top of page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

​

ECOCOMBUST 2

​

 

Une enquête publique, organisée par la Préfecture de Loire-Atlantique, s’est déroulée « pendant une période de 33 jours du lundi 25 septembre 2023 à 9h00 au vendredi 27 octobre 2023 inclus à 17h00, portant sur la demande d’autorisation environnementale présentée par la société PAPREC ENERGY FROM WASTE en vue de la création d’une usine de fabrication de black pellets (projet ECOCOMBUST 2) sur l’emprise du site EDF sur la commune de Cordemais. »

 

Les contributions pouvaient être déposées physiquement en mairie de Cordemais ou bien en ligne sur le registre dématérialisé mis en place pour les besoins de l’enquête.

 

Ci-dessous la contribution déposée en ligne par Les Amis de la Forêt du Gâvre dans sa version in extenso transmise en pièce jointe, au format PDF, en appui de la version condensée directement déposée dans le registre numérique (nombre limite de mots).

​

Le rapport final du commissaire enquêteur est une belle illustration de la manière dont – ne serait-ce qu’en dosant et commentant judicieusement les arguments pour et contre – un projet quelconque peut être avalisé et légitimé en lui apposant le sceau d’une validation officielle résultant censément d’un processus démocratique, équitable, respectant scrupuleusement les règles de droit devant être observées dans le cadre d’une telle procédure, après quoi la préfecture n’a plus qu’à « finir le travail » et donner son feu vert à un projet qu’un certain président avait de toute façon déjà décidé !

Dans ces conditions biaisées, l’objectivité ne peut être que de façade.

(https://www.loire-atlantique.gouv.fr/contenu/telechargement/60629/442296/file/Conclusions%20V.%20Finale%20sign%C3%A9e.pdf)

 

 

https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/loire-atlantique/usine-de-black-pellets-a-cordemais-avis-favorable-pour-ecocombust-2-514f9920-8aad-11ee-b1b4-68cd37014792

 

 

 

-------------------

 

 

DEMANDE D’AUTORISATION ENVIRONNEMENTALE

CONTRIBUTION DES AFG A L’ENQUÊTE PUBLIQUE

(version in extenso)

 

 

 

 

 

 

L’association Les Amis de la forêt du Gâvre (AFG) défend la seule forêt domaniale du département de Loire-Atlantique et l‘un des rares massifs forestiers de quelque importance (4500 ha) dans l’Ouest de la France, région particulièrement pauvre en forêts. Cette forêt d’Etat se situe à seulement 23 km de Cordemais et donc du site prévu pour le projet Ecocombust 2.

 

Nos objectifs 

 

Les AFG ont pour principaux objectifs :

  • la mise en place d’une gestion véritablement durable de la forêt domaniale du Gâvre, ceci devant se traduire tout particulièrement par la généralisation d’une sylviculture en futaie irrégulière, à couvert continu, et non plus en futaie régulière, cette dernière impliquant des plantations d’arbres d’une même classe d’âge et récoltés par des coupes rases qui dénaturent le paysage forestier, laissent le sol à nu et mettent gravement à mal l’écosystème forestier ;

  • une réelle mise en pratique par l’Office national des Forêts (ONF) du principe de multifonctionnalité que l’Etat lui donne pour mission d’assurer : gestion forestière et production de bois, biodiversité, accueil du public, sécurité et lutte incendie, etc. : dans la pratique – et dans le contexte d’un ONF à la santé toujours fragile, perpétuellement en quête d’une rentabilité et d’une autosuffisance impossibles, si ce n’est à des coûts inconsidérés pour les forêts publiques et les personnels – ces injonctions multiples, voire contradictoires, font qu’il est demandé à un personnel en sous-effectif d’en faire toujours plus. Rien d’étonnant, dans ces conditions, à ce que la priorité aille très nettement à l’exploitation forestière, source principale des revenus d’un ONF qui est un EPIC (établissement public industriel et commercial), censé se montrer autosuffisant, alors que désormais, au regard des enjeux actuels en termes de climat, de biodiversité et de transitions en tout genre, la priorité doit aller à la biodiversité, à l’accueil du public, à la préservation du puits de carbone, la production de bois devant passer après, a fortiori au regard de la pauvreté en forêts de nos régions et des volumes de récolte relativement faibles pouvant être escomptés d’un tel massif (15-20 000 m3/an, et c’est déjà trop…) ;

