemment destiné à assurer l’hallali des malheureux cerfs acculés et à bout de force.

Les habitants des alentours et en premier lieu ceux du paisible hameau de la Magdeleine, à deux pas de là, ne l’entendent pas ainsi. Ils ne savent que trop les nuisances qu’entraînent ces actions de chasse, ces cortèges ahurissants de suiveurs excités et de gros véhicules passant en trombe. L’on n’en est plus au temps où la chasse à courre avait tous les droits, et avant longtemps voilà toutes les oppositions des défenseurs de la nature coalisées pour mener une mobilisation aussi inédite que surprenante.

Ce sont notamment la LPO et la SEPNB (qui ne s’appelle point encore Bretagne Vivante) qui  apportent soutien et caution naturaliste de poids. Le très regretté et trop tôt disparu Jean-Claude Demaure, scientifique exemplaire et militant naturaliste de la première heure, ancien président de la SEPNB (1979-82) et alors adjoint à l’environnement de Nantes (de 1989 à 2001, durant les deux premiers mandats municipaux de JM Ayrault) manifeste également résolument son opposition. Et, comme en atteste une courte pépite de l’Ina tirée d’un JT de FR3 Nantes qui restitue assez bien l’ambiance de l’époque, c’est aussi là l’occasion pour un certain… François de Rugy, au nom d’Ecologie 44, de faire ses premières armes dans le champ médiatique (JT Tout Images Soir du 05/05/96 : https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/nac9605064683/loire-atlantique-marche-contre-le-projet-d-un-etang-pour-la-chasse-a).

C’est ainsi que tout le monde se retrouve à la Magdeleine, dans une ambiance certes déterminée, mais qui reste bon enfant (les enfants sont du reste bien représentés, car beaucoup de gens sont venus en famille), pour un pique-nique champêtre et surtout pour une manifestation en bonne et due forme d’un bon millier de personnes, sinon plus, qui déambulent le long de la petite route de campagne et bientôt en pleine forêt sur la route forestière, avec force banderoles et slogans, en une sorte de répétition sylvestre des futures déambulations bocagères de NDDL.

Les hôtes à poil et à plume de la forêt ne durent pas en revenir, tant la vision de cette longue cohorte en pareil lieu avait quelque chose d’improbable et d’incongru ! Il s’agissait là d’une manifestation bis, printanière (après une première manif hivernale), qui donna à La Lettre de Lulu l’occasion d’évoquer le dossier, dans un article de son n°5/6 de l’été 96 où elle déploie avec bonheur son ironie mordante coutumière (https://lalettrealulu.fr/1996/10/16/letang-a-la-sauce-grand-veneur/). Et puis le projet finit par être si bien enterré que le responsable de l’ONF en question fut « exfiltré » vers un autre haut poste, là où il fut considéré qu’il serait certainement mieux à sa place… à l’Office national de la Chasse ! Et c’est ainsi, en quelque sorte, que le fameux étang se mua en… arboretum !

 

Il n’est pas déraisonnable de penser que le présent projet de déplacement du Parcours de Santé, ourdi par l’ONF, et son objectif inavoué de coupe des arbres bicentenaires de cette cathédrale de la forêt du Gâvre seraient de nature à susciter une contestation et une mobilisation similaires à celle à laquelle l’ONF se trouva naguère confronté. Similaires, à ceci près que l’on a tout lieu de considérer qu’elles seraient encore plus rapides et plus fortes. Il y a désormais Internet, des sites et des réseaux sociaux en nombre, les smartphones, des associations et des collectifs bien informés et organisés, aux modes d’action éprouvés… et, plus encore, une réceptivité inégalée aux problèmes d’environnement, de défense de la Nature et du cadre de vie, de préservation des espèces et de la biodiversité. Le changement climatique est plus prégnant que jamais, et les choses ne sont pas prêtes de s’améliorer. Toutes choses, et d’autres encore, qu’il conviendrait que l’ONF soupèse bien, avant de s’avancer plus avant dans une voie inutilement téméraire et risquée. D’autant que :

 

a) tout le monde sait désormais combien la situation est dégradée à l’ONF, et tout ce qui ne va pas en France en matière d’exploitation des forêts, en particulier des forêts publiques ;

