Un élevage de 400 vaches
à l’orée de la forêt ?!
Consultation du public
Notre contribution
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A l’attention de Monsieur le Préfet
Contribution de l’Association Les Amis de la Forêt du Gâvre (AFG) transmise dans le cadre de la Consultation du public relative à la Demande d’enregistrement présentée par le GAEC DU BEAU SOLEIL en vue d’obtenir l’autorisation de procéder à l’extension des effectifs d‘un élevage de vaches laitières au Haut Luc, sur la commune du Gâvre.
Les Amis de la Forêt du Gâvre (AFG) ont pour raison d’être de défendre inlassablement la forêt domaniale du Gâvre – la seule de Loire-Atlantique et la plus grande de l’Ouest – afin que soient préservées et renforcées toutes les richesses de la biodiversité, des écosystèmes et des paysages de ce massif qu’avaient su préserver les ducs de Bretagne. Car ce bien commun ne cesse d’être malmené par une gestion sylvicole qui fait encore la part trop belle à la logique mercantile de l’industrie forestière, dans une forêt pourtant publique. Pour pouvoir défendre mieux encore cette forêt et, plus généralement, la forêt, dans le souci constant de l’environnement et de l’intérêt général, l’association a rejoint France Nature Environnement en qualité de membre fondateur de FNE Loire-Atlantique.
Pour mémoire, France Nature Environnement est constituée de plus de 6 200 associations, soit plus de 900 000 adhérents. FNE couvre l’ensemble du territoire (métropole et outremer) à travers ses fédérations régionales et départementales. FNE est reconnue d’utilité publique (depuis 1976), agréée au titre de la protection de l’environnement et reconnue représentative au titre du code de l’environnement.
Notre association a bien un intérêt à agir, étant domiciliée sur la commune du Gâvre, mais aussi en vertu de ses statuts (extrait : « L'association Les Amis de la Forêt du Gâvre a pour objet de protéger le patrimoine forestier de la forêt domaniale du Gâvre et l’ensemble de l’écosystème qu’il constitue, ceci incluant tous les milieux (principalement bocagers) qui l’environnent, avec la volonté d’en conserver les espaces, ressources, milieux et habitats naturels, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres fondamentaux écologiques, la qualité de l'eau, de l’air et des sols, les sites, les paysages et le cadre de vie. »).
Il va de soi que les AFG ne se préoccupent pas uniquement de la forêt du Gâvre dans les limites de son seul périmètre, mais s’attachent également à défendre l’ensemble de l’environnement proche de cette forêt. Pour faire simple, la qualité de cette forêt domaniale dépend également, de manière directe et étroite, de celle des milieux qui l’entourent.
C’est ainsi, à titre d’exemple, que les AFG s’étaient fermement opposés au projet qui s’était fait jour d’un parc éolien sur le site de la Chèvrerie, en limite sud-ouest de la forêt du Gâvre et véritablement en lisière de celle-ci. La Préfecture avait, fort heureusement, refusé d’accorder l’autorisation environnementale unique (08/08/22).
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On enregistre, et ensuite…
Il n’est pas inutile de rappeler que le régime d’enregistrement est bien un régime d’autorisation simplifié des ICPE, intermédiaire entre le régime de déclaration et celui d’autorisation. Ce qui ne veut pas que les installations en question ne peuvent pas présenter des dangers ou des inconvénients graves au regard des enjeux que posent les ICPE. Ni de rappeler ce que ce régime autorise :
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Des élevages de « volailles » (poules, poulets, dindes, cailles, canards, perdrix) comprenant entre 30 001 et 40 000 animaux ;
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Des élevages de bovins de 151 à 400 vaches laitières ou de 401 à 800 vaches ou veaux destinés à l’engraissement ;
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Des élevages de cochons de plus de 450 animaux équivalents.