  • la reconnaissance du fait que, désormais, la forêt domaniale du Gâvre est bien, de facto, une forêt suburbaine. Elle se situe à quelque 30-35 kilomètres/une demi-heure de route de la métropole nantaise, l’une des plus importantes de France, et du pôle métropolitain, de Nantes-Saint-Nazaire, soit une zone urbaine de plus de 800 000 habitants, qui accueille chaque année des milliers de nouveaux habitants, dans un département qui possède lui-même une population de pratiquement 1,5 million habitants. Des habitants qui ont un besoin essentiel de ce poumon vert qu’est la forêt du Gâvre, d’une forêt qui puisse être ressentie comme une vraie forêt, ce qui signifie, comme dans les cinquante forêts franciliennes et ailleurs, l’acceptation par l’ONF du fait que la dimension suburbaine de cette forêt rend désormais impossible la poursuite priorisée d’une exploitation forestière « classique », dont les modalités largement dénoncées amènent à la transformation d’un bien public précieux, au bénéfice du plus grand nombre, en une simple « usine à bois ».

 

Notre avis

 

Au regard des objectifs susmentionnés, il va de soi que notre association ne peut qu’être très dubitative quant à la pertinence du projet Ecocombust 2. En vérité, au vu de ce que contient – et ne contient pas – le dossier d’enquête publique, après lecture et analyse de ses nombreux fichiers, il nous est impossible d’émettre un avis autre que négatif.

 

Nous souscrivons à l’ensemble des réserves et avis émis par :

  • lle bureau de la CLE du SAGE Estuaire de la Loire, qui a émis un avis défavorable avec réserves  ;

  • la MRAe (Mission régionale d’autorité environnementale) ;

et aux interrogations soulevées par les services instructeurs de la Préfecture de Loire-Atlantique.

 

Les réponses apportées par Paprec (Dossier de Demande d’Autorisation Environnementale, Mémoire en réponse à l’avis de la Mission régionale d’autorité environnementale) laissent souvent à désirer et, dans bien des cas, n’emportent pas notre adhésion.

 

Il va de soi que nous partageons également et reprenons largement à notre compte les inquiétudes et les critiques émises par les autres associations environnementales.

 

Ceci étant, nous tenons à porter plus particulièrement à l’attention des commissaires enquêteurs les éléments suivants.

 

Comme souvent en pareils dossiers, la « vérité » du dossier ne réside pas tant dans ce que les pièces au dossier (aussi multiples, copieuses ou détaillées soient-elles, s’agissant notamment de la demande d’autorisation environnementale) ont à nous dire que dans ce qu’elles ne nous disent pas – ou peu, ou mal.

 

La « pensée unique » en action

 

On voudrait nous faire croire que « la messe est dite » que l’on ne s’y prendrait pas mieux.

Après les haut-le-cœur et les déconvenues à répétition que l’on sait concernant le devenir de Cordemais, le personnel de la centrale et, plus largement, les organisations syndicales à la manoeuvre depuis le début (depuis qu’est envisagé l’arrêt de la centrale de Cordemais) sur le site et dans l’ensemble de la Basse-Loire, fief cégétiste historique, veulent « y croire » et ont conscience qu’Ecocombust 2 a toutes chances d’être « la solution de la dernière chance ». Il en va de même des élus locaux, représentants des collectivités, partis politiques. Autrement dit, au nom de la défense de l’emploi et de son présupposé, une économie locale porteuse, « tout le monde » pousse à fond en faveur du projet. Et les ministères, administrations, services de l’Etat emboîtent le pas, suivent ou accompagnent le mouvement. Difficile qu’il en soit autrement, au demeurant, dès lors que le chef de l’Etat lui-même, lors d’une intervention télévisée à 20 h, apporte tout son soutien à ce projet et s’exprime comme si la chose était réglée (24/09/23 : « D'ici à 2027, que va-t-on faire ? On a encore deux centrales à charbon, Cordemais (ouest) et Saint-Avold (est), on va complètement les convertir à la biomasse ») !  Et ce, alors que l’on ne sait que trop l’écart entre les (double) discours affichés qui positivent à loisir et, au final,  la réalité des arbitrages et des décisions prises, et leur concrétisation sur le terrain.