 

b) il n’est pas possible de faire abstraction d’une certaine lutte victorieuse, de longue haleine, qui a renvoyé dans les poubelles de l’Histoire des grands projets calamiteux un certain projet d’aéroport et que cela s’est passé à une quinzaine de kilomètres seulement de la forêt du Gâvre, et à tout juste 30 km d’une métropole qui a là son poumon vert naturel, dans une Loire-Atlantique où l’on sait combien la capacité citoyenne et militante à se mobiliser, singulièrement pour l’environnement,  n’est pas un vain mot – à preuve déjà, justement, cet étang de chasse « coulé » il y a un quart de siècle, qui devait servir les intérêts d’une chasse à courre désormais décriée comme jamais, dont les Français ne veulent pas, malmenée jusque dans cette forêt par une action militante qui ne demande qu’à se poursuivre ;

 

c) il n’est pas non plus possible de méconnaître, à tout juste 17 km de la forêt du Gâvre, les acquis et les pratiques des habitants du bocage préservé de NDDL qui, à travers l’association Abrakadabois (créée en 2018 et issue du collectif créé en 2014) soutenue par l’association des Ami.e.s de la forêt de Rohanne (créée en 2020), exploitent sans coupes rases – selon des méthodes douces de gestion en futaie irrégulière, dans le respect d’une sylviculture réellement soucieuse d’écologie et en conformité avec la charte du Réseau pour les Alternatives Forestières (RAF) auquel Abrakadabois adhère – les 47 ha de la forêt de Rohanne (ainsi que « les dizaines de parcelles boisées, et les 280 km linéaires de haies »). Si cette forêt relève du régime forestier et donc normalement d’une gestion classique ONF, c’est bien à un cadre contractuel original que toutes les parties concernées se doivent de souscrire pour que puisse perdurer cette démarche inédite et innovante de gestion au quotidien d’une forêt désormais propriété du département de Loire-Atlantique.

 

d) si l’ONF met volontiers en avant l’attention qu’il porte à ses missions en matière d’accueil du public et de préservation de la biodiversité, cela est loin de suivre sur le terrain :  cela se voit et la Com’ ne peut pas tout faire avaler ;

 

e) L’association des Amis de la Forêt du Gâvre (AFG) est une association citoyenne responsable et soucieuse de dialogue qui entend mener avec détermination son action de préservation d’une vraie forêt – et non d’une usine à bois – au bénéfice du plus grand nombre (et ce, au demeurant, dans l’intérêt même, bien compris, à long terme, des exploitants de la filière bois) – un engagement dont les élus locaux et les municipalités savent fort bien apprécier toute la pertinence, y compris en apportant, autant que de besoin et à leur manière, tout le soutien qu’il mérite ;

 

f) Le Conseil départemental pourrait bien ne plus se contenter, peu ou prou, du versement de subsides à l’ONF et décider, sur un mode sensiblement plus interventionniste, de prendre à bras le corps le dossier d’une forêt dont le mode d’exploitation, l’accès et la richesse naturelle concernent au premier chef la santé, l’épanouissement et, plus généralement, les intérêts et les préoccupations de l’ensemble des habitants dont il a la charge ; la municipalité et la métropole nantaises (animées par les majorités que l’on sait) pourraient à bon droit lui emboîter le pas (ou lui montrer la voie à prendre), là encore dans l’intérêt même de leurs habitants, citoyens et électeurs, lesquels fréquentent en grands nombres le massif ;

 

g) Il  y a tellement peu d’arbres anciens dans cette forêt qu’il n’est pas acceptable d’en voir disparaître encore et encore, ne serait-ce qu’un peu, a fortiori des arbres de cette qualité, dans une parcelle située en plein cœur de la forêt, au vu et au su de tous, à deux pas de son rond-point principal, au croisement de toutes les routes, aisément accessible de tous et de partout, à l’endroit le plus fréquenté de la forêt. 

 

Il n’est pas peu paradoxal, et est même passablement absurde, de vouloir transférer-supprimer ce parcours de santé, alors qu’il n’y a pas si longtemps encore – un mois durant, du 7 octobre au 8 novembre 2020 –  l’ONF proposait au public, avec force communication, une exposition à l’air libre intitulée « Un œil en forêt », constituée de 14 portraits d’animaux, 14 photos au format XXL – une exposition uniquement rendue possible grâce au financement du Conseil départemental. Et où se tenait donc cette exposition ? Précisément tout au long de ce fameux parcours de santé, celui-là même que l’ONF aimerait maintenant « déplacer », le doux euphémisme trouvé pour faire main basse sur des arbres d’au moins deux cents ans d’âge, au mépris du contribuable départemental, d’une biodiversité que l’on vient de célébrer et que l’on prétend défendre, d’un grand public que l’on est censé accueillir et satisfaire du mieux possible !!!