Il aurait été étonnant que, pour faire valoir l’intérêt de son projet d’extension d’un élevage laitier et tout particulièrement son « innocuité » environnementale, le GAEC du Beau Soleil, qui vient donc de reprendre celui de l‘Orée de la Forêt, sis au hameau du Haut Luc, n’insistât pas sur le fait que ce projet ne nécessite aucune construction nouvelle – simplement un certain… réaménagement des bâtiments existants – ni aucune zone d’épandage nouvelle, se contentant là encore de faire avec l’existant et de s’en tenir, par conséquent, à l’addition des deux surfaces d’épandage respectives (220 ha au total, dont 141 ha au Gâvre). De même, et surtout, l’extension du cheptel serait avant tout à considérer comme l’addition des cheptels des deux élevages, à ceci près que le GAEC repreneur entend arrêter la viande et se concentrer donc uniquement sur le lait (220-230 vaches, en fait jusqu’à 270 possibles (pour commencer ?) si l’enregistrement est accordé + les génisses). Mais, évidemment, tout ceci n’est pas si simple.
Le fait – originalité du dossier – que le GAEC repreneur se trouve à 23 km de l’élevage laitier repris et qu’il prévoit de continuer à élever (engraisser) des génisses sur son premier site, puis à les transporter sur son second site peut tout de même interpeller à bon droit et laisser songeur, d’autant qu’on nous présente toute une série d’itinéraires plus ou moins avantageux pour assurer cette transhumance d’un nouveau genre, entre Le Gâvre et Héric. Etant entendu qu’il est, bien sûr, prévu que la circulation des camions et des engins agricoles en lien avec l’exploitation évite soigneusement de passer par le hameau du Haut-Luc. Comme si les contournements prévus, qui restent très proches du hameau, n’allaient pas entraîner diverses nuisances pour l’état des chaussées et la tranquillité des habitants, sans parler des accidents toujours possibles.
Héric où, décidément, l’on apprécie beaucoup le soleil, puisqu’à tout juste 500-600 m l’un de l’autre – et cela le dossier ne le dit pas ! – l’on trouve ce Gaec de Beau Soleil et celui du Soleil Levant dont le projet de méthaniseur a donné lieu, récemment, à une enquête publique… et à de nombreuses oppositions suscitées par la question de la méthanisation (de la part d’un porteur de projet qui fait déjà du photovoltaïque), à deux pas du canal de Nantes à Brest et de la zone de captage du Plessis Pas-Brunet dont la qualité des eaux, comme chacun sait, ne cesse de préoccuper (et de plus en plus) les autorités et les populations.
S’il ne semble pas, à ce jour, qu’il y ait de lien avéré entre les deux projets/porteurs de projet, l’on ne peut exclure que, dans quelque temps, de manière somme toute assez classique, de nouveaux contrats de méthanisation puissent être signés par la société créée par le GAEC du Soleil Levant pour son activité énergétique – SAS ENERGIES 2 L'ELEVAGE –, que de nouveaux actionnaires entrent dans la société, bref, que les effluents de l’élevage du GAEC du Beau Soleil puissent finir par alimenter d’une manière ou d’une autre l’activité de méthanisation. Car si le porteur de projet se veut évidemment rassurant en insistant sur le fait que les vaches laitières au Haut Luc ne seront « que » 220-230 (là où elles n’étaient que 150) et que les 122 génisses (au lieu de 95) seront surtout à Héric, il faut bien considérer que l’on arrive à un total qui a toute chance de tutoyer tôt ou tard la limite maximale des 400 vaches laitières autorisées par le régime de l’enregistrement. Et que donc, même si l’on est loin d’une « ferme des mille vaches », on est là dans un réel changement d’échelle, voire, à terme, de destination.