 

L’on cherchera en vain dans les discours comme dans les documents fournis par Paprec dans le dossier de l’enquête publique, un questionnement digne de ce nom de la solution choisie  - déchets de bois B, vapocraquage, black pellets. Ne sont pas véritablement évoquées, mentionnées, étudiées, comparées les diverses solutions similaires ou du même ordre, que celles-ci fassent appel à la biomasse en général, au bois broyé (palettes forestières, pellets, déchets de bois B…), au vapocraquage (steam explosion), aux black pellets.

 

Bien qu’il s’agisse de solutions et de contextes différents, il n’est pas possible de ne pas évoquer dans le projet Ecocombust 2 tout ce qui a déjà été essayé en matière de conversion de centrales à charbon en centrales à biomasse, et qui n’a jamais réussi à tenir vraiment ses promesses, quand les résultats n’ont pas été tout simplement calamiteux en termes d’environnement ou de rentabilité : la centrale de Drax (Angleterre), la centrale de Gardanne, le projet Ecocombust 1, etc.

 

A tout le moins, l’on serait en droit d’avoir toutes informations pertinentes concernant les autres expériences en matière de black pellets, mobilisant des techniques et des installations industrielles similaires ou du même ordre, et tout particulièrement concernant la plate-forme de Bazancourt-Pomacle FICA-HPCI  (près de Reims), avec sa bioraffinerie et son unité de fabrication des HPCI® Black Pellets de l’Européenne de Biomasse.

 

L’on ne peut pas non plus considérer qu’est sérieusement exposée la question (pourtant cruciale) de la rentabilité d’Ecocombust 2. Paprec ne dit rien ou si peu des seuils et des conditions de rentabilité  (et ce ne sont pas les garanties financières indiquées dans le DDAE qui peuvent nous en dirent plus). De même, rien n’est dit des concours et dispositifs divers et variés en  matière de subventions et, plus largement, d’argent public. De l’argent public qui sera nécessairement mobilisé, à des niveaux tout à fait conséquents, et qui pourrait être plus utilement investi dans des projets beaucoup plus probants et durables en matière de transition énergétique, climatique, écologique.

 

La question du transport

 

Si l’alimentation de l’usine en déchets B et l’expédition éventuelle des black pellets non utilisés sur Cordemais se feront par la route, autrement dit par camions, Paprec entend se montrer ouvert à l’étude de la possibilité ultérieure d’une solution ferroviaire ou d’une solution maritime.

 

Néanmoins, Paprec expose clairement en d’autres points des documents mis à disposition pour l’enquête publique qu’il ne faut pas compter sur la solution ferroviaire. D’une part parce que la voie ferroviaire de la centrale n’est plus actuellement fonctionnelle, et d’autre part parce que les « gisements » de déchets envisagés (configuration, situation géographique…)  sont tels que cette approche n’est pas rentable*.

 

* « S’agissant de l’approvisionnement d’ECOCOMBUST 2 par le rail, les plates-formes de collecte de nos partenaires, fournisseurs de bois B, ne sont pas situées à proximité d’un chemin de fer. Dès lors, la distance d’approvisionnement modérée jumelée à la multiplication des transferts de matière première que nécessiterait l’usage du ferroviaire rendrait cette approche rédhibitoire d’un point de vue logistique et économique. »

 

Paprec n’a manifestement guère plus d’appétence pour la solution maritime, n’y voyant non plus aucune perspective de rentabilité (« la rentabilité et la faisabilité économique n'étaient pas au rendez-vous » des études initiales), même si l’opérateur ne ferme pas complètement la porte à cette idée en évoquant l’étude éventuelle sur trois ans d’une telle solution. En l’état actuel des choses, les installations existantes ne permettent pas un déchargement adapté de déchets bois. 