 

Sans compter que le déplacement en question ne serait qu’un marché de dupes, sur l’air bien connu de mirobolantes mesures de compensation et assimilées, lesquelles ne compensent jamais grand-chose, a fortiori s’agissant d’une « cathédrale » de la Nature. L’occasion de rappeler cette phrase à méditer du spécialiste mondial des forêts primaires, Francis Hallé : « Dix jeunes arbres ne remplacent pas un vieux : un quart de siècle au moins sera nécessaire avant que la dépollution atmosphérique ne retrouve son niveau initial. »

 

Décidément, il serait bon que les leçons d’un passé encore récent ne soient pas témérairement oubliées et bafouées. Il est encore temps.

 

 

Les quatorze étapes du parcours :

1 -   Flexion - Extension des bras

2 -  Saute-mouton

3 -   Flexion des jambes et enroulement

4 -   Saut de haies

5 -   Abdominaux

6 -   Barres parallèles

7 -   Espalier (abdominaux)

8 -   Foulées bondissantes

9 -   Flexion - Extension du tronc (manquant)

10 - Traction barre fixe

11 - Flexion du tronc (abdominaux)

12 - Etirement du tronc

13 - Etirement des jambes

14 - Mur escalade

 

 

(1) Chacun connait la formule et pourra tenter d’en démêler les origines (par ex. : https://zavietrevin.blogspot.com/p/lhistoire-ne-se-repete-pas-elle-begaie.html).

(2) Les parcours de santé « articulent les soins avec, en amont, la prévention en santé et sociale et, en aval, l’accompagnement médico-social et social, le maintien et le retour à domicile ».

(3) Ou encore dénommé « parcours vita », comme sur le site de cette commune belge (Fernelmont) qui décrit très bien, à travers le sien, ce dont il s’agit : « C'est un centre sportif dans la nature. Sa conception a été mise au point à partir de conseils prodigués par les agents forestiers et des professionnels de la culture physique. Des exercices très variés, proposés à chacune des étapes, vous font acquérir force et souplesse. Votre endurance s'accroît aussi, car du point de départ à l'arrivée, la distance parcourue représente environ 1500 m. Chacun peut y aller à l'heure qui lui convient pour s'entraîner suivant ses capacités et son rythme. Vous apprécierez ce gymnase de verdure. Même si vous n'avez plus d'activité sportive depuis longtemps, mettez-vous en tenue de sport avec de bonnes chaussures et allez vous mettre en forme, dans un cadre exceptionnel. »

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Promenade hivernale au Parcours de Santé

Notes
Dossier Chêtelons

SPECIAL CHÊTELONS

(Parcelle 61)

 

Il y a bien un loup dans la forêt du Gâvre !!!

 

Voir notre dossier ci-dessous

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GP Parcelle 61 Les Chêtelons.jpg
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SPECIAL CHÊTELONS

 

Loup y es-tu ?

 

Un loup dans la forêt du Gâvre ?!

Bigre ! L’on s’en doutait, mais quand même…

Comme le dit l’adage bien connu : « Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup ».

Alors, on est allé voir sur place, parce qu’un flou (pas très artistique) semblait régner autour de cette affaire d’arbres à abattre, un flou qu’il fallait d’urgence tirer au clair.

Non, décidément, tout cela n’était pas très clair et pas très convaincant. Et on confirme : il y avait bien un loup, ou (pour le dire autrement) on nous a monté un (gros) bateau, histoire de bien nous… mener en bateau et de nous faire prendre des vessies pour des lanternes, car comme le dit cet autre dicton populaire :       « Qui veut tuer son chien l’accuse de la rage » !

 

 

Gestion du-ra-ble, biodiversité, accueil du public, sécurité, sécurité, sécurité…

Résultat : une coupe sanitaire de 86 arbres, tous abattus alors que bien peu étaient vraiment malades, une coupe prétexte à faire main basse sur du « vieux bois » valorisable au prix fort… La face cachée du monde merveilleux de Oui-Oui…

 

Mais de quoi donc s’agit-il ?

 

Eh bien tout simplement de la nécessité – supposée, alléguée, assumée – de procéder à une coupe dite sanitaire dans une parcelle de la forêt du Gâvre, la parcelle 61 ou parcelle des Chêtelons. Il se trouve que cette parcelle n’est pas une simple parcelle parmi d’autres, mais l’une des rares, l’une de seules où les feuillus – chênes et hêtres – sont laissés vieillir, ou du moins (il ne faudrait tout de même pas exagérer) vieillir… un certain temps : au moins, en principe, jusqu’à 270 ans.