L’hypothèse d’un tel virage agroénergétique (au moins partiel) de ce GAEC du Beau Soleil est d’autant plus plausible et à ne pas éluder que l’on assiste (comme l’on peut parler d’une déprise agricole) à une véritable déprise laitière (multifactorielle), se traduisant par de moins en moins d’éleveurs, des cheptels de plus en plus grands et, dernièrement, un acteur majeur (Lactalis) qui ajuste sévèrement son périmètre de collecte de lait aux réalités d’un secteur où l’export ne peut pas/ne peut plus tout et à des habitudes de consommation dont les changements ne cessent de s’accentuer et que l’on ne peut pas compenser perpétuellement par des productions fromagères et autres poudres de lait.
Comment ce qui fait déjà tant débat dans notre société en général et dans les cas de figure « classiques » ne le ferait-il pas dans le cas présent où le projet se trouve (excusez du peu !) carrément en lisière d’une forêt, et, qui plus est, d’une forêt publique, d’une forêt domaniale (donc appartenant à l’Etat, son fameux domaine privé…), d’une forêt Natura 2000, d’une ZNIEF… ?!
Il n’est d’ailleurs pas interdit de s’étonner qu’une pareille exploitation laitière ait pu fonctionner à proximité immédiate d’une telle forêt, même avec « seulement » 150 vaches et même s’il convient naturellement de mettre cela largement sur le compte d’un « autre temps, autres règles », avec des exploitations présentes de longue date et qui ont évolué au fil des mutations du monde agricole (et que dire du karting Solokart, de l’autre côté de la forêt, sur Plessé, que l’on a laissé se développer jusqu’à ce que celui-ci en vienne finalement à afficher le « circuit plus long d’Europe », alors qu’il jouxte cette même forêt !!!). Mais de là à accepter quasiment 400 vaches à terme en stabulation à quelques dizaines de mètres d’une forêt domaniale Natura 2000 d’un côté et à quelques dizaines de mètres d‘un hameau important, en vérité un véritable petit village, de l’autre côté, voilà qui est tout autre chose ! Les bâtiments de l’élevage, répartis de part et d’autre d’un chemin d’exploitation ne se trouvent, pour les plus proches de la forêt, qu’à quelque 400 m de la lisière de celle-ci et, pour les plus proches du hameau, à moins de 100 m de la première habitation.
Comme tant d’autres associations environnementales et tant de citoyen(ne)s, les AFG ne peuvent qu’être pour une agriculture compatible avec la présence toute proche et d’une forêt (domaniale) et d’une population riveraine très soucieuse de sa qualité de vie et de son cadre de vie. Autrement dit, il n’y a pas de place en pareil lieu pour une agriculture intensive ou, si l’on préfère, productiviste, euphémisée en « conventionnelle ». Et qu’est-ce donc sinon cela qu’un élevage où les vaches passent le plus clair de leur existence dans un bâtiment (qui ne vise qu’à leur productivité) et finalement bien peu de temps dans les quelques parcelles cultivées en prairie ?
L’on est bien ici dans ce débat aussi lancinant que légitime qui amène à se poser la question : de quelle agriculture voulons-nous ? Cette question est au cœur du présent dossier de reprise et d’extension d’un élevage, lequel doit être apprécié à l’aune du contexte agricole et environnemental actuel.
Et que fait-on d’un certain article L214-1…
L’on sait que si l’association désormais bien connue L214 a choisi de s’appeler ainsi pour mener son combat contre les mauvais traitements infligés aux animaux, c’est précisément à cause de cet article (les articles L214-1 et suivants du chapitre IV, consacré à la protection des animaux, du Titre 1er du Code rural et de la pêche maritime) qui stipule : « Tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce. »
L’on peut aisément comprendre que le principe même de l’élevage du bétail en stabulation (en dépit des diverses modalités pouvant être envisagées : stabulation libre ou non, avec ou sans stalles… ; en l’occurrence, il s’agit d’une stabulation logettes*, qui est le système le plus répandu) ne permet pas de répondre pleinement à ces impératifs biologiques que l’on ne saurait réduire à la satisfaction primaire des seules fonctions les plus basiques (manger, boire, etc.). L’on n’est certes pas ici dans l’univers concentrationnaire qui est le lot commun de quantités innombrables de volailles et de porcs. L’on n’est pas non dans les cas patents de cruauté envers ces « êtres sensibles » que sont un taureau ou un cerf puisque le législateur s’est cru autorisé à maintenir encore des formes légales de cruauté (corrida, chasse à cour). Sans parler de ce qui se passe dans les abattoirs.