 

S’agissant du transport routier, Paprec présente les chiffres d’accroissement du trafic de poids lourds sur la RD 49 et la RD17 sous le meilleur jour possible (tout en précisant bien + 68-82 % de trafic camions sur la RD49 et + 36-44 % sur la RD17). L’on se doute bien que même une augmentation légère d’un niveau de circulation et de transport routier déjà conséquent peut se traduire par un niveau de nuisances et de dégradation des conditions de vie des populations tout à fait préjudiciables. Les conséquences sur l’état du réseau routier, à la charge des collectivités publiques,  peuvent être également des plus délétères.

 

Rien n’est dit des autres voies routières empruntées : voies express, autoroutes, départementales, voire communales. L’aire d’approvisionnement envisagée (190 km, si tant est que l’on s’en tienne in fine à cette zone relativement limitée – rien n’est moins sûr) implique l’usage d’un réseau routier bien plus large que les deux voies mentionnées, et déjà bien sollicité par le trafic actuel, tout particulièrement s’agissant du transport routier.

Rien n’est dit, notamment, de la sollicitation nécessairement conséquente des réseaux routiers sur les lieux de production/regroupement/chargement des déchets de bois comme du combustible CSR.

 

Il s’en suit qu’en matière de transport – en entrée comme en sortie – le projet Ecocombust 2 n’est guère porteur de vertus environnementales.

 

Nouvelle classification des déchets bois

 

Il est très regrettable que Paprec n’ait pas eu recours, pour élaborer et faire valoir son projet, au nouveau Référentiel de classification de déchets bois. Ce document est diffusé par l’ADEME.

 

« Ce document est le fruit des travaux d’un groupe de représentants d’organisations intéressées à la question de l’amélioration du recyclage et de la valorisation énergétique des déchets de bois en France, groupe mis en place dans le cadre du Défi 3 du Comité Stratégique de Filière Bois (CSF Bois), qui a œuvré à l’élaboration, puis à la mise en œuvre du Plan Déchets du CSF bois. » Ce document est notamment accessible ici : https://www.codifab.fr/uploads/media/62867d4fa564a/csf-classification-dechets-bois-v0.pdf.

 

Comme il est précisé en introduction de ce référentiel :

« La classification usuelle française existante des déchets de bois, en trois classes A, B, C, sans définition précise de caractéristiques, est inadéquate car sans correspondance avec les réglementations sur la classification des déchets, les installations de combustion et le recyclage en panneaux à base de bois.

Considérant les exemples de classifications existants au niveau européen et en normalisation internationale, les cahiers des charges et les besoins de structuration par rapport aux filières de recyclage et de valorisation énergétique, la nouvelle classification décrite dans ce document a été élaborée par le GT du plan déchets du CSF Bois, qui rassemble les organisations professionnelles et organismes intéressés à gestion des déchets bois et au développement de leur recyclage et de leur  valorisation. »

 

Entre la classe A et la classe C, la classe B  se voit ainsi remplacée de manière nettement plus précise par deux classes intermédiaires :

« o Classe BR1 : déchets non dangereux respectant un cahier des charges de composition chimique avec des valeurs limites de concentration sur une liste déterminée de substances chimiques, dans l’objectif de permettre, pour ces déchets, leur recyclage notamment en panneaux à base de bois ; pour la valorisation énergétique en installation de combustion, les déchets de bois devront répondre à la définition réglementaire de la biomasse ou n’être plus considérés comme des déchets à la suite d’une procédure de sortie du statut de déchet, conformément aux dispositions de l’article L 541-4-3 du Code de l’Environnement

o Classe BR2 : déchets non dangereux permettant le recyclage en panneaux et la valorisation énergétique en installations d’incinération ou de co-incinération de déchets, répondant aux dispositions des rubriques 2771 ou 2971 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement. »