 

Voilà qui est certes un bel âge, mais pour un chêne, cela reste très « petit bras «  (ou… petite branche, si l’on préfère), car les chênes peuvent allègrement aller jusqu’à 500 ans, et même assez couramment atteindre, voire dépasser, les 1000 ans ! Quant au hêtre, il peut aller jusqu’à 300 ans, voire même, pour certains individus, concurrencer en âge les chênes.

 

Qu’est-ce qu’une coupe sanitaire ? L’on comprend bien qu’il s’agit de couper des arbres que l’on aurait souhaité conserver plus longtemps (conserver pour le bénéfice de la biodiversité ? Pour l’agrément du public fréquentant le massif ? Avant tout et surtout, en vérité, pour répondre aux objectifs fixés pour l’exploitation forestière dudit massif…) et de procéder ainsi parce qu’ils sont malades, qu’ils présentent un état de santé qui laisse à désirer (du fait de bactéries, champignons, insectes, parasites et autres empêcheurs de tourner en rond, forcément peu appréciés du forestier), ceci entraînant, à plus ou moins brève échéance, le dépérissement et la mort du sujet atteint. Il s’en suit, nécessairement, une perte en termes de bois exploitable et commercialisable.

 

Il s’en suit également un risque potentiel de chute de branches ou de troncs. L’ONF, se voulant bon gestionnaire bien sous tous rapports, s’en voudrait vraiment de faire courir des risques inconsidérés à son public varié de visiteurs, promeneurs, randonneurs, champignoneurs, chasseurs et autres usagers en tous genres.

 

C’est pourquoi l’ONF a décidé de ne pas tergiverser et d’AGIR. Et, avant tout chose, de bien faire les choses en se fendant d’un communiqué, un communiqué de presse en bonne et due forme qui peut être considéré comme un modèle du genre, et même comme un petit chef-d’oeuvre de Com à lui tout seul (https://www.onf.fr/espace-presse/+/12e0::foret-du-gavre-coupes-sanitaires-en-parcelle-61.html).

 

Car l’on est bien sûr ici dans la Com, cette communication qui s’introduit partout et s’efforce avec plus ou moins d’habileté, ici comme ailleurs, de nous faire prendre ces fameuses vessies pour des lanternes ou de nous faire avaler des couleuvres, c’est selon.

 

Il faut bien admettre que depuis quelque temps – depuis qu’il a compris que sa politique d’exploitation forestière à outrance, virant à la privatisation de moins en moins larvée et rampante et de plus en plus assumée dans la pratique, ne pouvait que tomber toujours plus sous le feu de critiques forcément de plus en plus percutantes, cohérentes, concertées, généralisées et structurées, émanant de simples citoyens comme d’associations ou d’élus, petits et grands – l’ONF a sensiblement renforcé son effort de communication, singulièrement sur Internet et dans les médias. Il faut bien admettre également que cela implique nécessairement des budgets et des moyens tout à fait conséquents. L’on peut se demander, au passage, qui copie qui, de l’ONF ou de la Fédération nationale des chasseurs, car ces organismes ont tous deux passablement le même genre de problèmes et utilisent peu ou prou les mêmes techniques de contre-feux communicants pour ripoliner leur image.

 

Pourtant, curieusement et encore trop souvent, alors que telle ou telle association a toutes les peines du monde à obtenir de l’ONF un document essentiel à sa bonne information et à la pertinence de ses actions associatives par rapport à une forêt domaniale donnée – et ce en pleine ère de l‘open data et bien qu’il s’agisse de documents à caractère public [ou qui devraient l’être] payés par le contribuable – et qu’il lui faille parfois, pour obtenir gain de cause, envisager d’aller jusqu’en Conseil d’Etat, dans le même temps l’ONF n’hésite pas à déverser une multitude de textes, de rapports, de tableaux et de chiffres, en ligne ou sur papier, un flot de données qui vise 1) à bien accréditer et asseoir (si l’on en doutait) l’idée que l’ONF est LE connaisseur et LE gestionnaire incomparable, incontournable et indépassable de la Forêt française, et 2) à impressionner et noyer le lecteur, le citoyen, le militant, l’élu, le décideur, sous la masse des données, une tactique bien connue, ne serait-ce que pour gagner du temps.

 

 

A) LA COMMUNICATION A L’ŒUVRE

 

Que nous dit donc – ou que veut nous dire – la Com déployée dans ce fameux communiqué ?