*https://www.efsa.europa.eu/fr/plain-language-summary/welfare-dairy-cows
Il est évident que ce mode d’élevage présente beaucoup d’avantages pour l’éleveur, la plupart des opérations (alimentation, traite, nettoyage…) étant souvent automatisées, pouvant se dérouler dans le même lieu. Et que les races de bétail actuelles, hormis les plus rustiques, ne peuvent rester constamment à l’air libre, compte tenu des intempéries et des rigueurs du climat. Mais de là à considérer comme acceptable qu’un bovin ne puisse jamais pâturer dans une prairie ou que cela ne soit réservé qu’à une vache laitière et seulement sur de courtes périodes de son existence et prétendre que le bien-être animal y trouve son compte (« de bonne conditions d’élevage » nous dit-on)...
Or, c’est bien l’un des problèmes que pose le présent dossier puisque la surface en prairie pâturée (38 ha) est tout de même plutôt limitée par rapport au nombre de vaches et que l’essentiel de la SAU est consacrée aux cultures (comme il se doit, essentiellement du maïs d’ensilage) et fera l’objet d’épandages. « En ce qui concerne le pâturage, seules les vaches traites y auront accès. Le temps de présence des vaches laitières traites en bâtiment sera de 8.5 mois, de 3,5 mois en pâturage. Les vaches laitières taries ou en infirmerie et toutes les génisses seront en permanence en bâtiment (12 mois, au Haut Luc comme à Héric). Les vaches laitières traites pourront bénéficier de surfaces de pâturage importantes [!] autour des bâtiments, comme c'est le cas actuellement. » Des bêtes en plein air 6 mois de l’année et 6 heures par jour pour se conformer à une charte sans OGM (laquelle exactement, pour du « lait de pâturage sans OGM » ?) ? Un objectif volontiers mis en avant, mais qui apparaît être ni impératif, ni convaincant.
Un monde agricole dans la tourmente
Le contexte actuel est celui d’un monde agricole dans la tourmente, confronté à de multiples problèmes – traités de libre échange tels que le Mercosur, déclin de la consommation de la viande et du lait, contestation d’un modèle productiviste qui est allé très loin et entend même aller plus loin encore, immense défi du changement climatique… Mais un monde agricole dont les principaux acteurs n’entendent pas changer de cap et préfèrent s’entêter dans des certitudes qui leur avaient, finalement, plutôt bien réussies jusqu’ici.
Pourtant, quelle que puisse être le capital de sympathie, censément assez considérable, que conservent les Français aux paysans – une sympathie largement alimentée par les idées reçues et une forme entretenue de nostalgie pour un passé enjolivé –, il serait temps que les politiques, élus et pouvoirs publics réactualisent leurs grilles de lecture et qu’ils réévaluent le poids réel et le pouvoir électoral d’un monde agricole qui se réduit à moins de 390 000 exploitations dans un pays comptant une population, très largement urbaine, de plus de 68 millions d’habitants.