 

L’on se reportera utilement à ce référentiel qui «  s’applique à tous les déchets de bois issus de la transformation du bois et de la fabrication des produits à base de bois et des produits en fin de vie à base de bois : emballages, meubles, produits de construction, produits d’aménagement extérieur et de génie civil. »  Datant de mai 2022, son usage devrait s’imposer à Paprec, l’absence de sa prise en compte est une lacune grave et le projet devrait être revu à la lumière de ce référentiel. Quand bien même celui-ci ne revêt pas de caractère obligatoire, il reflète « l’état de l’art ».

 

Quid de la ressource ?

 

Le moins que l’on puisse dire est que Paprec est peu disert quant à l’origine des déchets qu’il entend mobiliser : les gisements et autres lieux de puisage censés fournir ces « 250 000t de

bois déchets et 40 000t de CSR [qui] vont être collectés transformés au plus près des points de puisage ».

 

Concernant les déchets de bois B, l’on reste vraiment dans les généralités et l’on est prié de bien vouloir considérer que Paprec a paré à tout et que, de quelque manière qu’on le prenne, son projet a pour lui tous les atouts. « Le projet ECOCOMBUST 2, dont la première usine sera implantée sur le site de la centrale électrique d’EDF à Cordemais, s’est voulu volontairement vertueux ». « L’ambition au travers de ce projet de construction d’usine de fabrication de pellet est donc de créer une nouvelle filière industrielle française pour fabriquer un combustible solide neutre en CO2 alternatif au charbon. ECOCOMBUST 2, c’est environ 300 000 tonnes d’émissions CO2 annuelle en France évitées ». Et, au surplus, « nous avons volontairement élargi le périmètre de collecte afin de limiter les concurrences d’usage ». 

 

Concernant l’origine du combustible CSR (combustibles solides de récupération), l’on doit se contenter de savoir qu’il proviendra à 100 % de « la région ou département limitrophe du 44 » [Ile et Vilaine]. Pour les déchets de bois, cela descend à 65 % (région et départements limitrophes), soit          35 % des déchets provenant du Finistère, de la Gironde et de l’Eure-et-Loir.

 

 Et il ne faut pas compter sur la PJ n° 51 « Origine des déchets » du dossier de l’enquête publique et sur les cartes proposées dans ce document pour en apprendre vraiment plus sur ces « gisements », sur les détails de l’approvisionnement. 

 

Le problème principal du projet Ecocombust 2 est le même que celui que posait Ecocombust 1, de sorte que l’on peut reprendre à nouveau, pour l’essentiel, l’analyse faite par Les Amis de la Terre et le Réseau Action Climat dans leur rapport de l’époque (« Repousser la fermeture de la centrale à charbon de Cordemais pour le projet de reconversion Ecocombust : une entourloupe

d'EDF ? » Janvier 2019 https://www.amisdelaterre.org/wp-content/uploads/2019/01/janvier2019rapportecocombust.pdf) :

« S’il est vrai qu’aujourd’hui un grand nombre de déchets de bois de classe B et ne sont pas valorisés, la meilleure option reste d’encourager leur utilisation pour fabriquer des panneaux de bois utiles à la construction plutôt que leur combustion. Il est essentiel de respecter le principe de hiérarchie de ces usages et d’utiliser ce gisement pour la fabrication de matériaux plutôt que la valorisation énergétique. Si le gisement de bois de classe B est détourné pour un usage énergétique, les industries du panneau se tourneront vers la forêt comme c’est déjà le cas aujourd’hui. Le projet Ecocombust pourrait donc entraîner indirectement une déforestation importante.