(https://www.onf.fr/espace-presse/+/12e0::foret-du-gavre-coupes-sanitaires-en-parcelle-61.html)

 

1) UNE COUPE INDISPENSABLE POUR LA SE-CU-RI-TE. Tout d’abord, que cette coupe sanitaire annoncée est absolument indispensable. En pareil cas, il n’y a pas à hésiter, le plus efficace est sans conteste de mettre en avant les enfants, le risque pour les enfants. Quel parent – sinon aussitôt taxé d’inconscient et d’irresponsable –  voudrait faire courir ou que l’on fasse courir le moindre risque à sa chère progéniture ? Comment aller à l’encontre d’un abattage pour la bonne cause, sélectif et responsable, sur des arbres malades, menaçant à tout moment d’écraser nos bambins de leurs lourdes branches ou de tout leur long ? Tout est dit dans le visuel choisi à dessein (déjà utilisé  à la fin du rapport annuel 2018) : une belle ambiance forestière où un groupe de scolaires chemine joyeusement, à la faveur de quelque sortie de terrain (l’on aurait dit naguère pour une leçon de choses…), heureux de découvrir la vraie nature et de profiter du bon air. Un autre cliché, plus rapproché, des bambins à l’arrêt autour de leur professeure des écoles est utilisé sur le site. Hors de question, donc, de mettre en danger de quelque manière que ce soit qui que ce soit, et a fortiori scolaires et enfants de tous âges.

 

Voilà qui est dit dès le titre, puis répété encore et encore :

COUPES SANITAIRES POUR SÉCURISER

des coupes sanitaires vont être réalisées dans la parcelle 61 pour sécuriser

permettront de sécuriser l’accueil du public

UNE FUTAIE PATRIMONIALE À ENTRETENIR POUR LA GARDER ACCESSIBLE

Leur grand âge diminue parfois leur vitalité et peut mettre en péril leur état sanitaire.

Pour assurer l’accueil en toute sécurité sur site

des signes de dépérissement remettant donc en question la mise en sécurité du site

Pour la sécurité de tous

Préservons notre sécurité et celle des forestiers

 

S’il y en a qui n’ont pas compris…

 

2) TRANS-PA-REN-CE. S’il s’efforce, autant que faire se peut et trop souvent encore, de (se) garder les éléments jugés les plus sensibles, délicats, voire « incriminants » (souvent concernant les cubages réellement abattus et sortis, les marchés passés, les revenus tirés des droits de chasse, etc.), ou sinon (on l’a vu), de noyer ces éléments dans la masse et le trop-plein des données, l’ONF est bien décidé à faire passer un discours de transparence – ah, le maître mot ! –, d’accessibilité, de clarté. On vous dit les choses, tout ce qu’il y a à savoir, on vous donne les noms des responsables, les fonctions, les téléphones, les mails, et n’hésitez surtout pas à les contacter et à poser vos questions. On est à votre disposition. Puisque l’on joue cartes sur table et que l’on n’a décidément rien à cacher : on vous explique le pourquoi et le comment. On vous donne même, pour localiser facilement la parcelle, un extrait de la jolie carte touristique de la forêt actuellement en usage.

 

Et l’on n’oublie surtout pas – car l’on fait vraiment tout dans les règles, de manière très responsable – de vous rappeler les règles essentielles pour votre sécurité et celles de tous. A savoir :

Respectons la signalisation des chantiers…

Préservons notre sécurité et celle des forestiers…

Ne vous garez pas devant les barrières en forêt…

 

Certes, cela va mieux en le disant et il n’est pas inutile de rappeler règles et principes. D’autant que, du même coup, cela permet à l’ONF de souligner sa position de gardien du temple, de bon gestionnaire qui veille au grain et a l’œil sur tout. L’ONF aurait même tendance à se la jouer un  peu, beaucoup « père fouettard » ces derniers temps, en rappelant plutôt vigoureusement les cueilleurs de champignons ou les observateurs du brame des cerfs à leurs devoirs (sans parler de la période du confinement, cette belle période où l’ONF put régner sans partage sur la forêt et poursuivre son œuvre loin de la plupart des regards importuns…). Tout en se gardant bien d’indiquer a) qu’il n’y a guère de champignons à piétiner ou à écrabouiller dans les parcelles de repeuplement – coupes rases et engins forestiers étant assurément davantage les ennemis du champignon que les cueilleurs du dimanche pourtant injustement incriminés à dessein, et b) que s’il convient de ne pas déranger les cerfs en rut, cela ne dérange en rien l’ONF que quasiment tous les jours de la semaine, pendant des mois et des mois et à la période la plus difficile pour les animaux – qu’il vente, pleuve, neige ou gèle –  les actions de chasse diverses et variées, à courre (!!!) et à tir, ne cessent de déstabiliser et de déranger (outre les humains) la faune de la forêt, à commencer par les cervidés dont il ne faut pas s’étonner qu’ils soient tentés d’aller voir ailleurs si l’herbe y est plus verte…