Le Pacte Vert européen avait été laborieusement adopté justement pour essayer de faire face au grand défi de l’environnement et du climat. Mais il n’aura pas fallu longtemps avant que les lobbies agricoles ne fassent front commun (conjointement avec les fabricants de pesticides et autres) et se lancent dans un détricotage de ce pacte qui n’en finit pas d’être vilipendé et affaibli, au niveau de l’Europe comme au niveau de la France. L’on peut mesurer tous les jours le grand écart entre les discours et les actes, avec notamment un objectif ZAN qui doit faire face à bien des réticences et avec une FNSEA aussi hors sol que ses méthodes d’élevage productivistes. L’écart est toujours plus grand entre le Green Deal et la PAC dont les obligations environnementales ne cessent d’être détricotées via les PSN (plans stratégiques nationaux), sous l’action d’une FNSEA qui n’a de cesse de pousser son avantage et qui a, plus que jamais, pour courroie de transmission un ministère de l’agriculture sous influence. Les multiples intitulés, périmètres et prérogatives des « ministères de l’Environnement/de la Transition écologique » successifs en disent long sur l’écart parfois abyssal entre « les discours et les actes ».
Le grand syndicat agricole (et celui des Jeunes Agriculteurs qui lui est consubstantiellement lié) est évidemment plus que jamais à la manœuvre, jusqu’au niveau local, des territoires, fort notamment de sa sureprésentation, par lui-même et avec ses divers relais, dans les multiples commissions et instances (telles que les SAFER) qui ont à traiter des dossiers agricoles, et fort de son contrôle monopolistique sur les chambres d’agriculture. Un quasi-monopole qu’elle entend bien maintenir, ce qui explique aussi pour beaucoup sa virulence actuelle, compte tenu des élections aux chambres qui se rapprochent.
Le fait est que l’on assiste à une concentration toujours plus poussée des exploitations comme des opérateurs agroéconomiques – les agroindustriels. Une concentration qui se traduit évidemment d’une part par des exploitations toujours plus étendues, et d’autre part par des coopératives et des groupes toujours plus gros et puissants. Un phénomène qui ne peut que s’accentuer fortement avec le départ à la retraite de forts contingents d’agriculteurs. Car, comme le rappelle Le Monde dans l’article cité ci-après, « la question de la transmission et de l’installation des jeunes est un sujet majeur pour l’agriculture tricolore. Le nombre de fermes est ainsi passé de 490 000 en 2010 à moins de 390 000 en 2020. »
Le dossier sur lequel Le Monde se penche illustre très bien ce contexte général très chargé. Il s’agit de celui de l’attribution de 170 ha par la SAFER des PdL à « des agriculteurs déjà bien établis », pour faire de l’agriculture conventionnelle, et non à « quatre jeunes candidats à l’installation » qui « entendaient marier élevage allaitant et vente directe, culture de céréales et maraîchage bio ainsi qu’un fournil pour la confection de pain » (https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/10/21/en-pays-de-la-loire-la-safer-accusee-de-ne-pas-privilegier-l-installation-de-jeunes-agriculteurs_6357548_3234.html). Un cas qui a fait beaucoup réagir.
Un temps plutôt aux gros nuages qu’au « Beau Soleil »
L’opération de reprise et d’extension menée par le GAEC du Beau Soleil relève clairement de la même problématique. Et il ne fait aucun doute que le syndicat majoritaire appuie fortement ce projet qui est dans la ligne syndicale.