Selon la Fédération Professionnelle des Entreprises du Recyclage, les panneautiers français n’incorporent en effet aujourd’hui qu’en moyenne 35 % de bois-déchet dans leur production, contre 70 % à 90 % en Belgique et jusqu'à 100 % en Italie. Ils préfèrent le bois forestier non pollué et seul un changement dans la fiscalité pourrait les inciter à incorporer davantage de bois recyclé. C’est un des enjeux de la future loi relative à l'Économie circulaire. De plus, dans les prochaines années, en cohérence avec les politiques publiques qui visent à développer l’usage des matériaux biosourcés et la construction bois, la demande en panneaux de bois devrait augmenter. Le projet de recherche Terracrea, auquel ont participé les Amis de la Terre, estime ainsi qu’à l’horizon 2050 la demande en panneaux de bois pourrait être de l’ordre de 9 millions de m3 (contre environ 4 millions de m3 aujourd’hui). 

Les Amis de la Terre et le Réseau Action Climat soulèvent un gros problème de transparence concernant les quantités et types de gisements qu'EDF compte mobiliser pour réaliser Ecocombust.

Une décision est sur le point d'être prise alors que des éléments importants n'ont pas été versés au

débat public. Dans tous les cas, en fonction du nombre d'heures de fonctionnement, les quantités de biomasse nécessaires sont tellement énormes que ce projet risque de déstabiliser la filière dans

certaines régions, et par effet de ricochet augmenter les prélèvements en forêt pour d'autres usages. Or, face à l'urgence climatique, nous devons augmenter la surface forestière, capable de stocker du carbone, et non la réduire. »

 

Compte tenu de ses besoins en déchets bois, des évolutions futures de la ressource en bois-déchet, et notamment en bois B, de la concurrence avec les multiples besoins en bois-déchet qui ne vont que croissants, notamment de la part des fabricants de panneaux, il apparait illusoire de croire que le périmètre prévu pour récupérer le bois-déchet nécessaire au fonctionnement du projet Ecocombust 2 en restera à la zone géographique initiale (censément restreinte, mais faisant déjà tout de même 190 km), et qu’elle s’en tiendra aux départements et aux pourcentages avancés.

 

Il ne fait aucun doute que les filières locales de déchets de bois B seront fortement déstabilisées et que « les concurrences d’usage » ne seront en aucune façon évitées, bien au contraire. Une fois l’usine de black pellets lancée, tout sera fait pour la « maintenir en vie », dès lors que l’essentiel du gisement disponible de bois B aura été absorbé.

 

Comme pour Ecocombust 1, il s’agira alors de mobiliser aussi « la partie ligneuse des déchets verts (la partie ligneuse des refus de crible issus du compostage des déchets verts, ligneux issu des tailles et élagages paysagers et urbains issus de l’entretien des jardins des particuliers) ». Avec là encore à la clé de nouvelles concurrences d’usage.

 

Et comme bien envisagé pour Ecocombust 1, l’on finira par passer aux déchets de bois A. « Les premières études réalisées nous permettent d’envisager un approvisionnement essentiellement de bois déchets (bois A et B) » (document EDF « Vers une filière de fabrication d’un combustible innovant et écologique », février 2019).

 

L’on se retrouvera avec une usine de black pellets, white pellets, green pellets (sur le mode du modèle industriel mis en place par l’Européenne de biomasse), des granulés dont on vantera les bienfaits en termes de réduction du carbone, mais dont la fabrication sollicitera au-delà de toute mesure les gisements de biomasse dans le 44, dans la région et bien au-delà, mettant en péril la biodiversité et les écosystèmes bocagers et forestiers.

 

Tout ce que la région et l’Ouest comptera de déchets de bois, ou même simplement de bois susceptible d’être broyé et transformé en bois-plaquette (plaquettes forestières) risquera d’être « siphonné » par Ecocombust 2.