 

3) PE-DA-GO-GIE & GESTION DU-RA-BLE. Puisque ce communiqué ne se veut aucunement un oukase descendu des hautes strates administratives – le logo bien connu de notre république (avec sa devise) et celui de l’ONF figurent tout de même de manière bien visible en en-tête, histoire de bien insister sur le caractère officiel, et s’imposant à tous, de la chose –, mais un document à forte teneur pédagogique et informative entendant démontrer de manière imparable le bien-fondé de ladite coupe sanitaire, le corps du texte se donne la peine d’expliquer avec moult détails ce qu’est cette parcelle 61 où il faut absolument intervenir avant qu’il ne soit tard  (« A ENTRETENIR POUR LA GARDER ACCESSIBLE… ») :

LA PARCELLE 61, UN PEUPLEMENT ÂGÉ

UN « ÎLOT DE VIEILLISSEMENT », C’EST QUOI ?

Eh  bien, c’est un petit (oh, tout petit – il s’agit bien d’un ilot !) bout de forêt que les gestionnaires hors pair de l’ONF ont bien voulu volontairement laisser vieillir au-delà de leur âge d’exploitabilité.

Les choses sont faites dans les règles, parfaitement encadrées par le document d’Aménagement forestier qui est « la feuille de route de la gestion DURABLE des forêts publiques ».

« Ces spécificités sont naturellement inscrites à l’aménagement forestier de la forêt domaniale du Gâvre qui couvre la période 2008 - 2027. L'aménagement forestier est la feuille de route de la gestion durable des forêts publiques. Défini par le Code forestier, il donne un cap et les grandes orientations sylvicoles d'une forêt, appartenant à l'Etat ou aux collectivités territoriales, pour une durée de 20 années. Son objectif : gérer de manière durable les forêts relevant du régime forestier, pour permettre à la société de bénéficier pleinement de tous les services offerts (production de bois, bien-être, promenade, biodiversité, prévention des risques naturels).

Ce plan de gestion précise par exemple les essences à privilégier, les plantations à envisager et la régénération à obtenir. Il quantifie et planifie les récoltes de bois ainsi que les travaux à réaliser, au regard des enjeux économiques, sociétaux et environnementaux de la forêt. »

 

L’on aurait tout aussi bien pu mettre en gras le mot « économiques », car en réalité c’est, de très loin, le terme qui prime, celui auquel tout est largement subordonné, en dépit des discours, professions de foi et bonnes intentions en tous genres.

 

Par « au-delà de leur âge d’exploitabilité », il faut comprendre que « l’âge de renouvellement de cette chênaie a été porté à 270 ans », pour des chênes qui ont ici (déjà) « entre 210 et 230 ans ». Ce qu’il faut considérer comme un bien bel âge, surtout qu’il ne faut surtout pas oublier que « leur grand âge diminue parfois leur vitalité et peut mettre en péril leur état sanitaire ». Rappelons tout de même ici (voir plus haut) qu’un chêne a une durée de vie moyenne bien supérieure (500-1000 ans) !

 

4) POUR L’AMOUR DE LA FORET.  Mais attardons-nous un peu à présent sur le paragraphe d’introduction de cette partie du communiqué, car il s’agit ni plus ni moins d’une célébration de la forêt et de ses splendeurs. Eh oui, si tant est qu’on en doutât, le gestionnaire forestier a bien un cœur, une sensibilité qui lui fait apprécier, lui aussi, ces merveilles de la Nature. L’on a droit à la forêt-cathédrale, à l’arbre-roi, à « l’essence-mère de la forêt » !

 

« Au fil des chemins, il faut lever haut son menton pour apercevoir la cime des arbres. Érigés en cathédrales, les chênes et les hêtres (respectivement 49% et 5% des essences) sont rois dans cette forêt. Essence-mère de la forêt, ils sont présents depuis des millénaires et continuent de se renouveler par un ensemencement naturel. »

 

Mieux encore, voilà que, sur la fin du communiqué, Monsieur le Responsable de l’unité territoriale n’hésite pas, pour la bonne cause, à  s’épancher et à dévoiler tout l’amour qu’il porte à cette forêt et à ces vieux arbres.