Il s’agit d’une « cessation d'activité pour cause de départ en retraite des associés du GAEC de l’Orée de la Forêt, et dans le cadre de l'installation en tant que Jeunes Agriculteurs de 2 enfants de M. et Mme Chevalier, associés du GAEC du Beau Soleil. Après projet, le volume de lait à produire sera de 2 270 000 litres. » D’un côté, une exploitation d’élevage laitier conventionnel reprise en conventionnel, avec un cheptel accru, un outil de production modernisé et deux sites d’exploitation, permettant l’installation de deux jeunes agriculteurs, après rachat du GAEC du Gâvre. De l’autre côté, plusieurs autres agriculteurs, qui font notamment de la production en bio à proximité, dont les activités vont se trouver directement impactées, voire menacées, s’il est fait droit à ce projet d’un élevage de « 400 vaches » (l’efficacité des bandes enherbées en limite de parcelles a aussi ses… limites). Et des riverains dont le cadre de vie et la qualité de vie ne peuvent qu’être fortement impactés par une telle évolution qui n’a plus grand-chose à voir avec l’exploitation qu’ils connaissaient et qui était déjà source de problèmes et de désagréments, tels que odeurs, bruits, passages répétés des engins agricoles, chaussées abîmées…
Rappelons que la commune du Gâvre est une « petite commune forestière » à laquelle en 1225 le Duc de Bretagne de l’époque avait octroyé le statut de ville franche et sur laquelle s’étend la totalité des 4 457 ha de la forêt domaniale du même nom. Les 901 ha communaux restants, hors forêt, se partagent entre le bocage et les parties urbanisées, soit le bourg et plusieurs hameaux ou villages dont celui du Haut Luc à proximité quasi immédiate de la forêt. Cette commune n’a donc que faire d’un élevage laitier de cette ampleur et de ce type, qui ne cadre en rien avec son projet de développement où les préoccupations environnementales et le tourisme vert ont toute leur place. C’est donc à raison que son conseil municipal s’est prononcé résolument contre cette demande d’enregistrement, non sans relever tous les éléments du dossier de nature à susciter de fortes réserves, comme la question de la consommation en eau potable d’un tel cheptel – le puits étant conservé par l’ancien exploitant – et celle de la maîtrise des jus d’ensilage, avec une fosse qui apparaît sous-dimensionnée.
Il est d’ailleurs toujours curieux de devoir constater combien les communes qui ne sont pas directement impactées par tel ou tel projet ont une forte propension à trouver ledit projet parfaitement acceptable et à voter allègrement en sa faveur (cf. municipalités de Vay et de Blain)...
A L’orée de la Forêt
En vérité, le fait que le GAEC repris s’appelait GAEC de l’Orée de la Forêt dit tout de ce dossier. L’on est bien en lisière de forêt. Les bâtiments d’exploitation en sont proches et certaines parcelles en prairie sont littéralement à la limite de la forêt ou de la D42 qui la longe dans ce secteur.
L’on ne s’étonnera pas de voir les porteurs du projet présenter comme un argument en faveur de leur élevage agrandi le fait que celui-ci restera en dehors de la zone Natura 2000 que constitue cette forêt du Gâvre. Et que la ZNIEFF qui se trouve également dans ce secteur n’est pas non plus un problème puisque ne concernant que quelques prairies du GAEC.
Cependant, une telle « édulcoration » de la réalité n’est pas recevable et l’on se doit de retourner l’argument. Comment croire qu’une zone Natura 2000 ou une ZNIEFF se portera mieux, sans menace pour sa fonctionnalité même et sa pérennité, si l’on autorise juste à côté un élevage laitier fortement revu à la hausse ?
Le fichier relatif aux Incidences notables du projet sur l’environnement précise d’entrée de jeu que « le site n’est pas situé dans un zonage naturel » puisque les zones naturelles les plus proches sont vraiment… très distantes :
Zone Natura 2000 : Forêt du Gâvre 382 m (!)
ZNIEFF de type 2 : ZNIEFF Forêt du Gâvre 23 m (!)
ZNIEFF de type 1 : Ruisseau du Perche, anciennes sablières de la Pelliais et bocage environnant 530 m (!)
Nous voilà rassurés.
Une Z.N.I.E.F.F. (Zone Naturelle d’Intérêt Ecologique Faunistique et Floristique) se définit par l'identification scientifique d'un secteur du territoire national particulièrement intéressant sur le plan écologique. L'ensemble de ces secteurs constitue ainsi l'inventaire des espaces naturels exceptionnels ou représentatifs. On distingue deux types de ZNIEFF :
- les zones de type 1 : Secteurs d'une superficie en général limitée, caractérisés par la présence d'espèces, d'associations d'espèces ou de milieux, rares, remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel national ou régional. Ces zones sont particulièrement sensibles à des équipements ou à des transformations même limitées.