 

Le CESER de la région PdL a établi un rapport prônant le maintien et le développement des haies, assorti de 22 préconisations visant notamment à en assurer une gestion durable et économiquement viable, faisant de ce  bois local et durable une ressource renouvelable et écologique (synthèse :

https://ceser.paysdelaloire.fr/wp-content/uploads/RPDL_synthese_Ceser_Arbre_oct2022_web.pdf rapport :

https://ceser.paysdelaloire.fr/wp-content/uploads/Larbre-poumon-de-nos-vies-ligeriennes.pdf). Ceci participe d’un mouvement général, mobilisant des montants tout à fait significatifs d’argent public. Après avoir détruit les haies bocagères à l’occasion d’un remembrement hors de contrôle, voilà que l’on a compris tous les bienfaits des haies et que l’on veut en replanter. Cependant, dans le même temps, l’arrachage et la destruction des haies se produits dans des proportions très importantes, en raison des pratiques agricoles et notamment de la taille des engins gênés dans leurs évolutions par la présence des haies séparatives entre deux parcelles.

Que ce soit par l’élimination ou la taille excessive des haies, l’on se dirige donc vers une surexploitation, plutôt qu’une exploitation raisonnée,  de ce qui reste de haies pour toutes les utilisations en lien avec la biomasse et les déchets bois, en pleine expansion.

Les entreprises qui ont investi ce marché et les exploitants forestiers récupèrent tout ce qu’il y a à récupérer et les offres faites sont suffisamment attractives pour convaincre aisément les détenteurs de ressources, de gisements.

Ce constat ne concerne pas que les haies, mais s’étend à l’ensemble des bois et taillis, qu’ils soient, comme souvent privés, ou même communaux. D’un jour à l’autre, écosystèmes et cadres de vie sont bouleversés pour le pire, car il est bien difficile pour un propriétaire privé de résister à une offre alléchante ou même pour un maire, avec ou sans l’aval de son conseil municipal, de refuser une proposition qui va arrondir les finances locales. C’est ainsi que disparaissent ici un bel alignement d’arbres, là un petit bois non ou mal exploité, et ainsi de suite.

 

Au bout de ce processus ou plutôt simultanément, l’on trouve évidemment le gisement de bois que constitue la forêt du Gâvre.  Certes, une forêt domaniale est censée être inaliénable et l’ONF assure une gestion « dans les règles », strictement bordée par le plan d’Aménagement forestier qui s’étale sur vingt ans. Mais, en tant qu’EPIC, l’ONF ne cesse de courir après la rentabilité et se veut pleinement acteur de la filière bois, une filière dont les acteurs n’ont de cesse de convoiter la ressource. Si les plus belles pièces finissent normalement dans le bois d’œuvre et autres tonneaux, celles-ci ont droit aussi, comme le tout-venant, à des usages moins nobles, et l’aller-retour avec la Chine figure souvent au programme. Les tout juste dix pour cent de forêts domaniales françaises, au lieu d’être préservés – pour la biodiversité, pour le public, pour le climat, pour la conservation du carbone – font bel et bien l’objet d’une « gestion durable » qui est loin de l’être vraiment, en appliquant des méthodes qui visent surtout à répondre aux besoins des exploitants forestiers et des industriels du bois, selon une logique trop largement mercantile, dont on ne perçoit que trop bien les effets lorsqu’on parcourt la forêt du Gâvre. D’ores et déjà, une grande partie du bois récolté est destiné au bois-plaquette et utilisé comme bois-énergie. Que ce bois déchiqueté soit transformé en plaquettes forestières, en plaquettes industrielles ou en pellets, il serait d’une grande naïveté de croire que l’ONF saurait résister aux fortes sollicitations des industriels de la biomasse et du bois-énergie.

 

En conclusion

 

Un gisement de 4 500 ha de bois à seulement 23 km de l’usine Ecocombust 2 : malgré toutes les dénégations à attendre des intéressés, il est évident que ceux-ci ne peuvent être insensibles à l’existence d’une telle manne, à si peu de distance, pour assouvir les besoins insatiables d’une usine qui risque fort de ne pas se contenter longtemps de produire des black pellets, quitte à procéder aux adaptations nécessaires de l’outil industriel.