 

Sans doute faut-il comprendre qu’il parle là (mais cela vaut pour les deux) de cette autre parcelle de haute futaie, celle du Pilier, en quelque sorte soeur jumelle de la première, que le paragraphe qui précède et le cliché de la pancarte juxtaposée nous invitent à « (RE)DECOUVRIR ». N’ayez crainte, vous ne serez pas déçu(e) ; on est là encore dans le vrai vieux, et un parcours de 3 km a même été prévu, sans parler de la carte touristique disponible en un clic. De quoi patienter sans peine avant de retrouver vos chers Chêtelons, sauvés du désastre et expurgés de tout risque.

 

« Dès que je suis en forêt, je me sens bien, mais c’est ici que je me sens le mieux ! Eloigné des routes, abrité par les arbres, on entend parfaitement le chant des oiseaux. Les chênes qui approchent les 200 ans sont plus grands ici et leur feuillage dense donne un éclairage tamisé ». On dit d’ailleurs que dans une forêt qui est arrivée à maturité, la lumière n’atteint presque plus le sol. »

 

Bon, il est vrai qu’aux Chêtelons, l’on était dans les 230-240 ans, tandis qu’au Pilier l’on approche seulement les 200 ans, mais qu’importe, ne mégotons pas, puisqu’on vous le propose si gentiment :

« PROFITEZ-EN POUR (RE)DÉCOUVRIR UN AUTRE ILOT DE VIEILLISSEMENT DU MASSIF… »

 

Après quoi l’ONF nous réserve l’un de ces slogans dont il a le secret :

« LA FORÊT NOUS PROTÈGE… Ensemble, protégeons-là ! ».

 

Sans commentaires. Enfin, si, quand même, il va bien falloir, surtout que l’ONF n’entend pas nous quitter sans rappeler (vraiment sans insister…) que « l’ONF est le premier gestionnaire d’espace naturel en France. En Pays de la Loire, l’établissement gère durablement près de 40 000 hectares de forêt publique. Cette mission vise à répondre aux enjeux à la fois sylvicoles, environnementaux et sociaux des massifs forestiers, en étroite collaboration avec les acteurs territoriaux. »

 

En étroite collaboration, vraiment, toujours et en tout lieu ? Au point que même des élus en viennent à se retrouver dans les associations que les habitants se voient obligés de créer un peu partout à travers la France pour sauver ce qui peut encore l’être de leurs forêts dénaturées par la surexploitation…

 

 

B) DU MONDE MERVEILLEUX DE OUI-OUI AU DUR PRINCIPE DE REALITE

 

Après la lecture édifiante et particulièrement instructive de ce communiqué de presse – qui, en accès libre, n’est évidemment pas destiné uniquement à la presse, mais vise bien à une diffusion la plus large qui soit, par l’intermédiaire ou non des journalistes mis à contribution pour diffuser la bonne parole – c’est à regret que nous devons, malgré tout, quitter le monde merveilleux de Oui-Oui et nous confronter au dur principe de réalité (aux « hard facts » !).

 

A la réalité des coupes rases ; des engins qui tassent le sol fragile et créent des ornières boueuses dignes de la raspoutitsa ; d’une exploitation qui ne maîtrise plus grand-chose, malgré (et aussi à cause de) toute l’informatique mobilisée, qui prétend s’adapter au changement climatique, mais continue d’enrésiner à tour de bras pour récolter plus vite des arbres qui poussent plus rapidement que les feuillus ; des scieries locales (censées traiter en premier les belles grumes qui sortent) qui n’ont plus grand-chose à se mettre sous la dent et ferment les unes après les autres, les Chinois payant au prix fort et gardant largement la main à l’import comme à l’export ; des employés de l’ONF, de moins en moins fonctionnaires et de plus en plus contractuels (et voilà que l’on s’en prend même à ce qui reste d’officiel sur leur uniforme), qui ne reconnaissent plus leur métier et ont pour beaucoup mal à leur forêt. Leurs arbres se retrouvent en stress climatique et hydrique, et eux en stress administratif et social, et même entrepreneurial.

 

Les personnels, justement, ont très bien compris ce qui se passe. Ils étaient venus à pied des quatre coins de la France manifester le 25 octobre 2018 à Tronçais (massif classiquement considéré comme le porte-étendard de la forêt française, dont la gestion n’a pourtant, là aussi, rien d’un fleuve tranquille…) (https://reporterre.net/Une-longue-marche-lance-le-combat-contre-l-industrialisation-de-la-foret). Et un manifeste a été rédigé : « Pour la forêt française, notre bien commun ». Mais il leur a encore fallu remettre ça le 25 novembre dernier, cette fois en manifestant carrément devant le siège de l’ONF à Paris (https://reporterre.net/L-Etat-detruit-l-Office-national-des-forets-ses-agents-se-rebellent).