- les zones de type 2 : Grands ensembles naturels (massif forestier, vallée, plateau, estuaire...) riches et peu modifiés ou qui offrent des potentialités biologiques importantes.
La forêt du Gâvre est une ZNIEFF de type 2 sur sa totalité (de type 1 sur la lande de Mespras). Une autre ZNIEFF de type 1 se trouve donc à 530 m. A noter que le ruisseau du Perche traverse la forêt jusqu’à l’étang du Gâvre et poursuit son cours au-delà.
C’est également une ZICO couvrant, là encore, la totalité du massif.
Les Zones Importantes pour la Conservation des Oiseaux (Zico) sont des sites qui ont été identifiés comme importants pour certaines espèces d'oiseau (aires de reproduction, de mue, d'hivernage, zones de relais de migration) lors du programme d’inventaires scientifiques lancé par l’ONG « Birdlife International ».
Si ces zones ne confèrent pas aux sites une protection réglementaire, elles servent toutefois à prendre en compte la conservation des oiseaux lors des projets d’aménagement ou de gestion du territoire. Les ZICO sont à la base des propositions de site d’intérêt communautaire (SIC) pour la constitution du réseau de Zone de Protection Spéciale. » (in Docob de la Forêt du Gâvre, p. 9)
Le site "Forêt du Gâvre" fait aussi l’objet d’une ZPS - Zone de Protection Spéciale (FR 5212005) désignée par arrêté du 25 avril 2006.
Le DOCOB (DOCument d’Objectif) Natura 2000 a été validé par le comité de pilotage le 10/11/2011. L’on se reportera utilement à ce document pour mesurer tout l’intérêt faunistique et floristique de cet ensemble (https://www.pays-de-la-loire.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/docob_gavre_fr5212005.pdf) et donc de son zonage Natura 2000. Si, comme le souligne très officiellement le Plan d’Actions Territorial (PAT) des Pays de la Loire (pp. 116-118, https://www.pays-de-la-loire.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/annexe_2_fiches_assemblage.pdf), ce DOCOB mérite d’être révisé, il n’en témoigne pas moins de l’intérêt environnemental majeur de ce massif forestier, un intérêt qui n’a pu que s’accroître au regard du déclin généralisé de la biodiversité et des évolutions liées au changement climatique (comme la baisse du puits de carbone forestier).
Pour en savoir plus sur les zones Natura 2000 en général, il convient de se reporter au site officiel du Centre de Ressources Natura 2000 (https://www.natura2000.fr/). Et au site des AFG pour la zone Natura 2000 de la Forêt du Gâvre en particulier (https://www.amisforetgavre.com/une-for%C3%AAt-natura-2000).
Rappelons, enfin, que l’Ouest de la France est pauvre en forêts et particulièrement en forêts domaniales et que celle du Gâvre est la plus grande. Et la seule de Loire-Atlantique, département dont seulement 11 % du territoire est boisé (soit une superficie de l’ordre de 74 000 ha), pour une population qui approche le million et demi. La forêt du Gâvre est le précieux poumon vert de la métropole nantaise et du pôle métropolitain de Nantes-Saint-Nazaire.
Dans ces conditions, il est évident que les différents documents traitant de l’environnement dans ce dossier minimisent très largement, pour ne pas dire systématiquement, les incidences négatives et les impacts préjudiciables qu’occasionneraient cet élevage laitier « nouvelle formule » sur les écosystèmes forestiers fragiles de cette forêt domaniale. Il en va de mêmes pour les incidences et impacts qu’auraient à subir la population gâvraise, tout particulièrement au Haut Luc.
En définitive, il suffit de se reporter aux deux plans de situation figurant au fichier 8_PlandeSituation25000_GAECduBeauSoleil pour se rendre compte de l’inanité d’un pareil projet en un pareil lieu.
Dans l’intérêt supérieur de l’environnement et des populations, la demande d’enregistrement doit être rejetée.
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​Association Les Amis de la Forêt du Gâvre (AFG)
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