 

C’est pourquoi, à tout le moins, il convient de reprendre les demandes formulées en 2019 par les Amis de la Terre et le Réseau Action Climat, à savoir :

- répondre à nos questionnements sur la viabilité industrielle du projet ;

- publier les gisements précis qu'elle compte mobiliser ;

- publier l’analyse économique et préciser le montant des subventions demandées (incluant un potentiel prix de rachat de l'électricité) ainsi que le coût de production du MWh d’électricité.

 

Le titre du rapport de février 2023 émis par l’organisation Canopée, « bois énergie, l’équation impossible », est on ne peut plus parlant.  La lecture attentive de ce rapport est à recommander à tous les décideurs qui s’apprêtent à donner leur feu vert – qui l’ont déjà donné – au projet Ecocombust 2.

 

Citons simplement, en conclusion, ces quelques passages :

 

« Sous la pression des premiers effets des changements climatiques, nos forêts souffrent et leur capacité d’absorption de carbone diminue. Plutôt que d’ajuster la récolte de bois à ces nouvelles conditions, la demande en bois énergie est en hausse avec un risque d’accroître davantage la dégradation du puits de carbone forestier.

A l’horizon 2050, l’émergence de nouveaux usages, comme le biogaz ou les biocarburants à base de bois, pourrait venir s’additionner aux usages existants et entraîner une augmentation forte de la récolte de bois énergie. Selon les scénarios envisagés, la demande de bois énergie liée à la forêt pourrait être maintenue au niveau actuel (30 Mm³/an) ou exploser (110 Mm³/an).

Sans arbitrages politiques rapides et clairs, le risque est de voir chaque filière retenir les hypothèses les plus avantageuses pour ses intérêts, d’accélérer la construction de nouvelles infrastructures et d’entraîner une hausse de la demande insoutenable. 

(…) Les nouveaux flux identifiés sur la biomasse primaire forestière et secondaire (prélèvements en forêt, hausse du bois recyclé/récupéré, hausse de la mortalité…) et le développement des nouveaux usages (pyrogazéification, biocarburant) sont autant de risques encourus sur le puits de carbone forestier.

(…) Les besoins d’arbitrage justes et nécessaires entre les différents usages du bois énergie (combustion, gazéification, biocarburants) doivent être clairement établis et pris en compte dans les dispositifs d’aide aux différents usages, afin d’éviter un risque de concurrence des filières entre elles.

  • Tout volume additionnel fléché vers la filière “bois énergie” ne devrait être validé qu’à partir du moment où une baisse effective des usages historiques de combustion est constatée et pérennisée, que ce soit par substitution d’énergie (électrification du chauffage) ou une meilleure efficacité des appareils (remplacement des foyers ouverts) et la rénovation énergétique des logements ;

  • Une distinction entre les gisements structurels et conjoncturels (crise sanitaire) est à intégrer avant décision : une infrastructure avec une durée de vie de plusieurs dizaines d’années ne devrait pas pouvoir être autorisée si son plan d’approvisionnement est basé sur un gisement conjoncturel.

  • Les données utilisées dans les différents scénarios prospectifs par les pouvoirs publics doivent être accessibles de façon plus transparente et avec des unités harmonisées, ce qui permettrait d’éclairer le débat.

  • L’usage de la biomasse forestière pour la production de biocarburants n’est en aucun cas acceptable sans que ne soit remise en cause la croissance du transport aérien et maritime.

  • Les pertes d’exploitation ainsi que les souches qui restent actuellement en forêt ont une valeur écologique et doivent rester en forêt (gage de la productivité future). Par ailleurs, les grandes coupes rases doivent être mieux encadrées et limitées aux seuls cas de crise sanitaire. »

 

Ecocombust 2 est censé durer vingt ans. Vingt ans pour mettre en coupe réglée tous les gisements de bois-énergie, et ce alors que les conditions environnementales ne cessent d’évoluer drastiquement et sans certitude quant à l’avenir.  Que restera-t-il au terme de ces vingt ans de nos paysages, de nos bocages, de nos boisements, de cette forêt du Gâvre sur laquelle pèserait une lourde menace dès lors que le projet Ecocombust 2 verrait le jour ?

​

​

-----------

bottom of page