 

C’est qu’eux aussi voudraient bien pouvoir continuer à utiliser ces belles expressions du métier, à parler encore longtemps « trame de vieux bois » (pour reprendre cette expression employée dans le communiqué avec une gourmandise intéressée…). N’en doutons pas, ils pensent – et nous avec eux – à tous leurs collègues qui se sont suicidés, malades des politiques de l’ONF et de l’Etat, qui se comptent par dizaines depuis une bonne vingtaine d’années et qui auraient bien voulu continuer à s’occuper avec amour et dignité de leur « trame de vieux bois »…

 

Le principe de réalité, c’est aussi prendre en compte les éléments suivants :

 

1) DES CHIFFRES A FAIRE PLEURER. Pour un massif de 4381,02 ha* (4509,91 ha géographiquement parlant, mais à considérer pour la gestion sylvicole hors hippodrome de Mespras, prairie, arboretum et îlots de sénescence), un total de 6,26 ha d’îlots de sénescence* (où on laisse en principe les arbres aller jusqu’à leur terme sans intervention –

hors gestion, mais comparaison néanmoins très pertinente aux 4381,02 ha en gestion, car superficie boisée, contrairement à hippodrome, prairie et arboretum – dans le communiqué : 10 ha) et un total de 18,47 ha d’îlots de vieillissement* (dans le communiqué : 27 ha) (mais ces arbres n’ont en fait droit qu’à une vieillesse étriquée de 270 ans maximum).

Ce qui fait donc en sénescence 0,1428 % du massif, et en vieillissement 0,4215 % du massif. Soit un total confondu de 24,73 ha à peine supérieur à un demi-pourcent du massif – 0,5644 %* précisément !

 

* chiffres repris du document officiel d’Aménagement du massif pour la période 2008-2027 (assorti de son arrêté officiel de 2010) (superficies légèrement réévaluées depuis lors, en 2017 ? Pas facile d’avoir les données…)

 

Les derniers chiffres officiels du recensement (2013-2019), connus fin 2021, s’établissent comme suit, sans oublier que, depuis lors, les nouveaux habitants n’ont cessé d’affluer à un rythme  soutenu sur la métropole et la L-A. :

 

Nantes : 318 808 hab. 

Nantes Métropole : 664 504 hab.

Loire-Atlantique : 1 429 272 hab. pour une superficie de 6880 km2, soit 688 000 ha.

Communes du massif ou limitrophes du massif : 28 794 hab. (Blain 9954 / Le Gâvre 1821 / Plessé 5266 / Conquereuil 1095 / Vay 2051 / Guéméné-Penfao 5233 / Guenrouët 3374).

 

L’on comprend aisément que si l’on rapporte les 24,73 ha de « vieux bois » (37 ha selon le communiqué, ce qui ne change absolument rien au constat) de ce massif de 4381,02 hectares exploités, aux 688 000 ha du département, aussi bien qu’aux nombres d’habitants susmentionnés (sans même ajouter le moindre visiteur extérieur au département), l’on arrive à un ratio surface/habitant absolument insignifiant et ridicule dans tous les cas de figure.

 

Même l’ensemble de la forêt ne pèse que 0,6367 % de la superficie du département, ce qui est déjà bien peu pour une population avide de nature, de grand air, de promenades et de randonnées, qui souhaite jouir d’une vraie forêt et non d’une plantation entrecoupée sur de vastes étendues par une espèce de savane où règne l’envahissante molinie bleue (et ne pas avoir à accomplir des prouesses ou compter sur une probabilité digne des jeux de hasard pour voir la queue ou les cors d’un cerf…).

 

L’on pourrait d’ailleurs s’attendre, compte tenu de la relative pauvreté de la Bretagne et plus généralement de l’Ouest de la France en bois et forêts, notamment domaniales, que l’ONF s’y montrerait moins exigeant sur le plan de l’exploitation par rapport à des régions (Est, etc.) nettement mieux dotées. Mais il n’en est rien et la forêt du Gâvre doit payer son lourd tribut. L’on célèbre la biodiversité et l’accueil du public, mais c’est bien l’exploitation de la forêt qui prime.  

 

2) UN PATRIMOINE A EXPLOITER. S’agissant de la «